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Togo : Violences sur le député sénégalais Guy Marius Sagna et des journalistes..., la Ve République est-elle mal partie ?

mercredi 2 octobre 2024.

 

A peine la fièvre des protestations contre la mise en place de la Ve République (consacrant entre autres le passage d’un régime présidentiel à parlementaire) a commencé à baisser, qu’elle remonte subitement avec cette agression du député sénégalais, député de la CEDEAO, Guy Marius Sagna, en cette journée dominicale du 29 septembre 2024 à Lomé. Présente dans la capitale togolaise dans le cadre d’une mission parlementaire de la CEDEAO, cette figure politique sénégalaise, perçue comme un des symboles africains de la lutte pour l’indépendance totale et la souveraineté africaines, et dans un langage qui rompt avec la langue de bois, prenait part également à une rencontre organisée par la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), force d’opposition.

Les images de l’interruption violente de la rencontre ont vite fait le tour des réseaux sociaux, quelques minutes seulement après l’incident. Le député Guy Marius Sagna, visiblement la cible, n’est pas seul à être blessé, des journalistes venus couvrir l’activité ont aussi subit la barbarie et leur matériel de travail a été endommagé, selon des médias togolais. Alors que le pays s’apprête à basculer intégralement dans une nouvelle ère politico-institutionnelle, et vue la vive protestation exprimée par une partie des Togolais vis-à-vis de ces réformes, l’on se demande si la Ve République n’est pas mal partie !

Une tache noire de plus pour le Togo, qui vient d’entamer une transition vers la Ve République, avec des implications majeures au plan politique et institutionnel (suppression du suffrage universel direct pour l’élection du président de la République, instauration d’un poste de président du Conseil des ministres, le président de la République est désormais une fonction honorifique, la nouvelle constitution ne prend pas en compte le temps déjà passé au pouvoir, etc.). La nouvelle constitution, promulguée le 6 mai 2024, prévoit une période de transition de douze mois au plus, après sa promulgation. Toutes les institutions doivent donc être mises en place avant le 5 mai 2025. Cette nouvelle ère est annoncée avec le dévoilement, le 20 août 2024, du nouveau gouvernement de Victoire Sidémého Tomegah-Dogbé et ce, dans un nuage de tensions socio-politiques. Les réformes qui ont conduit à l’avènement de la Ve République se sont donc opérées dans des répressions (Réformes au Togo : L’opposition et des OSC contestent, le pouvoir mâte, la communauté internationale appelée à réagir). Ceux qui espèrent, avec l’adoption de ces nouveaux instruments, voir tourner la page des violences au Togo sont donc face à un fait accompli de violences sur le député sénégalais, membre du Parlement de la CEDEAO, Guy Marius Sagna, en séjour à Lomé dans le cadre de ses fonctions au parlement communautaire, dit-on.

C’est dans ce cadre que, prenant part à une réunion publique organisée par la plateforme d’opposition dynamique pour la majorité du peuple (DMP), le député va faire l’objet d’une agression, alors qu’il venait de prendre la parole à cette assemblée.

« Lors de son intervention, Guy Marius Sagna a souligné les nombreuses difficultés rencontrées dans l’organisation de cette réunion, notamment l’annulation de la réservation d’une salle dans le but de la faire échouer. Alors que le député de la CEDEAO, après son introduction et la revendication de sa citoyenneté togolaise, appelle l’assistance à se lever pour chanter l’hymne national du Togo, un groupe de miliciens assis parmi les participants, se déchaîne, semant la panique. Ces individus, visiblement bien coordonnés, ont agressé les participants à coups de chaises, de poings et de pieds, plongeant la rencontre dans le chaos. Le tout en présence des forces de l’ordre censées assurer la sécurité de l’événement mais qui n’ont ni porté assistance aux personnes attaquées, ni mis hors d’état de nuire les miliciens. Les assaillants ont également détruit systématiquement les téléphones portables et les appareils d’enregistrement des journalistes présents, rendant impossible toute capture des événements. Certains des équipements saisis ont été jetés dans un puits situé dans la cour de l’établissement, témoignant de la volonté des agresseurs d’effacer toute trace de leur action violente. Les téléphones du député Guy Marius Sagna ont été emportés avec une sacoche contenant une forte somme d’argent. De nombreux participants ont été blessés lors de cette attaque, dont Guy Marius Sagna lui-même, ainsi que Brigitte Adjamagbo-Johnson, figure politique togolaise et députée. Les deux ont été transportés en urgence dans une clinique voisine pour y recevoir les soins nécessaires. D’autres victimes, parmi lesquelles des membres de la société civile, des chefs de partis politiques et des journalistes, ont également dû être prises en charge médicalement », reconstitue le mouvement citoyen international « Tournons La Page ».

« Ils m’ont demandé : ‘’Vous êtes Togolais ? ‘’. Comme s’ils me reprochaient d’avoir revendiqué ma Togolité. Mais aujourd’hui, malgré cette violence, je reste Togolais et je serai toujours aux côtés du peuple togolais », a confié la victime Guy Marius Sagna dans les couloirs de la clinique où il a été admis.

Le lendemain lundi, 30 septembre, le porte-parole du gouvernement togolais, Yawa Kouigan, a demandé qu’on accorde du crédit à la justice togolaise pour faire la lumière sur cette affaire. « Les circonstances déplorables dont nous parlons ne doivent pas nous amener à apporter des accusations gratuites, ce qu’on a pu entendre par-ci par-là, mais encore une fois à donner à la justice togolaise tous les moyens de diligenter une enquête en bonne et due forme », a posé le porte-parole du gouvernement, Mme Kouigan, en réponse certainement à ceux qui pointent le pouvoir en place d’avoir orchestré ces violences.

Épreuve difficile encore pour le gouvernement de Mme Tomegah-Dogbé, Premier ministre, qualifié de celui de transition vers la Ve République. Au-delà des considérations partisanes, une importante préoccupation reste celle de savoir si les nouvelles reformes pourront satisfaire aux espoirs d’une vie publique « civilisée » (ce pays qui, à l’image de nombreux autres pays africains, porte un lourd passif de violences politiques). C’est un défi colossal, en ce sens également que, ceux qui ont combattu le projet de nouvelle constitution et ses implications, restent persuadés que ces réformes visent à préserver et à mieux disposer les intérêts du pouvoir qu’à faire le bonheur du peuple togolais.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net



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