Burkina/Environnement : Les bonnes pratiques de plantation pour un reboisement réussiAu Burkina Faso, pays sahélien confronté à des défis environnementaux majeurs, la nécessité de protéger et de planter des arbres est cruciale. Face à la désertification, au changement climatique et à la dégradation des sols, les arbres jouent un rôle vital pour l’équilibre écologique et la survie des communautés. Ils sont essentiels pour prévenir l’érosion, améliorer la fertilité des sols, stocker le carbone, offrir de l’ombre et des ressources naturelles indispensables aux populations. Cette période d’hivernage est le moment propice pour ceux qui sont intéressés par le reboisement, un acte citoyen. Cependant, quels processus et bonnes pratiques adopter pour une plantation d’arbre, voire un reboisement réussi ? Le directeur des forêts et de la reforestation, colonel Bertrand Tapsoba, rencontré le vendredi 28 juin 2024, à Ouagadougou, éclaire la lanterne des citoyens. Du choix du site, au choix de la période de plantation, à celui des espèces, en passant par le piquetage, la trouaison, le rebouchage, jusqu’à la protection, l’entretien et la surveillance, le directeur des forêts et de la reforestation, le colonel Bertrand Tapsoba, partage les secrets d’un reboisement réussi. « Le reboisement est essentiel car il contribue à lutter contre la désertification, un phénomène qui menace gravement les terres au Burkina Faso », a-t-il introduit. Choix du site Le colonel Bertrand Tapsoba affirme d’emblée que la réussite d’un reboisement obéit à un processus bien défini à respecter. Ce qui commence par le choix du site. En effet, selon colonel Tapsoba, les espèces à planter doivent être aptes aux conditions pédoclimatiques du site de plantation. Aussi, le site doit être protégé de la divagation des animaux et des feux de brousse. Pour cela, dit-il, le choix de l’espace de plantation doit s’opérer avec les services techniques compétents (service forestier) et la mairie. Ainsi, les sites peuvent être les forêts communales, les forêts classées de l’État, les espaces de conservation, les bosquets, les lycées et collèges, les espaces verts et autres lieux d’accueil du public (écoles, centres sanitaires…), la bande de protection des berges des cours et plans d’eau, le long des routes, et toutes espaces bénéficiant d’une sécurisation foncière. Choix de la période de plantation Pour le colonel Bertrand Tapsoba, la période de plantation propice est celle correspondant à l’installation des pluies, essentielle pour assurer une bonne reprise des plants mis en terre. « En effet, la période s’étendant normalement de juin à fin août est particulièrement favorable. Cette période permet aux jeunes plants de bénéficier de l’humidité nécessaire pour établir leurs racines et de croître de manière optimale », a-t-il déclaré. Choix des espèces Le choix des espèces constitue une étape cruciale pour la réussite d’une plantation, souligne le spécialiste en reforestation. Ce choix doit prendre en compte plusieurs aspects essentiels : d’abord, l’adaptation des espèces aux conditions climatiques locales est primordiale pour garantir leur survie et leur croissance. Ensuite, la nature du sol doit être compatible avec les exigences des espèces sélectionnées. Il est également impératif que les espèces soient de bonne qualité, exemptes de parasites et d’agents pathogènes, afin de prévenir la propagation de maladies. Enfin, les plants doivent être vigoureux et avoir passé le temps recommandé en pépinière avant d’être transplantés, assurant ainsi qu’ils sont suffisamment robustes pour s’établir avec succès dans leur nouvel environnement. Au Burkina Faso, les choix d’espèces végétales sont en fonction des zones phytogéographiques, ayant chacune des conditions climatiques et des sols spécifiques. À titre d’illustration, selon le colonel Tapsoba, l’Acacia sp est une des espèces à privilégier dans la zone sahélienne (au Nord) en raison de sa résistance à la sécheresse, étant bien adapté aux conditions arides du Sahel. Pour la zone soudano-sahélienne, le Parkia biglobosa, communément appelé Néré, est idéal grâce à ses graines riches en protéines et sa capacité à fixer l’azote dans le sol. Quant au Karité, connu scientifiquement sous le nom de Vitellaria paradoxa, il est recommandé pour la zone soudanienne en raison de son importance dans la production de beurre de karité et sa bonne croissance dans les régions plus humides. Le piquetage À ce niveau de la plantation, le colonel Bertrand Tapsoba explique que le piquetage consiste à matérialiser l’emplacement des futurs trous destinés à accueillir les plants, les graines ou les semences. Cette étape est cruciale car elle détermine la disposition des plantes en fonction des espèces et de l’écartement nécessaire pour leur espace vital et leur développement optimal. Le piquetage peut être réalisé selon différents motifs, notamment en carré, en quinconce ou de manière aléatoire, chacun offrant des avantages spécifiques pour la croissance des plants et l’utilisation efficace de l’espace. La trouaison Des explications du spécialiste en reforestation, la trouaison est une opération essentielle qui consiste à creuser un trou dans le sol en préparation de la plantation. Lors de cette étape, il est crucial de séparer la terre issue des quinze premiers centimètres du reste, afin de respecter la règle du « first out, first in ». C’est-à-dire qu’il faut remettre cette couche supérieure en premier lors du rebouchage. Si le sol est de mauvaise qualité, par exemple latéritique, il est recommandé d’ajouter de la terre riche pour améliorer les conditions de croissance des plants. Les dimensions du trou varient selon les espèces, mais en général, il est conseillé de creuser un trou d’une largeur (diamètre) de 60 cm et d’une profondeur de 60 cm. Le rebouchage Le rebouchage est selon M. Tapsoba, une opération qui consiste à refermer le trou destiné à accueillir le plant en suivant une séquence précise. D’abord, la terre extraite des quinze premiers centimètres du trou, considérée comme la couche superficielle et souvent la plus riche en matière organique, est remise en premier, suivant la règle du « first out, first in ». Ensuite, la terre provenant des couches inférieures, généralement moins fertile, est ajoutée en dernier. Cette technique permet de créer un environnement optimal pour le développement des racines, en replaçant la terre la plus fertile au niveau où elle pourra le mieux nourrir le jeune plant. La protection Selon le colonel Bertrand Tapsoba, il est recommandé de prévoir une protection individuelle des plants ou une clôture pour le site de reboisement afin de protéger les jeunes plants des dents du bétail, du feu ou de toute autre action anthropique. En fonction des moyens disponibles, plusieurs options peuvent être envisagées pour la protection des plantations : le gardiennage, l’ouverture de pare-feu, l’installation d’une grille de protection autour de chaque plant, ou la mise en place d’une clôture autour de la plantation. Cette clôture peut être constituée de différentes manières : une haie vive formée de plantes épineuses, du fil de fer barbelé soutenu par des supports en bois ou métalliques, ou un grillage à grande maille soutenu par des supports en bois ou métalliques. Lorsque les supports sont en bois, ils doivent être solidement fixés et traités contre les termites pour garantir leur durabilité. L’entretien D’après le directeur des forêts et de la reforestation, pour accroître les taux de réussite des plantations, il est crucial que les organisateurs de reboisement prévoient non seulement la protection des plants, mais également leur entretien régulier, notamment à travers le désherbage des sites concernés. Pour les plantations situées dans les centres d’habitation ou à proximité de cours et plans d’eau, l’arrosage des plants pendant la saison sèche est recommandé, car cela améliore de manière significative le taux de réussite. En cas de mortalité constatée parmi les plants, un regarnissage est nécessaire, et des traitements phytosanitaires appropriés devront être appliqués sur les plants malades, car les mortalités sont souvent dues à des attaques de termites. Le directeur des forêts et de la reforestation relève également que certains traitements sylvicoles appropriés peuvent être réalisés à la périodicité requise, tels que des éclaircies, des coupes sanitaires et des élagages. À ce propos, les organisateurs pourront bénéficier des appuis-conseils des services forestiers pour assurer une gestion optimale des plantations. Ces interventions sont essentielles pour maintenir la santé et la vigueur des plantations, garantissant ainsi leur développement durable et leur intégration harmonieuse dans l’écosystème local. La surveillance La surveillance des sites de plantation doit être une opération continue, assurée par le service forestier, les populations riveraines et les membres des Sociétés coopératives simplifiées (SCoopS) formés à cet effet. Cette surveillance vise à lutter contre toute forme de pratique illicite incompatible avec le plan d’aménagement du site. Pour renforcer cette vigilance, des contrôles mixtes, composés de membres du SCoopS et de forestiers, peuvent être organisés. Cette approche collaborative permet de garantir la protection et la pérennité des plantations, assurant ainsi leur contribution durable au développement environnemental et économique local. Hamed Nanéma Vos réactions (2) |