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Burkina Faso/MPSR2 : L’échéance de la Transition nécessite un nouveau contrat social

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jeudi 11 avril 2024.

 

En pleine canicule du mois d’avril, avec des délestages couplés de l’eau et du courant dans les villes qui avaient le luxe d’avoir accès à ces précieuses commodités de la vie, le pays des hommes intègres s’interroge sur son avenir : dans trois mois, qu’est ce qui va advenir dans sa gouvernance ? Selon la charte de la transition, celle-ci devrait prendre fin en juillet 2024 par l’organisation d’élections pour un retour à une vie constitutionnelle normale. Pas besoin d’être un chaud partisan du pouvoir de la transition (MPSR2) pour savoir qu’il n’y aura pas d’élections à cette date. Le pays va-t-il, comme au Mali, en laisse guidon glisser dans le vide institutionnel, où les autorités du Mouvement pour la sauvegarde et la restauration, version2 (MPSR2) vont convoquer des assises pour se donner un nouveau bail ?

Au-delà de la vacance du pouvoir et du nouveau contrat social, une réflexion, une évaluation sur comment nous avons appréhendé et répondu aux attaques terroristes auxquelles notre pays fait face s’impose. Le pays ne peut pas faire l’économie de la réflexion sur les deux coups d’État intervenus pour mettre fin au terrorisme qui n’ont pas atteint cet objectif principal. Pourquoi n’avons-nous pas réussi à endiguer les attaques terroristes ? Quelles sont les erreurs que la société a commises, ainsi que les autorités qui dirigent le pays ? Quels sont les acquis à préserver et à développer ? À défaut de solutions toutes faites ne peut-on pas proposer des balises pour reprendre la bataille pour plus de succès ?

Certains se demandent si, dans la situation de notre pays, écrire en vaut la chandelle aujourd’hui. La réponse est que chacun a le devoir de faire quelque chose pour que la situation du pays change, pour que la paix revienne et que l’on bâtisse un avenir meilleur pour les jeunes. Cela aussi est de l’engagement patriotique et citoyen, comme le demande notre Premier ministre Me Apollinaire Kyelem de Tambèla. Opiner sur ces questions de la vie de notre pays, apporter sa part de réflexion et d’idées est une activité citoyenne. Le sort du pays nous concerne tous, on ne peut pas se limiter à apporter que de l’argent au Fonds de soutien patriotique, si on a des capacités de réflexion et d’analyse, et se taire.

Dans le monde des idées, on dit souvent que quand celles-ci s’entrechoquent, ce n’est pas du bruit et de la fureur qu’elles font, mais un jaillissement de lumière. On peut penser autrement et faire famille et si les idées bouillonnent, on a des chances de voir plusieurs aspects du problème. Si on arrive à une échéance, cette pause est l’occasion de voir le chemin parcouru, de situer où nous en sommes dans l’atteinte des objectifs initiaux. Regarder les indicateurs et tirer des leçons. Cet exercice n’est pas très prisé par les militaires qui ont pris le pouvoir lors des deux coups d’État du MPSR, mais il s’impose à nous pour que la réflexion guide l’action.

Quelques causes de la situation

Soyons adultes et reconnaissons que nous avons échoué à booter l’ennemi hors de notre pays et qu’il continue à nous endeuiller à quelques mois de la fin de la transition. Il y a une phobie que le pouvoir a des indicateurs comme le nombre de personnes déplacées internes qui restent inchangé depuis le 31 mars 2023. Des déplacés retournent chez eux, mais aucun indicateur n’est donné. On peut être sceptique sur le caractère stratégique pour l’ennemi de ces informations. Les MPSR1 et 2 et leurs gouvernements se sont inscrits dans une volonté réactionnaire de ramener l’un Blaise Compaoré par la réconciliation et l’autre Thomas Sankara en le réincarnant en Ibrahim Traoré. Et ce faisant, ce programme multitâches accorde moins de temps et de ressources intellectuelles à la lutte contre les groupes terroristes.

En ne se consacrant pas à la priorité de la guerre contre les ennemis qui en veulent au pays, des dissensions sont apparues au sein du MPSR1 qui ont abouti au coup d’État MPSR2. Le MPSR2, s’il n’a pas rompu, a annoncé une flopée de tentatives de coups d’État, avec des arrestations, des enlèvements… L’armée nationale a connu une saignée de cadres. Si le pouvoir assimile ses opposants et ses adversaires à des ennemis, ils ne font pas partie de ceux qui ont pris les armes contre le pays, ce ne sont pas des terroristes. Les velléités de coups d’État avérés ou supposés sont le symptôme d’une armée malade, désunie qui n’est pas en ordre de bataille pour la guerre.

Il y a les responsabilités des juntes mais aussi celles des "entrepreneurs politiques" de tous bords que compte notre pays composés d’individus divers, de personnalités, d’organisations de la société civile, tous heureux d’avoir une oreille du prince du moment qui font des propositions, déblatèrent sur les médias et les réseaux sociaux pour la réconciliation et le retour des exilés (époque MPSR1) et pour la révolution, la nouvelle que ce coup d’État leur permet d’enclencher (actuellement MPSR2). C’est vraiment malheureux qu’un pays, au lieu d’écrire de nouvelles pages, s’évertue à vouloir faire du neuf avec du vieux, rejouer le match du fantôme contre le déchu.

Malheureux de voir cette jeunesse qui, au lieu de faire ses propres rêves, veut revivre ceux des autres, quarante ans après. Faire du déjà vu, déjà expérimenté, adopté et échoué ! Cet échec est national, nous sommes le pays des coups d’État avec des politiciens qui aiment la courte échelle, s’accrochent aux godasses des militaires pour arriver au pouvoir. C’est aussi le pays de la violence en politique proclamée et applaudie sur Facebook alors que nos ennemis ont pris des armes contre nous. Au lieu de nous unir, nous en sommes à nous détester, à nous haïr et à faire de nos frères qui ne pensent pas comme nous des ennemis contre lesquels on aiguise des machettes, mais pas contre les terroristes.

Les balises à conserver

Commençons par le nerf de la guerre qu’est le Fonds de soutien patriotique qui a permis de nous convaincre que l’on peut compter sur nos propres forces au plan financier. Il est à préserver avec les taxes et surtout par le volontariat.
Le colossal acquis de la période MPSR2 est d’avoir donné la prééminence à la souveraineté dans la lutte en renvoyant les troupes françaises du pays. C’est une chose essentielle à préserver et à consolider en défendant notre indépendance et notre souveraineté face aux nouveaux partenaires. Il n’y a pas d’État ange ou démon, tous autant qu’ils sont recherchent leurs intérêts et sont prêts à piétiner ceux des autres.

Ce sont des États capitalistes, tous autant qu’ils sont, de la France aux États-Unis, en passant par la Turquie, l’Iran ou la Russie. Et comme l’a dit Lénine, le capitalisme est à son stade suprême, l’impérialisme, donc ces États, ont des visées impérialistes. Personne ne pensera à nos intérêts, sauf nous, personne ne brandira notre drapeau, si nous portons ceux des autres. Si on se laisse endormir par des belles paroles, ce sera un autre impérialiste qui tirera les marrons du feu qui nous consume.

Le troisième acquis est que le MPSR2 a donné un élan inouï à l’engagement des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). La preuve que l’on peut s’appuyer sur les bonnes idées de ses prédécesseurs et les développer. Il faut continuer ainsi et prendre les bonnes idées d’où qu’elles viennent au lieu de se diviser sur des choix politiques et idéologiques. Après la guerre, chacun pourra présenter son programme au peuple et essayer de le convaincre. Nous sommes tous Burkinabè, donc égaux devant la loi, il n’est pas normal que certains s’appuient sur un mouvement venu pour chasser le terrorisme pour imposer leurs vues à tous. Redonner l’égalité aux Burkinabè est la voie qui permettra de remobiliser l’ensemble du peuple.

Que le MPSR2 ne croit pas aux affirmations de ces groupuscules et autres OSC qui prétendent le soutenir, être des remparts contre ses ennemis. Les ennemis sont connus ce sont les terroristes, désigner la presse, la justice, les syndicats comme des ennemis du pouvoir est un moyen d’obtenir des prébendes de la part des entrepreneurs politiques, qui ont toujours vécu du clientélisme politique. Voilà ceux qui ont pollué la gouvernance du MPSR1 et 2 avec leurs conseils toxiques du tout en même temps qui nous ont empêché de gagner la guerre contre le terrorisme et nous ont emmené à nous diviser.

Renouveler la caution des forces ayant adopté la charte

Le MPSR2 doit rétablir une connexion avec les forces ayant adopté la charte. Beaucoup de choses se sont passées depuis le 14 octobre 2022 où les 364 délégués ont élu à l’unanimité comme président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré. L’objectif de la guerre contre le terrorisme n’étant pas atteint, un échange permet de s’accorder encore sur ce qu’il faut faire maintenant et comment le faire. Il ne faut pas avoir peur de communiquer avec le peuple, car il est toujours meilleur d’avancer avec lui que d’avancer seul. Il s’agit de recréer la magie du tous contre les terroristes. Accroître le sentiment d’appartenance de tous les Burkinabè au pays, et d’engagement patriotique qui n’est pas pour des autorités quelconques. Il faut refaire l’unité pour se donner les chances de réussir la lutte contre le terrorisme, après quoi chacun pourra se battre pour son école, sa vision, son idéologie, dans un Burkina libéré. Une chose est sûre : après deux coups d’État, ne laissons personne encore nous dire que les coups d’État sont une solution à la crise sécuritaire.

Sana Guy
Lefaso.net



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