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Tunisie/Migration : « La plupart des étudiants sont en sécurité », rassure un Burkinabè de Sfax

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lundi 10 juillet 2023.

 

En Tunisie, des migrants subsahariens ont été victimes de violence à Sfax, la ville côtière entre l’Afrique et l’Italie (Europe). La mort d’un Tunisien de 41 ans, poignardé lors d’affrontements le lundi 3 juillet 2023 avec des migrants originaires d’Afrique subsaharienne, a causé de vives tensions avec les habitants de cette ville. Deux Burkinabè vivant dans ce pays reviennent sur cette situation tendue.

« La situation n’incombe pas uniquement aux Burkinabè. On parle des migrants illégaux, ceux qui font la traversée du désert à partir du Niger ou de la Côte d’Ivoire, qui passent par le désert de la Libye ou du Maroc pour rentrer au Maroc et en Tunisie dans le but de prendre l’eau et d’aller en Italie ». C’est le témoignage de Rachid Koté, Burkinabè résidant à Tunis.

De part sa situation géographique, Sfax est une ville qui accueille un nombre important de migrants candidats pour l’Europe via la Méditerranée. En plus des Subsahariens, on peut compter également des Tunisiens, informe Rachid Koté.
« Actuellement, le calme est revenu », rassure de son côté Zakaria Bonkoungou, étudiant burkinabè et travailleur. Selon son témoignage, des jeunes [tunisiens] du quartier s’en sont pris aux Subsahariens de façon générale. La tension est montée d’un cran suite à une agression d’un Tunisien de 41 ans qui a succombé à ses blessures après avoir été poignardé par des Subsahariens.

« Les tensions étaient bien là tapis dans l’ombre et ça a conduit à une explosion. C’était tendu et très délicate comme situation. Mais grâce à la police, ils ont réussi à calmer la situation. Chaque jour, il y a des patrouilles et contrôles pour garder le calme », poursuit Zakaria Bonkoungou.

Avant ces évènements, les étudiants noirs n’étaient pas inquiétés, confie Zakaria Bonkoungou, qui compte environ dix ans à Sfax. « Mais depuis ces événements, la population noire est un peu observée ; parfois, on subit quelques actes de xénophobie (…) Rien qu’en début de semaine, on a eu du mal à se déplacer ici en ville parce qu’il y a des transports qui refusent de prendre des étrangers », relate-t-il.

« Entre Subsahariens, la cohabitation n’est pas facile »

A la question de savoir si des Burkinabè (étudiants et autres) ne sont pas touchés par ces violences, Zakaria Bonkoungou répond par la négative. « La plupart des étudiants, nous sommes en sécurité. Depuis le début de ces événements, on a fait passer le mot d’ordre : étant donné que ce sont les vacances, chacun devra rester chez lui ; éviter les déplacements inutiles », développe-t-il.

« Par contre, il y a aussi des Burkinabè ici qui ne sont pas des étudiants. Je n’ai pas trop de liens avec ces personnes et je ne saurai dire ce qu’il y a parmi cette catégorie de Burkinabè en situation irrégulière ceux qui sont touchés ou pas », précise-t-il.

Des récits de ces deux Burkinabè, on retient que les migrants subsahariens ont contribué à détériorer la situation sécuritaire à Sfax. « Entre des Subsahariens eux-mêmes, la cohabitation n’est pas facile. Il y a des agressions, des vols à main armée. A l’heure où la Tunisie elle-même traverse une crise économique sans précédent, des Tunisiens crient leur ras-le-bol face », déplore Rachid Koté, gérant d’un cabinet de consulting et de formation professionnelle à Tunis.

Il fait noter que c’est la police qui a assuré la sécurité des Subsahariens, « qui ne savaient pas à quel saint se vouer ».

Le pouvoir accusé…

L’explosion de la migration dans cette localité causait déjà certains problèmes dans la société, surtout la délinquance, indique Zakaria Bonkoungou. En tant que résidant à Sfax depuis 2013, il a vécu ce changement dans les habitudes, suite à la croissance des migrants dans cette deuxième ville de la Tunisie.

Il faut signaler que les tensions entre les habitants et les migrants se sont exacerbées après un discours, en février 2023, du président Kaïs Saïed pourfendant l’immigration clandestine et la présentant comme une menace démographique pour son pays.

Lire aussi : International : « L’immigration clandestine relève d’un complot pour modifier la démographie de la Tunisie », selon le président tunisien Kaïs Saïed

Dans un communiqué publié mercredi, la branche syndicale de Sfax de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a accusé le pouvoir d’avoir aggravé le phénomène d’immigration clandestine « en jouant le rôle de gendarme de la Méditerranée, interceptant les bateaux des migrants africains subsahariens clandestins et les acheminant à Sfax ». Il a appelé Kaïs Saïed et son gouvernement à « trouver une solution radicale (à la présence) de milliers de migrants subsahariens clandestins », et affirmé « refuser que la région de Sfax se transforme en un lieu de rassemblement ou de réinstallation pour ces migrants dans une volonté de faire plaisir à l’Italie et à l’Europe », rapporte le journal Le Point.

Cryspin Laoundiki
Lefaso.net



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