![]() Lettre ouverte pour la protection des journalistes et la défense de la liberté d’expression et de la liberté de la presse au Mali et au Burkina FasoDans cette lettre ouverte, publiée sous l’impulsion de Reporters sans Frontières, à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse le 3 mai, une trentaine d’organisations internationales et sous-régionales et de médias interpellent la communauté internationale sur les difficiles conditions de travail des journalistes au Burkina et au Mali. Elles interpellent particulièrement les autorités burkinabè et maliennes à mettre fin à toutes les mesures qui portent atteinte à la liberté de la presse. ● Monsieur le Président de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine, Appels au meurtre de journalistes et de leaders d’opinion, menaces et intimidations sur la presse nationale, montages grotesques contre des journalistes, suspension des médias internationaux RFI et France 24, expulsion des correspondants des journaux français Libération et le Monde... Les menaces sur la liberté d’expression et la liberté de la presse sont très inquiétantes au Burkina Faso. Les mesures prises par les autorités de ce pays, surtout ces derniers mois, sont de nature à remettre en cause le droit fondamental des citoyens à être informés. La liberté commence là où finit l’ignorance. Au Mali également, les pressions et les intimidations envers les journalistes et les leaders d’opinion se multiplient. De novembre à décembre 2022, la chaîne Joliba TV a été suspendue par la Haute autorité de la communication (HAC), après la diffusion d’un éditorial jugé critique envers les autorités. Le 20 février 2023, la Maison de la presse de Bamako a été mise à sac. Le 13 mars, le chroniqueur de radio Mohamed Youssouf Bathily, plus connu sous le pseudonyme de Ras Bath, a été inculpé et écroué pour avoir dénoncé “l’assassinat” de l’ex-Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Le 15 mars, Rokia Doumbia, dite "Rose vie chère", a été arrêtée à son tour pour avoir communiqué sur la hausse des prix et "l’échec" de la transition. Le 6 avril, le journaliste Aliou Touré a été enlevé par des hommes armés et cagoulés et n’a été retrouvé libre que quatre jours plus tard. Là aussi, la presse internationale est loin d’être épargnée. En février 2022, un reporter de Jeune Afrique a été expulsé de Bamako. Et un mois plus tard, RFI et France 24 ont été coupés sur tout le territoire malien. Au Burkina Faso comme au Mali, ces attaques sont de plus en plus relayées sur les réseaux sociaux par des "influenceurs" favorables aux régimes militaires de ces deux pays, qui jouent aux justiciers et n’hésitent pas à menacer de mort les journalistes et leaders d’opinion trop indépendants à leurs yeux. Aujourd’hui, le mensonge s’ajoute à la violence. "L’instauration d’un régime de terreur", comme l’écrit le quotidien burkinabè L’Observateur Paalga, s’accompagne d’une vague de “fake news” qui inondent les réseaux sociaux de contre-vérité. Les premières victimes de ces "influenceurs" sont les populations malienne et burkinabè, qui sont privées de débat démocratique. En cette période de grave crise sécuritaire dans ces deux pays, les journalistes qui jouent un rôle crucial d’information des citoyens sont tous conscients de leurs responsabilités. Ils comprennent aussi la complexité du contexte politique, géopolitique et militaire. Ils vivent et subissent aussi les graves conséquences de cette crise sécuritaire. Ils souhaitent, comme tous les citoyens, le retour rapide à la paix. Pour autant, la lutte contre le terrorisme ne doit en aucun cas servir de prétexte pour imposer une nouvelle norme de l’information et pour restreindre les droits fondamentaux des populations malienne et burkinabè à rechercher et à avoir accès à l’information par le biais des médias professionnels et indépendants. Au Burkina Faso, la situation des journalistes est devenue tellement critique que même l’institution chargée de la régulation s’en émeut. Dans un communiqué publié le 29 mars 2023, le Conseil supérieur de la communication (CSC) "constate avec regret la récurrence des menaces proférées à l’endroit d’organes de presse et d’acteurs des médias". Le CSC demande aux autorités burkinabè de "prendre les mesures idoines pour assurer la sécurité des médias et des journalistes dans l’exercice de leur profession". De son côté, Volker Türk, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, se dit "profondément troublé" par la situation des médias au Burkina Faso. "En cette période de transition, la protection des voix indépendantes est plus nécessaire que jamais", ajoute-t-il. Le 20 février, Alioune Tine, l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, a déclaré être "extrêmement préoccupé par le rétrécissement de l’espace civique, de la liberté d’expression et d’association" au Mali. Sur la base de tous ces éléments, nous, signataires de cette lettre ouverte, SIGNATAIRES Vos réactions (17) |