Les défis de l’inclusion scolaire des enfants déficients auditifsL’une des missions du Programme de développement stratégique de l’éducation de base 2012-2021 (PDSEB), référentiel en matière d’éducation de base au Burkina Faso, est d’améliorer les indicateurs de qualité du système éducatif, avec un accent particulier sur la prise en compte des enfants à besoins éducatifs spéciaux. Toutefois, dans tout le processus de l’inclusion scolaire, des difficultés subsistent. En effet, il existe des contraintes dont celles techniques et pédagogiques, tel qu’il apparaît dans le rapport sur l’état des lieux de l’éducation inclusive au Burkina Faso, présenté par Niada (2013). On retient entre autres, le manque de matériel didactique, les infrastructures inadéquates, l’insuffisance de la formation des enseignants, le faible effectif de ces derniers, doublé de leur mobilité. Ces contraintes influent nécessairement sur la qualité de l’enseignement dans les écoles inclusives. Celle qui retient le plus notre attention est l’insuffisance de la formation des enseignants avec ses conséquences sur la qualité des apprentissages, dans un contexte de généralisation de l’approche d’éducation inclusive (E.I.). La gestion psychopédagogique des enfants en situation de handicap (E.S.H.) comprend entre autres, celle des enfants déficients auditifs (E.D.A.). Ces E.D.A., tout comme ceux porteurs d’autres handicaps, sont victimes de ce que la société pense et construit autour de leur situation de santé. Considérés par les uns comme des enfants sorciers, des maudits, des génies, des esprits ou encore des damnés, ils ont, à l’instar de leurs camarades porteurs d’autres handicaps, une histoire très difficile et sont encore marginalisés au sein de leurs communautés (Niada, 2013). Des actions engagées par les mouvements associatifs, les organisations de la société civile, et les organisations non gouvernementales (O.N.G.) ont permis à la société de changer un tant soit peu, les regards sur les E.S.H. Malheureusement, l’impact semble encore faible, eu égard au faible nombre de cette catégorie d’enfants ayant accès à l’enseignement. En effet, les taux d’accès et de maintien des E.D.A. à l’école sont inférieurs à ceux des enfants dits normaux. Selon l’Enquête intégrale sur les conditions de vie des ménages (E.I.C.V.M.), en 2009, on enregistrait 71,3% des E.S.H. n’ayant jamais fréquenté l’école primaire, contre 47,7% d’enfants non handicapés (Burkina Faso, MEF, 2009). Les résultats définitifs du recensement général de la population et de l’habitation (RGPH), portant situation socioéconomique des personnes vivant avec un handicap nous renseignent que seulement 10.3% des enfants déficients auditifs de 7-12 ans sont scolarisés, avec une tendance décroissante pour leurs camarades de 13-16 ans estimée à 7.4%. Ces taux connaissent une différence en fonction du milieu de résidence. En effet, en milieu urbain, le rapport relève 30.6% des E.D.A. contre 5.7% en milieu rural parmi ceux âgés de 7-12 ans. Pour la deuxième frange âgée de 13-16 ans, on enregistre en milieu urbain 21.9% contre 6.5 % en milieu rural (Burkina Faso, MEF, 2009). Ainsi, force est de reconnaître que les E.S.H. en général et les E.D.A. en particulier, éprouvent encore des difficultés à être accueillis dans les structures scolaires. L’école éprouve du mal à jouer son rôle de neutralité, en offrant à tous les enfants les mêmes chances d’accès et de réussite scolaire. Delaporte (2002, p.76) écrivait d’ailleurs qu’« être sourd, c’est être condamné non pas à ne pas entendre, mais à vivre dans un monde qui ne comprend pas les sourds ». Cela met en exergue la dure réalité des rapports que les sourds entretiennent avec leur milieu social environnant, y compris l’école qui est censée ne pas faire de discrimination. Cet article se veut donc être un diagnostic des facteurs d’inclusion des E.D.A. dans le cycle d’enseignement primaire dans un contexte de généralisation de l’approche E.I. C’est pourquoi, il nous est paru capital de nous interroger sur la participation de l’E.D.A. aux apprentissages scolaires en lien avec les pratiques pédagogiques des enseignants d’une part, et sur le climat relationnel avec les E.D.A. au sein des écoles, d’autre part. 2. Méthodologie, matériels et méthodes Pour mieux cerner l’impact des pratiques pédagogiques en lien avec l’inclusion des E.D.A. et le climat relationnel au sein de ces écoles expérimentales, nous nous sommes focalisés sur un public cible, constitué essentiellement :
Par ailleurs, la classe est également retenue comme champ d’observation, pour mieux apprécier la nature des interactions et établir leur lien avec les pratiques pédagogiques déclarées par les enseignants. La technique d’échantillonnage non probabiliste a été privilégiée dans notre travail de recherche. Elle recourt à l’échantillon par choix raisonné (Dépelteau, 1998). 3. Résultats Les défis de l’inclusion scolaire des E.D.A. se situent à plusieurs niveaux. Il s’agit principalement de l’organisation pédagogique des enseignants et du climat relationnel avec les E.D.A. au sein des écoles. Dans l’organisation pédagogique, deux préoccupations ressortent : la responsabilisation des E.D.A. dans les travaux de groupe et les moyens de communication utilisés avec les déficients auditifs. 3.1.1. De la responsabilisation des enfants déficients auditifs Ainsi, nous pouvons affirmer que les pratiques pédagogiques de la majorité des enseignants, sont satisfaisantes, bien qu’ils n’aient pas été spécifiquement formés à la gestion d’une classe recevant des enfants déficients auditifs. Néanmoins, ces résultats ne devraient pas occulter ces besoins de formation, qui, de notre point de vue, sont indispensables pour une meilleure inclusion scolaire des E.D.A. Mais, quels moyens de communication, les enseignants utilisent-ils avec les E.D.A. dans leurs classes ? 3.1.2. Des moyens de communication utilisés avec les enfants déficients 3.2. Du climat relationnel avec les enfants déficients auditifs au sein des écoles S’agissant des interactions sociales, les enseignants se révèlent favorables pour les E.D.A. En effet, on observe également un climat positif , ce qui dénote de bonnes relations entre les E.D.A. et les autres élèves de la classe. Au sujet du climat relationnel avec des enfants déficients auditifs, les directeurs d’école enquêtés ont apprécié le climat relationnel prévalant dans les écoles primaires. En effet, les directeurs d’écoles affirment que, de leur point de vue, les E.D.A. sont pleinement inclus dans les apprentissages. En témoignent ces propos : « ils obtiennent de bonnes notes ; ils ne redoublent pas ; ils arrivent à s’intégrer harmonieusement dans les classes ; on ne sent pas de différence entre eux et les autres enfants dits normaux ; ils jouent dans la cour avec leurs camarades ». De l’avis des E.D.A. eux-mêmes, s’agissant de leurs perceptions de l’école, tous affirment que « l’école est bien » ou encore que « l’école est une bonne chose ». En somme, selon les E.D.A., le climat relationnel à l’école est très favorable à leur épanouissement : ils sont satisfaits d’être à l’école et y voient un facteur de progrès. 3.3. Discussion des résultats Concernant le climat relationnel avec les E.D.A. au sein de ces écoles, aucun des E.D.A. ne manifesterait de l’agressivité selon les enseignants. 76,9% d’entre eux estiment également, qu’il y a un climat relationnel positif au sein des écoles, contre 23,1% qui pensent le contraire. Cela est corroboré par la majorité des E.D.A. (84.6%) qui se disent satisfaits des relations avec les enseignants et avec leurs camarades. Cependant, au-delà de ces données, relevons que les équipes enseignantes rencontrent des difficultés dans la gestion des E.D.A. Celles-ci sont de plusieurs ordres. En effet, selon les directeurs d’écoles, elles sont liées aux méthodologies non adaptées, à la longueur des programmes, à l’insuffisance de temps imparti pour les cours, à la déficience auditive des élèves, à l’insuffisance et/ou au manque de formation en langue des signes. Il faut aussi relever la faible qualité des infrastructures et des équipements, la nécessité de parler fort, avec des gestes à l’appui, le choix de la place assise des E.D.A. en classe, la communication avec les E.D.A., le diagnostic des cas difficiles et leur gestion psychologique, notamment, la timidité et le repli des E.D.A. sur eux-mêmes, le temps supplémentaire pour la prise en charge des E.D.A., etc. Ce sont là, autant de difficultés qui méritent une attention particulière. Sur la base des enseignements tirés de la conduite de ce travail, nous proposons un ensemble de stratégies et d’attitudes, comme la prise en charge des E.D.A. avec de la patience, la sensibilisation des autres élèves, l’utilisation des approches novatrices (tutorat, pédagogie différenciée, éducation inclusive), la formation des enseignants dans la langue de signes et la collaboration avec les familles des E.D.A. À l’endroit de l’institution scolaire elle-même, qui relève du Ministère en charge de l’éducation, nous suggérons plus d’engagement pour l’amélioration de la qualité des infrastructures et des équipements, l’élaboration de programmes adaptés aux E.D.A., la révision des méthodes d’enseignement, et la dotation en guides pédagogiques. Enfin, le diagnostic précoce des déficiences chez les élèves se présente également comme une alternative pertinente. À cet effet, il conviendrait de respecter les dispositions du Décret n°2008-236, en vue de l’inclusion d’un agent de santé dans la commission de recrutement des nouveaux élèves. Cela favoriserait l’approche inclusive dans tous les cycles d’enseignement. 4. Conclusion Notre travail de recherche nous a permis d’établir le diagnostic des facteurs d’inclusion des E.D.A. dans le cycle d’enseignement primaire dans un contexte de généralisation de l’approche d’éducation inclusive. Aussi, avons-nous pu appréhender la participation des E.D.A. aux apprentissages scolaires en lien avec les pratiques pédagogiques des enseignants et des autres élèves, d’une part, et sur le climat relationnel avec les E.D.A. au sein des écoles, d’autre part. Au terme de notre analyse, les résultats obtenus nous confortent plutôt dans l’idée que les pratiques enseignantes dans les classes ordinaires accueillant les E.D.A. et le climat relationnel au sein de ces écoles favorisent dans l’ensemble, l’inclusion scolaire de ces derniers. Cependant, la mise en œuvre d’une éducation inclusive prenant en compte tous les enfants dans les classes ordinaires nécessiterait l’amélioration des infrastructures, l’utilisation des approches novatrices, la formation adaptée des enseignants et la collaboration avec les familles. Aussi, avons-nous suggéré que les différents acteurs accordent plus d’intérêts et fassent preuve de plus d’engagement pour une meilleure prise en compte des E.D.A. dans les dispositifs d’enseignement / apprentissage dans les classes ordinaires. Auteurs : 5. Références bibliographiques Centre National de la Documentation Pédagogique (2009), Scolariser des élèves sourds ou malentendants, Marseille, Solal. DELAPORTE Yves (2002), L’expérience de l’altérité in Les Sourds, c’est comme ça, Paris, Maison des sciences de l’homme. DEPELTEAU Francois (1998), La démarche d’une recherche en sciences humaines, Laval, Presses Universitaires de Laval. DJIBO Zalissa (2007), Stratégie de formation socioprofessionnelle des personnes déficientes auditives : cas du centre d’éducation et de formation intégrée des sourds et malentendants, mémoire, ENSK, Koudougou. 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