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Cinéma : Un film pour célébrer Mamio, “l’enfant protectrice”

mercredi 12 octobre 2005.

 

Mamio est de retour. L’enfant protecteur de Ouré réhabite chez les siens. Pour rendre un hommage particulier à cette grande reconquête, Nissi Joanny Traoré a réalisé un film dont le titre est : « Mamio, l’exil des dieux ». Ce film documentaire a été révélé au public, vendredi dernier au ciné Burkina.

Mamio, cette statuette de la fécondité, avait été volée, arrachée à l’affection des siens. Son retour dans sa case de départ a été triomphal. Pour marquer d’un sceau indélébile, ce fait « inexistentiel » qui touche à l’essence même de la population, le film : « Mamio, l’exil des dieux » a vu le jour. « L’idée de faire ce film est venue de la lecture de la presse nationale qui a largement rendu compte du retour de Mamio », affirme le réalisateur Joanny Traoré. Il s’est rapproché de l’historien-chercheur, le Pr Jean-Baptiste Kiethga pour demander conseil. Le Pr a accepté de mettre la main à la pâte. C’est ainsi que l’aventure a pu commencer.

Un projet qui a finalement accouché d’un chef-d’œuvre. La qualité du film tient à divers points : la clarté des images, la réussite dans l’agencement des plans, la qualité du son. A cela s’ajoute la variété des lieux de tournage. En trois semaines, l’équipe de tournage a sillonné trois pays : le Burkina Faso, notamment Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Gaoua, Djoba, Pobé Mengao, Kongtenga, Doudoulma, Diarradougou, Silly...le Niger (Boura) et le Sénégal (Dakar).

Plusieurs témoignages vivants jalonnent le film. Des traditionnalistes, gardiens des valeurs ancestrales aux antiquaires en passant par des conservateurs de musée, des historiens, des ambassadeurs, des religieux, etc. Tout a été mis en œuvre pour conférer au film, son sens historique. Le film qui dure 1h 08mn a été réalisé en collaboration avec l’Université de Ouagadougou et a coûté au total, 30 millions de F CFA.

Des partenaires comme le ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme, l’Union européenne, le PSIC, la coopération suisse, l’ambassade de la Republique fédérale d’Allemagne, le Programme des musées de l’Afrique de l’Ouest (WAMP) ont contribué à sa réalisation.

Des biens culturels sacrés bradés

Au-delà du retour de Mamio, le film dépeint les graves conséquences du pillage et du trafic des biens culturels du Burkina Faso. Certes, comme Mamio, des valeurs culturelles ont été volées et retrouvées. C’est le cas de Pougnerée, ce masque sacré de Kongtenga. Mais, des témoins vivants du film, moult objets sacrés volés restent sans nouvelle. On s’aperçoit à travers les propos ressortis du film, que les braderies du patrimoine culturel s’opèrent avec la complicité des membres des familles concernées.

Pauvreté aidant, des Occidentaux réussissent avec des espèces sonnantes, à déposséder des villages entiers de leur âme. Pougnéré a été liquidée à 80 000 F CFA. La religion y a joué aussi un rôle important. De nouveaux couvertis aux religions importées ont témoigné avoir mis à feu d’énormes qualités d’objets culturels sacrés qu’ils possédaient.

Le film « Mamio, l’exil des dieux » qui se veut un documentaire de sensibilisation pose un problème métaphysique en ce qu’il touche à l’âme de l’Africain. Vendre un bien culturel sacré, c’est vendre son identité, résume l’historien Jean Baptiste Kiéthéga. Et sans indentité, affirme le Pr Joseph Ki-Zerbo dans son ouvrage « A quand l’Afrique ? », « nous sommes un objet de l’histoire, un instrument utilisé par les autres, un ustensile ». Le film, de l’avis de son réalisateur, vient à point nommé, apporter sa contribution à la sauvegarde et à la promotion de notre patrimoine immatériel par une mobilisation des acteurs concernés.

Noël KABORE
Sidwaya