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Côte d’Ivoire : « Nous sommes convaincus qu’il n’y aura pas d’élection le 31 octobre », affirme Jean Bonin Kouadio, porte-parole du FPI

LEFASO.NET
vendredi 16 octobre 2020.

 

Le 14 octobre 2020, au micro de Lefaso.net, Jean Bonin Kouadio, porte-parole du candidat du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan à la présidentielle ivoirienne, a livré les raisons de la mobilisation des militants du FPI le 10 octobre dernier. Pour Jean Bonin Kouadio, « l’opposition n’est pas divisée. Elle a le même mot d’ordre et la même détermination à imposer ce temps de dialogue politique avant la tenue de la présidentielle. Ensuite, bien évidemment, chacun ira sous ses couleurs et avec son projet à l’élection, et les Ivoiriens trancheront ».

Lefaso.net : Comment va le FPI aujourd’hui, à quelques jours des élections ?

Jean Bonin Kouadio : Le FPI (Front populaire ivoirien) est pleinement mobilisé sur le terrain afin d’obtenir l’ouverture d’un dialogue politique, préalable à la tenue de l’élection présidentielle. Celle-ci ne peut pas se tenir à la date du 31 octobre comme si de rien n’était : d’abord parce que Alassane Ouattara est inéligible ; notre Constitution prévoit deux mandats.

En se présentant pour un troisième mandat illégal, il bafoue la loi fondamentale dont il est le garant et renie sa propre parole. Ensuite, parce qu’il nous faut mettre en place des institutions crédibles, pour l’organisation d’une élection juste, transparente et inclusive. Tout le monde doit pouvoir y participer et les résultats proclamés doivent être sincères.

Aujourd’hui, ni le Conseil Constitutionnel, ni la Commission électorale indépendante n’inspirent confiance et ne sont en mesure de garantir la loyauté du scrutin. La CADHP (Cour africaine des droits de l’homme et des peuples) a d’ailleurs posé tout un certain nombre de préalables à la tenue du scrutin, notamment la réforme de la Commission électorale. Pour toutes ces raisons, nous prenons toute notre part au mouvement de désobéissance civile pacifique de l’opposition.

On parle d’une mobilisation monstre de vos militants le samedi dernier ; avez-vous l’impression d’avoir mobilisé plus que le camp Ouattara ?

La mobilisation a été très forte en dépit de tous les obstacles, routes bloquées, accès au stade interdit, cars détournés, intimidations de nos militants allant jusqu’à l’agression. Il y avait du monde, vous avez raison de parler de mobilisation monstre, et l’opposition a montré un visage d’unité et de responsabilité. Nous sommes déterminés parce que nous avons la certitude de la justesse de notre combat. La question n’est pas de rivaliser en nombre de personnes réunies. Samedi, les personnes présentes étaient là pour défendre des convictions, sans contrepartie alimentaire ou financière.

Quels ont été les temps forts de cette mobilisation ? Quel signal donnez-vous à la communauté africaine ?

Evidemment, les discours des uns et des autres constituaient des temps forts. Chacun s’est exprimé avec ses mots et sa personnalité mais nous disions en fait la même chose : non à un scrutin truqué, non à un troisième mandat illégal, oui à l’ouverture du dialogue pour une élection transparente et inclusive. C’est un signal fort à destination de toute l’Afrique.

Nous souhaitons que la Côte d’Ivoire devienne un modèle en matière de maturité démocratique. Cela passe par le refus du troisième mandat inconstitutionnel, mais aussi par la réconciliation de tous les Ivoiriens, avec le retour de tous les exilés politiques, à commencer par Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, Noël Akossi Bendjo et Guillaume Soro, et la libération de tous les prisonniers politiques.

Donc, il y a dans notre combat une dimension d’exemplarité mais aussi de manière très ponctuelle un appel à tous les pays amis du continent afin qu’ils nous appuient dans ce combat.

Est-ce qu’une opposition politique divisée peut encore ébranler le pouvoir à quelques jours des élections ?

L’opposition n’est pas divisée. Elle a le même mot d’ordre et la même détermination à imposer ce temps de dialogue politique avant la tenue de la présidentielle. Ensuite, bien évidemment, chacun ira sous ses couleurs et avec son projet à l’élection, et les Ivoiriens trancheront. Le projet du FPI est un projet de renaissance de la Côte d’Ivoire.

Si vous êtes unis pour mobiliser autant de foule, pourquoi ne pas présenter un seul candidat et aller aux urnes contre Ouattara ?

Même avec un seul candidat, nous n’aurons aucune chance avec un Conseil constitutionnel et une CEI aux ordres. Le régime dictatorial aux manettes à Abidjan a annoncé les couleurs : « C’est calé, c’est bouclé, c’est géré ». Eh bien, vous le savez, la Côte d’Ivoire, c’est le pays du coupé-décalé. Donc, là où c’est bouclé, nous allons couper ; et là où c’est calé, nous allons décaler.

Et puis, comme nous vous l’avons dit, nous avons des projets différents pour la Côte d’Ivoire, des modèles de développement, des priorités qui ne sont pas toutes les mêmes. Nous n’avons aucune raison de priver le peuple ivoirien de ce grand débat démocratique qu’est une présidentielle avec la confrontation pacifique de programmes. Tous ceux qui ont quelque chose à proposer aux Ivoiriens doivent être en mesure de pouvoir le faire.

Après le meeting du samedi dernier, quel est votre agenda futur ?

Continuer et amplifier la désobéissance civile à travers toute une série d’actions de mobilisation sur le terrain. Samedi, nos compatriotes ont démontré leur soif de démocratie. Nous leur demanderons d’amplifier leurs actions, toujours de manière pacifique.

Nous continuons aussi à en appeler à la communauté internationale pour qu’elle soit à nos côtés pour ramener Alassane Ouattara à la raison et éviter à notre pays une nouvelle crise qui pourrait se traduire, une fois encore par des violences, des souffrances, dont nous ne voulons plus.

Et si le président Ouattara maintient le cap d’aller aux élections, reconnaîtrez-vous le résultat des urnes ?

Nous ne nous situons pas dans cette perspective. Nous sommes convaincus que la raison l’emportera et qu’il n’y aura pas d’élection le 31 octobre. En tout état de cause, nous considérons que la CEI est caduque et non-fondée à organiser l’élection présidentielle. Selon la CADHP, elle ne répond à aucune norme internationale. Nous ne reconnaîtrons donc pas les résultats d’une élection organisée en violation de la Constitution et des décisions de justice internationale par une CEI elle-même aujourd’hui illégale.

Avez-vous le soutien du président Gbagbo dans l’organisation de meetings contre le 3e mandat de Ouattara ?

Laurent Gbagbo est pleinement impliqué dans le mouvement de désobéissance civile. Le FPI de Pascal Affi N’Guessan est sa famille politique, et par ailleurs l’un de ses représentants, Assoa Adou, aux côtés de son épouse Simone Gbagbo, s’est exprimé samedi lors du meeting unitaire de l’opposition.

Avec des mobilisations des deux camps, ne craignez-vous pas de glisser vers une autre crise électorale ?

Nous sommes déjà dans une crise. L’obstination de monsieur Ouattara de se porter candidat en violation de la Constitution et de prendre en otage la CEI et le Conseil constitutionnel pour organiser la fraude électorale va aggraver davantage celle-ci. Monsieur Ouattara en est le seul responsable. C’est pour éviter ces conséquences dommageables pour le pays, comme en 2010-2011, que nous appelons M. Ouattara au dialogue. Notre combat est un combat pour la réconciliation et pour la paix.

Quelle sera la place de la jeune génération dans l’échiquier politique de la RCI, si le président Ouattara renonçait à un troisième mandat ?

Pour ce qui me concerne, j’incarne une génération intermédiaire. J’ai à la fois l’expérience du pouvoir et le regard neuf qui permettra de tourner la page de 30 années de ressentiments et de haines parfois recuites qui pénalisent notre pays, l’empêchent d’aller de l’avant. Je suis moi-même entouré de nombreux jeunes cadres brillants qui ont vocation à gouverner à mes côtés.

Propos recueillis par Edouard K. Samboé
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