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Gendarmerie : Les chemins sinueux d’une enquête !

mercredi 13 avril 2016.

 

Les fins limiers de la gendarmerie sont toujours sur la brèche. Aux trousses d’un ou plusieurs auteurs d’une infraction, ils enquêtent pour rassembler des indices, mettent en garde à vue des présumés coupables, perquisitionnent, jusqu’au transfèrement du dossier devant le procureur. La méthode de travail des pandores n’est pas toujours comprise par la population, surtout quand un présumé est relâché au cours de l’enquête. On assiste alors à une levée de bouclier due souvent à une méconnaissance des procédures. Au cours d’une sortie avec la presse à Koudougou ce 11 avril, les intéressés ont dévoilé leur méthode de travail en matière d’enquêtes.

De plus en plus, les gendarmes sont pointés du doigt, accusés d’être les protecteurs de présumés délinquants qu’ils libèrent après quelques jours de garde à vue.
La sortie de Koudougou visait donc à montrer comment fonctionne une brigade de gendarmerie, cheville ouvrière de tout ce qui est enquête, police judiciaire. Le capitaine Hervé Yé, directeur de la communication et des relations publiques de la gendarmerie précise également qu’il s’agissait de faire comprendre aux populations que quand une affaire est portée à la connaissance de la brigade de la gendarmerie, ou quand un individu est arrêté par la gendarmerie, « il y a un certain nombre d’actes qui sont posés par les enquêteurs, sous le contrôle du procureur du Faso et de la hiérarchie de la gendarmerie pour que le délit soit élucidé de façon professionnelle selon les règles de la république ».

Le début d’une enquête

La police judiciaire (Gendarmerie et police) a connaissance des infractions de quatre manières : La plainte d’une personne physique ou morale de droit privé ou public ; la dénonciation ; les constatations d’initiative ; les avis des autorités.

Un usager qui se présente dans une gendarmerie est reçu par le planton, élément de garde à la sous-unité, qui enregistre la plainte. Ce dernier prend l’adresse du plaignant, sa déclaration et les informations nécessaires pouvant aider à la réussite de l’enquête. Après l’enregistrement de la plainte, il l’analyse pour s’assurer que c’est une infraction à la loi pénale. Il rend compte par la suite au commandant de brigade qui lui à son tour, avise, le procureur du Faso près le tribunal de grande instance (de Koudougou par exemple). Ce dernier doit être avisé parce qu’il est le directeur d’enquête. Il peut de ce fait, donner des instructions sur le déroulement de l’investigation.

Quand il s’agit d’un cas de crime grave où les faits sont avérés, le procureur peut se joindre aux éléments de la gendarmerie, pour constatation.

La police judiciaire se prépare alors à ‘’descendre’’ sur le terrain après s’être préparée. Par exemple, en cas d’assassinat, il y a un kit de constat qui contient tout le matériel nécessaire ; il y a la mallette (appareil photos, relevés d’empreintes, etc.). Mais les hommes qui feront partie de la mission sont également briefés, les taches sont reparties, et une personne qualifiée (agent de santé) est requise pour un avis motivé si cela est nécessaire.

« Sur les lieux de l’infraction, on procède aux constations. On écarte les badauds et les curieux, et on garde des témoins. On prend des photos. Si la personne qui a commis le délit est sur place, on l’appréhende et sa mesure de garde à vue commence » explique l’adjudant-chef major Ardjouma Héma, commandant la brigade territoriale de Koudougou.

La garde à vue

La garde à vue est « une mesure coercitive de liberté par laquelle un officier de police judiciaire maintient à sa disposition, une personne pour les besoins de l’enquête » selon commandant la brigade territoriale de Koudougou. Et la mesure est soumise à trois règles : son domaine d’application, sa modalité d’application et les garanties ou le contrôle dont l’interpellé fait l’objet.

Seul l’Officier de police judiciaire (OPJ) est habilité à prendre la décision de garder un présumé à vue. Il peut confier la décision à un autre mais sous sa surveillance. Toutefois, c’est le procureur, directeur de la police judiciaire qui contrôle les différentes mesures de garde à vue. De ce fait, il passe périodiquement pour constater les conditions de détention des présumés coupables.

On retiendra que tout citoyen peut être placé en garde à vue. A l’ exception du chef de l’Etat, les diplomates et leurs familles, les députés (sous certaines conditions). Sinon, « toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits de l’enquête. Toute personne contre qui il existe des indices graves de nature à motiver son inculpation, les personnes dont les témoignages peuvent être utiles à éclairer l’enquête en cours… », peuvent être placées en garde à vue, a poursuivi l’adjudant-chef major Ardjouma Héma.

La mesure de garde à vue dure 72 heures avec une possibilité de prolongation de 48 heures qui est accordée par le procureur du Faso ou le juge d’instruction en cas d’enquête préliminaire et de flagrant délit.
Si au bout des 72h, il n’y a pas de preuves et indices graves motivant l’inculpation du présumé, il est libéré.

Dans tous les cas, le gardé à vue a des droits. « Il faut respecter la dignité de la personne gardée à vue, quel que soit le motif pour lequel cette dernière est interpellée ». Il doit être nourri (il partage le repas du planton s’il le faut), soigné s’il le faut, et ne doit pas subir des sévices corporels dans les chambres de sureté, les bureaux de la brigade, et les commissariats, les lieux de l’enquête.

Souvent, ce sont les gendarmes qui nourrissent de leurs poches les gardés à vue, « parce que s’il lui arrivait malheur, c’est sa tête qui en répondrait », note le Capitaine Jean Bosco Sawadogo, commandant de groupement de gendarmerie départementale de Koudougou.

Un Officier de police judiciaire (OPJ) qui ne respecte pas les droits du présumé peut être sanctionné, pénalement ou une action publique peut être engagée contre lui, foi du commandant de la brigade territoriale de Koudougou.

« Lorsque les gendarmes décident de vous garder à vue, la loi les autorise à vous menotter. Mais avant, vous serez fouillé, pour votre sécurité et celle des gendarmes », a ajouté le Capitaine Jean Bosco Sawadogo, avant d’ajouter que le but de toute enquête est d’élucider une question douteuse. Il faut de ce fait, « avoir des éléments de preuves qui étayent la procédure verbale. Si vous n’avez pas ces éléments de preuves pour confondre l’auteur de l’infraction, vous bâclez votre procédure. Quand on investigue, c’est à charge et à décharge, voilà pourquoi il ne faut pas se précipiter pour interpeller le présumé auteur ».

La perquisition

Pendant que les enquêteurs rassemblent les preuves, ils peuvent être amenés à faire des perquisitions. Ceci parce que les preuves matérielles d’une infraction ne se trouvent pas forcément sur les lieux de cette infraction selon l’Adjudant Sanon Mohamed Ibrahim, adjoint au commandant de la brigade territoriale de gendarmerie de koudougou. Les éléments matériels de preuves et de comparaison peuvent être des armes, des objets, des outils ayant servi ou destinés à commettre des faits infractionnels, des objets volés ou recelés, et il faut les trouver.

Les enquêteurs perquisitionnent donc pour rechercher et rassembler les pièces en relation avec le fait incriminé, pour concrétiser les éléments constitutifs de l’infraction pour distinguer le rôle de l’auteur, celui du complice, celui de receleur pour reconstituer les faits avec exactitude et précision.

« Les objets retrouvés sont saisis, mis sous scellée et constituent les pièces à conviction qui accompagnent la procédure au niveau du parquet », enseigne l’Adjudant Sanon

La perquisition est soumise à des conditions de forme et de temps. Elle doit se faire en présence de témoins et un procès-verbal d’acte de perquisition doit être établi. Aussi « aucune perquisition ne peut débuter avant 6h ou après 21 », sauf en période d’état de siège (dans ce cas la perquisition s’effectue sur ordre de l’autorité militaire) ou dans le cas d’un Etat d’urgence (sur ordre de l’autorité administrative).

Outre ces deux exceptions, le Capitaine Jean Bosco Sawadogo, commandant de groupement de gendarmerie départementale de Koudougou ajoute d’autres, sur un ton magistral. « En cas de proxénétisme, on peut descendre chez vous à 3h du matin, si vous êtes soupçonné de terrorisme, on n’attendra pas l’heure légale. On va descendre chez vous à 1 h du matin. Si vous êtes soupçonné d’être un trafiquant de drogue, nous ne respecterons pas le temps légal ; à tout moment nous pouvons tomber sur vous à bras raccourcis ; ce sont les exceptions légales ».

C’est quand tous les éléments sont réunis que le présumé coupable est transféré devant le procureur pour répondre des faits à lui reprochés.

Toute la procédure est donc suivie par le procureur et la hiérarchie de L’OPJ. Depuis qu’une affaire est portée à la connaissance de la gendarmerie, le commandant de brigade décide en ce moment de confier ce problème à un groupe d’enquêteurs de concert avec les OPJ et le commandant de brigade de la gendarmerie qui est un officier de police judiciaire rend compte à son commandant de compagnie qui rend compte à son tour à son commandant de groupement. Le tout sous le contrôle du directeur d’enquête qui est le procureur du Faso.

« Un gendarme ne peut libérer un individu parce qu’il veut le faire, ou décider d’enfermer quelqu’un parce qu’il le veut », a conclu le capitaine Yé.

Tiga Cheick Sawadogo (tigacheick@hotmail.fr)
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