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Roch Marc Christian Kaboré, président : Tout est enfin accompli !

mercredi 30 décembre 2015.

 

Il est né avec une cuillère d’or dans la bouche, dit-on. Depuis, son étoile brille dans le ciel burkinabè où il a occupé toutes les hautes fonctions. La seule qui manquait dans son escarcelle, c’était la présidence du Faso. Et depuis ce 29 novembre 2015, Roch Marc Christian Kaboré est le président du Faso pour les 5 ans à venir. Tout est accompli. Portrait !

Roch Marc Christian Kaboré est le fils de l’autre. Charles Bila Kaboré, grand commis de l’Etat. Une année après l’indépendance de la Haute volta, soit en 1961, Charles Bila Kaboré, enseignant de formation, était nommé conseiller technique du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, avant de devenir trésorier général de la Haute-Volta et membre du Conseil économique et social. Deux ans plus tard, en 1963 il est promu ministre des Finances, puis ensuite ministre de la Santé publique.

Conseiller financier et secrétaire général de la présidence de la République jusqu’en 1975, Charles Bila Kaboré sera ensuite nommé vice-gouverneur de la BCEAO jusqu’en 1982, avant de reprendre une place de conseiller technique puis de secrétaire général à la présidence burkinabè, jusqu’à sa retraite, en 1985.

« Malheur à l’homme qui ne fait pas mieux que son père », disait le président Thomas Sankara. On peut dire que dans cette carrière professionnelle et politique bien remplie, Charles Bila Kaboré a donné toutes les armes à son fils Roch Marc Christian Kaboré pour faire mieux que lui.

Un engagement forgé de longue date

Quand en 1975 le jeune Roch Marc Christian Kaboré arrive à Dijon en France avec son Bac D pour des études en sciences économiques, il s’y forme aussi aux plans, syndical et politique dans les organisations estudiantines comme au sein de l’Association des étudiants voltaïques, et la Fédération des étudiants d’Afrique noire de France (FEANF).

La quête du savoir dans l’hexagone est payante et il retourne dans son pays avec une maîtrise en sciences économiques et un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en gestion, en poche. La suite est une succession de nominations à des postes de responsabilité.

Comme beaucoup de jeunes de son âge, il est friand des idées marxistes-léninistes. Il intègre l’Union de lutte communiste reconstruite (ULC-R), un mouvement ressuscité à la faveur de l’avènement du Conseil National de la révolution de Thomas Sankara.

Il est juste âgé de 27 ans quand les autorités de son pays lui font confiance en lui confiant la direction générale de la Banque internationale des Volta (BIV), devenue par la suite Banque internationale du Burkina (BIB), jusqu’en 1989.

Lorsque Thomas Sankara est assassiné et que Blaise Compaoré s’empare du pouvoir, Roch Marc Christian Kaboré opère, selon ses détracteurs, un retournement de veste. Alors que des dizaines de cadres révolutionnaires sont traqués, notamment ceux de l’ULC-R, il signe, avec trois autres membres du bureau politique du mouvement, une lettre d’allégeance au nouveau chef de l’État, louant la « rectification de la révolution ».
Il rentre alors dans les bonnes grâces du pouvoir. Un an après son ralliement, il est nommé au ministère des Transports, puis hérite, en 1991, du ministère chargé de la Coordination de l’action gouvernementale, un « quasi premier ministre ». Entre Juin 1992 et Septembre1993, celui qu’on dit « pondéré » devient Ministre des Finances et du Plan, puis Ministre chargé des Relations avec les Institutions.

Chef du gouvernement, député, président du CDP

Le jeune l’économiste-gestionnaire prendra, par la suite, les commandes du gouvernement, il est nommé premier ministre, le 22 mars 1994.
A côté des portefeuilles ministériels, « Le Rocco », comme l’appellent ses amis est aussi élu député de la province du Kadiogo en 1991, après sa réélection en 1997, il est propulsé 1er vice-président de l’Assemblée nationale.

Alors que le pays vit sa plus grave crise, consécutive à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, « l’enfant terrible de Zorgho » est désigné en 1999 pour être le Secrétaire exécutif national du CDP, le parti au pouvoir. Après les législatives de 2002 où il siège successivement pour un troisième mandat, Roch Marc Christian Kaboré se voit porté à la tête de l’Assemblée nationale du Burkina Faso. Il occupera le perchoir pendant 10 ans.

L’expérience de l’opposition

De l’avis de certains observateurs, bien introduits dans les arcanes du pouvoir, les relations entre Roch Marc Christian Kaboré et le président d’alors, Blaise Compaoré ont commencé à se détériorer depuis le 6 Février 1996 quand le chef du gouvernement de l’époque présente sa lettre de démission. Certains observateurs ont expliqué ce désamour par « une ambition présidentielle précoce » que Compaoré prêtait à Kaboré. Pendant qu’il attendait les élections législatives, il est nommé Conseiller Spécial du Président, une sorte de « garage ».

Par manque de courage ou par stratégie, il a cependant continué à graviter autour du cercle du pouvoir, jusqu’à ce Blaise Compaoré décide de modifier l’article 37 de la constitution pour se maintenir au pouvoir. Celui qui a longtemps été pressenti pour être le successeur du « Blaiso », comme s’il avait vainement attendu son tour, quitte le navire du CDP et du pouvoir. Avec lui, il emporte « les caciques du régime » qui ont contribué à asseoir le pourvoir de « l’enfant terrible de Ziniaré ». Une vraie saignée.

Le 4 janvier 2014 donc, avec une bonne partie de ses camarades membres du Bureau politique national dont Salif Diallo et Simon Compaoré, il quitte l’ancienne maison, pour créer trois semaines plus tard, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP).

Ceci à un moment où la rue gronde, où l’opposition politique regroupée au sein du chef de file de l’opposition, mobilise « recto verso », pour barrer la route à la « patrimonialisation du pouvoir ». Surfant sur cette vague, les RSS (Roch, Salif et Simon) font, pas l’amère expérience mais plutôt un gros coup politique dans l’opposition. Les anciens tenant du pouvoir ne connaitront pas les dures réalités de la vie d’opposant politique. En tout cas, pas pour longtemps.

Le grand Sachem tombé le 31 octobre 2014, les candidats à sa succession se bousculent au portillon, chacun avec ses chances. L’élection présidentielle du 29 novembre 2015 est annoncée comme la plus ouverte du pays depuis 1978. C’est sous la bannière de son parti, le MPP que Roch Marc Kaboré, 58 ans, marié et père de trois enfants, est élu au premier tour, avec 53.49 % des suffrages.

Plus qu’un couronnement d’une carrière politique, le poste de président du Faso qui échoit au président Kaboré intervient à un moment particulier de l’histoire politique du Burkina. Après l’insurrection populaire des 30 e 31 octobre 2014, et la résistance populaire contre le putsch du 16 septembre 2015, « les yeux des burkinabè se sont plus qu’ouverts », et comme l’a martelé le désormais ancien président Michel Kafando tout au long de son bref mandant d’un an, « plus rien ne sera comme avant ».

Il a cinq années pour mettre en œuvre le programme politique qu’il a « vendu » aux Burkinabè, et qui se décline en trois axes principaux : la réforme des institutions et de l’administration, le développement du capital humain, la redynamisation de tous les secteurs porteurs de richesses et de création d’emplois.

Tiga Cheick Sawadogo (tigacheick@hotmail.fr)
Lefaso.net



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