![]() Burkina Faso : Bobo-Dioulasso prépare la 35ᵉ Journée Internationale des Personnes Âgées 2025 à ses propres fraisLa Journée Internationale des Personnes Âgées (JIPA) a été instaurée par la Résolution 45/106 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 14 décembre 1990. Cette résolution proclame que, dès 1991, le 1er octobre de chaque année serait consacré à la célébration de cette journée. Ainsi, le 1er octobre 2025 marquera la 35ᵉ édition de la JIPA. Au Burkina Faso, depuis 2016, les acteurs stratégiques de la région des Hauts-Bassins ont pris l’initiative de célébrer la JIPA chaque 1er octobre, avec leurs propres ressources (humaines, matérielles et financières) et avec la ferme décision de ne jamais reporter la commémoration, quelles que soient les circonstances. Cette année, la région enregistre donc la 10ᵉ célébration consécutive de la JIPA. Une seule exception a été observée : en 2022, la célébration a été décalée au 5 novembre, les aînés ayant choisi de consacrer le mois d’octobre à soutenir la stabilisation du pouvoir du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) 2, dirigé par le Camarade Capitaine Ibrahim Traoré. Genèse JIPA Bobo De 2011 à 2016, des chercheurs burkinabè et belge ont co-conduit un projet interuniversitaire ciblé intitulé : « Développement d’une approche systémique pour améliorer la prise de décision dans l’organisation des services de soins et de soutien aux personnes âgées au Burkina Faso ». Ce projet a été financé par l’Académie de Recherche et d’Enseignement Supérieur (ARES) de Belgique. Au cours de sa mise en œuvre, les chercheurs ont constaté qu’à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, les acteurs stratégiques du secteur public, privé, confessionnel et communautaire chargés de la protection et de la promotion des personnes âgées se connaissaient peu et, parmi ceux qui se connaissaient, la collaboration demeurait très limitée. Pour répondre à cette situation, les chercheurs ont initié ces acteurs à la maitrise de la Méthode d’analyse en groupe (MAG), une méthode de recherche-action hautement participative mise au point par des chercheurs belges [Campenhoudt, Chaumont et Franssen. (2005). La méthode d’analyse en groupe. Applications aux phénomènes sociaux. Paris : Dunod] À Bobo-Dioulasso, trois groupes hétérogènes de co-analystes ont été constitués. Chaque groupe réunissait des directeurs régionaux et provinciaux en charge de la santé et de l’action sociale, des leaders religieux et communautaires ainsi que des personnes âgées. Pendant trois jours, ces groupes ont conduit une analyse collective et participative des principaux obstacles à la collaboration entre acteurs (https://www.youtube.com/watch?v=bLKMwTUHQI4). A la Suite d’ un atelier de trois jours, les acteurs stratégiques ont élaboré un mini-plan d’action comprenant une quarantaine d’activité dont la création du Réseau de Protection et de promotion des personnes âgées (R3PA) dans la région des Hauts-Bassins. Le R3PA a pour ambition de fédérer l’ensemble des structures publiques (toutes les directions régionales, provinciales, communales), privées, communautaires et confessionnelles qui œuvrent – ou souhaitent œuvrer – en faveur de la protection et de la promotion des personnes âgées dans la région des Hauts-Bassins. Il reste ouvert à toute organisation partageant sa vision et sa mission. Son objectif principal est d’instaurer une pratique sociale durable : rassembler régulièrement ces différentes structures pour co-réaliser, à leurs propres frais, des activités de protection et de promotion des personnes âgées, sans autre attente que les bénédictions, la « baraka » et la « baradji » de celles et ceux qui bénéficient de leurs soutiens. Le R3PA est basé sur le principe de l’autofinancement, auto-sponsoring, la mutualisation de toutes les ressources de ses membres. Depuis 2016, le R3PA affirme que « 1 pauvre + 1 pauvre + 1 pauvre = 3 RICHES ». En 2023, la naissance de l’Alliance des Etats du Sahel a confirmé cette affirmation. Au sein du R3PA, les responsabilités sont réparties de manière concertée : la Direction régionale en charge de l’Action humanitaire assure la présidence, le Conseil régional des personnes âgées se charge de la mobilisation des acteurs et des bénéficiaires, tandis que les chercheurs du Centre Muraz (Institut national de santé publique) assurent le secrétariat technique. Le R3PA a mis en place un collège de parrains permanents composés de personnalités de référence : Mgr Anselme Titianma Sanon ; M. Drissa Koné, homme de culture ; Professeur et Général Robert Tinga Guiguemdé ainsi que d’autres figures éminentes. Ce collège, appelé à jouer un rôle de conseil et d’accompagnement, mérite d’être renforcé. En complément de ce collège permanent, le R3PA peut également solliciter, au besoin, d’autres personnalités ou structures partenaires comme parrain ou marraine d’une activité quelconque. Co-identification des activités d’une JIPA (2016-2025) Chaque année, la co-identification des activités d’une JIPA se tient dans la salle de réunion d’un membre du R3PA. La règle de base est sans équivoque : ne sont retenues que les activités pouvant être co-réalisées grâce aux seules ressources humaines, matérielles et financières à mobiliser localement. Ainsi, toute activité, aussi pertinente soit-elle, est automatiquement écartée dès lors qu’une ressource locale fait ou risque de faire défaut. Ainsi, les activités inscrites chaque année sont réalisables aux frais des acteurs locaux via un système intelligent de mutualisation des ressources. Le R3PA procède à une planification détaillée, précisant la date, le lieu, l’heure, la personne physique ou morale leader dans la co-organisation de chaque activité. Cette démarche rigoureuse permet de s’assurer de la faisabilité des activités retenues. La co-réalisation des activités grâce à la mutualisation des ressources En général, chaque JIPA est célébrée pendant 14 jours (De la dernière semaine de septembre à la première semaine d’octobre). À la fin de chaque édition, le R3PA procède à une co-évaluation des forces et faiblesses de chaque activité afin d’améliorer les prochaines éditions. Lorsqu’une activité est jugée inefficace ou inefficiente, elle est ré-testées pendant trois éditions, elle peut être abandonnée. Par exemple, le bal rétro avec et pour les personnes âgées organisé chaque dernier vendredi de septembre à partir de 20h (2016-2019), a été supprimé en raison de la faible participation des aînés. Les jeux de société (2016-2022) ont été transformés en journée récréative (2023-2025). Certaines activités JIPA ont été co-réalisées de manière ponctuelle et non régulière. Ça a été le cas de la visite aux prisonniers âgés à la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso (MACB). Lors de cette initiative, le R3PA a collecté des vêtements pour l’ensemble des détenus, avec une attention particulière pour les plus âgés (50 ans ou plus). L’unité industrielle SN-CITEC a fortement contribué en offrant de l’huile et du savon. Cette action a permis au R3PA de rendre un hommage symbolique aux personnes âgées incarcérées. Le faible nombre de détenus âgés à la MACB a amené le R3PA à suspendre cette activité. En revanche, d’autres activités sont menées de manière régulière depuis 2016, devenant des rendez-vous incontournables de la célébration de la JIPA dans la région des Hauts-Bassins. En général, les activités commémoratives de la JIPA débutent timidement par une campagne d’information et de sensibilisation menée dans l’ensemble des secteurs géographiques de la ville de Bobo-Dioulasso. Cette activité assurée conjointement par le Conseil régional des personnes âgées (CRPA) des Hauts-Bassins, le Conseil provincial des personnes âgées (CPPA) du Houet, les Conseils des personnes âgées des sept arrondissements de la ville de Bobo-Dioulasso, ainsi que les bureaux fonctionnels des personnes âgées des différents secteurs géographiques. Elle consiste principalement à présenter le programme officiel de la célébration de la JIPA aux personnes âgées et à l’ensemble des habitants de la ville. Cette action est réalisée à la charge exclusive de ces différentes structures. La présentation officielle du programme de la JIPA a lieu la 3ème semaine du mois de septembre au cours d’un « Point de Presse » organisé dans la salle de réunion d’un membre du R3PA (salle gratuite, en général au Centre Muraz). Il permet de rendre public le programme de la célébration et mobilise une forte contribution de la Direction régionale en charge de la communication, ainsi que des professionnels des médias locaux basés ou représentés à Bobo-Dioulasso. Depuis 2016, plusieurs organes de presse assurent bénévolement la couverture médiatique de cet événement (Radio Alliance Chrétienne, RTB2 Hauts-Bassins, 3TV, Radio Bobo, Radio du marché de Bobo, Radio Municipale de Sya, Radio Islamique Ahmadiyya, Sidwaya, L’Express du Faso, Ouest Info, AIB, lefaso.net, etc. Ainsi, grâce à l’’engagement des femmes et hommes de médias, le programme de la célébration bénéficie d’une large diffusion médiatique, sans frais pour le R3PA. Outre la couverture bénévole du point de presse par les médias locaux, les femmes et hommes de presse de Bobo-Dioulasso offrent également aux organisations de personnes âgées, la possibilité de participer à des émissions radiophoniques et télévisées gratuites sur une thématique de choix. Grâce à cette façon de faire, de nos jours Bobo-Dioulasso est cette ville burkinabè où l’offre d’émissions gratuites en faveur des personnes âgées dépasse largement leur demande. Ainsi, les radios et télévisions basés à Bobo-Dioulasso se distinguent comme les médias pionniers et leaders en accompagnement bénévole de leurs aînés au Burkina Faso. Chaque année, une journée de salubrité est co-organisée avec la Direction régionale en charge de l’Environnement, qui fournit l’appui technique et le matériel nécessaires. Elle revêt un caractère intergénérationnel : les jeunes viennent prêter main forte aux aînés dans leurs efforts d’assainissement de la ville. À titre d’exemple, les aînés ont déjà nettoyé le lit du Marigot Houët. Plus récemment, ils procèdent régulièrement au nettoyage de la cour de la Direction régionale de l’Action humanitaire, espace destiné à accueillir plus tard la journée récréative. Cette activité permet aux personnes âgées de démontrer une autre facette de leur utilité sociale. La journée récréative réunit toutes les parties prenantes et se déroule généralement au siège de la Direction régionale en charge de l’Action humanitaire. Initialement, elle était consacrée uniquement aux jeux de société intergénérationnels, rassemblant personnes âgées, adultes et jeunes autour d’activités ludiques. Progressivement, cette journée est devenue plus diversifiée : aux jeux se sont ajoutées la préparation et le partage gratuit de mets locaux. La Direction régionale en charge des Sports et Loisirs assure, à ses propres frais, l’animation technique de ces journées et fournit une bonne partie des jeux. A chaque JIPA, des conférences publiques sont organisés dans les sept arrondissements de la ville sur demande des personnes âgées. Au départ, les conférences se tenaient dans une des salles de conférence du Centre Muraz, mise gratuitement à disposition. Cependant, la faible participation des aînés a conduit à délocaliser ces conférences dans les salles de fêtes des mairies des sept arrondissements. Désormais, chaque arrondissement organise, pendant la JIPA, au moins une conférence sur un besoin prioritaire des personnes âgées, souvent lié à la santé ou à la protection sociale. Lorsque la thématique concerne la protection des droits, l’animation est assurée par la Direction régionale en charge des droits humains, à ses frais. Lorsque la thématique touche à la santé, elle est prise en charge par des professeurs hospitalo-universitaires du CHU Souro-Sanou (CHUSS) et de l’Institut des sciences de la santé de l’Université Nazi Boni ou du Centre Muraz. Ces conférenciers interviennent toujours bénévolement, sans rémunération, témoignant de leur disponibilité à rendre service à leur société. De 2017 à 2025, les agents de santé des districts des Hauts-Bassins donc toutes les formations sanitaires publiques excepté le CHUSS annulent les frais de consultations (consultations gratuites) des aînés durant les cinq derniers jours ouvrables du mois de septembre sur toute l’étendue du territoire régionale. Cette façon de faire est la contribution symbolique et patriotique des agents de santé à la réussite de la JIPA. Dans leur logique, à défaut d’offrir des « sambés-sambés » (cadeaux traditionnels) aux aînés pour leur fête, les agents de santé de la région s’abstiennent de percevoir les frais de consultation, l’argent ainsi économisé peut agrémenter la fête de la JIPA. Lorsque le Directeur régional en charge de la santé publie un communiqué officialisant cette gratuité des consultations durant cinq jours, celui-ci est relayé par les médias locaux, permettant d’informer les personnes âgées jusque dans les zones les plus reculées. Une démarche similaire est reprise durant les cinq premiers jours ouvrables d’octobre au CHUSS. Le modèle le plus complet a été expérimenté dès 2016 au CHUSS, avec l’ensemble du personnel mobilisé pour offrir des consultations gratuites aux aînés. 2017 à 2024, le CHUSS a mis en place un circuit spécifique de consultation gratuite des ainés. Ce circuit n’a pas toujours si bien marché. Les aînés souhaitent une annulation des frais de consultations dès la caisse du CHUSS. Ce qui n’a pas encore été expérimenté. En 2025, tout laisse croire qu’avec l’actuelle direction, une édition renforcée et plus inclusive sera organisée, au bénéfice de toutes les personnes âgées fréquentant le CHUSS durant cette commémoration. En 2016, pour engager le CHUSS, le Directeur général affirmait : « les autres (les occidentaux et asiatiques) viennent faire de l’humanitaires chez nous. Pourquoi ne pouvons-nous pas en faire nous-mêmes ? ». Outre les conférences gratuites et les consultations médicales offertes au CHUSS durant les JIPA, un grand nombre de professeurs du CHUSS a régulièrement exprimé sa disponibilité à consacrer au moins une journée de consultation gratuite par mois aux personnes âgées, dès que le CRPA disposera d’un siège approprié pour les accueillir. Il convient de souligner que, pour l’instant, les consultations médicales gratuites au CHUSS demeurent la seule activité qui se poursuit au-delà du 1ᵉʳ octobre, prolongeant ainsi l’élan de la JIPA. Toutes les autres activités précédentes sont réalisées au plus tard le 1er octobre, date considérée comme le jour J de la célébration officielle de la JIPA. Une fois de plus l’élan patriotique et l’engagement solidaire des agents de santé en faveur des aînés sont démontrés à Bobo-Dioulasso. Chaque 1er octobre constitue le jour tant attendu de la célébration. Avec ou sans parrain officiel, enfants, jeunes, adultes et personnes âgées, tous vêtus de tenues traditionnelles, se retrouvent à l’espace désigné pour entamer une marche santé d’une distance comprise entre 500 et 800 mètres. Cette année une uniforme koko dunda est dédiée la JIPA 2025. Habituellement, cette marche relie la place Tiéfo Amoro au Centre Muraz, qui met gracieusement à disposition sa salle de conférence de 400 places pour la suite des activités. En 2016, cette marche avait été animée gratuitement par la fanfare des Forces de défense et de sécurité (FDS), contribution symbolique de ces dernières au succès de la fête des aînés. A cause de la crise sécuritaire et du fait de la forte sollicitation des FDS, cette fanfare est ensuite devenue moins disponible. Depuis, ce sont les chasseurs traditionnels (donso) qui ont pris le relais, assurant jusqu’à aujourd’hui l’animation musicale et culturelle de la marche. La Direction régionale en charge des Sports et Loisirs encadre et rythme la marche combinée à des exercices d’aérobic. A la tête de la marche, se positionnent les membres du collège des parrains permanents, les autorités politico-administratives, les leaders régionaux et provinciaux et les invités d’honneurs venus souvent des autres régionaux, provinces ou communes du Burkina Faso a leurs propres frais. Habituellement, le R3PA invite également des personnes âgées issues des communes rurales du Houët, ainsi que de certaines provinces ou régions du Burkina Faso, accompagnées de leurs responsables locaux. Leur participation se fait toutefois à leurs propres frais. L’objectif recherché est de favoriser, à terme, l’appropriation de l’activité dans différentes localités du Burkina Faso. À l’issue de la marche, les participants se retrouvent dans la salle de conférence pour assister à une conférence-panel. Les thèmes, toujours choisis par les aînés eux-mêmes, portent généralement sur la santé, la protection sociale ou leurs préoccupations prioritaires. Les conférenciers proviennent du Centre Muraz, de l’Université Nazi Boni (INSSA), du CHUSS ou d’autres institutions partenaires. Le jour J, la société de transport SOTRACO (société publique qui assure la gestion de lignes de bus urbains) soutient la célébration en offrant des tickets de bus aller-retour aux personnes âgées pour leur permettre de se déplacer depuis leur domicile. L’idéal souhaité par le R3PA est que le bus devienne gratuit chaque 1er octobre pour toutes les personnes âgées dans toutes les villes desservies par la SOTRACO au Burkina Faso. Toujours le 1er octobre, les participants partagent un repas communautaire (R3PA communautaire) à la fin de la conférence-panel. Cette activité, bien qu’essentielle pour renforcer la convivialité, rencontre souvent des difficultés de financement. À Bobo-Dioulasso, aucun restaurant n’a la capacité d’offrir gratuitement un repas à 400 co-célébrants de la JIPA. Il est même arrivé quelques fois que les aînés prennent leurs repas communautaires à crédit, qu’ils ne parviennent à rembourser que trois ou quatre mois plus tard. Cependant la boisson est pleinement assurée à la fois par la Brakina, Twellium Industrie et « Eau Idéale » ou Babali. Pour la co-célébration de la JIPA, le R3PA a souvent obtenu le soutien financier de la Commune de Bobo-Dioulasso, de la SOFITEX, de la CNSS, de la CARFO, du réseau des Caisses populaires, du Centre d’Accueil, d’Écoute et de Soins pour personnes âgées (CAES), des associations de personnes âgées. Il arrive souvent que des personnes âgées contribuent financièrement, que ce soit à travers leurs cotisations par secteur, par arrondissement ou via leurs associations. Par ailleurs, des personnes physiques issues d’institutions telles que le CHUSS, l’Université Nazi Boni ou le Centre Muraz, etc. ainsi que des personnes morales qui préfèrent garder l’anonymat, apportent également leur soutien financier. D’une façon globale, le repas communautaire est toujours assuré depuis 2016, qu’il soit prépayé, payé in situ ou post-payé. L’après-midi du 1er octobre est toujours consacré à une visite symbolique rendue à l’homme et à la femme identifiés comme étant les plus âgés de Bobo-Dioulasso. Une délégation officielle, conduite par les autorités régionales et provinciales, se rend à leur domicile pour leur témoigner la reconnaissance de la communauté et leur apporter un soutien ponctuel. En 2016, par exemple, le Gouverneur de la région a conduit la délégation. Cette image qui dépasse 1000 mots, montre le gouverneur accroupi, s’adressant avec respect à la doyenne de la ville au nom de l’État burkinabè. Ce geste, hautement symbolique, incarne la reconnaissance officielle de la valeur et de la dignité des aînés. En général, après la visite aux deux doyens de la ville, la ferveur de la JIPA commence à s’atténuer. Toutefois, il convient de rappeler que les activités commémoratives se poursuivent souvent au CHUSS où des consultations médicales gratuites sont assurées pour les personnes âgées durant les premiers jours ouvrables du mois d’octobre. A Bobo-Dioulasso, la JIPA est rendue possible grâce à la forte mobilisation des personnes âgées qui investissent leurs ressources humaines, matérielles et financières pour assurer le succès de chacune des activités. De manière générale, ce sont elles qui prennent en charge la plupart des démarches et des préparatifs liés à l’organisation. Grâce à la mobilisation des personnes âgées des Hauts-Bassins, le CRPA de cette région est aujourd’hui le plus actif et le plus fonctionnel des CRPA du Burkina Faso. Les aînés des Hauts-bassins s’opposeraient à toute activité organisée pour eux et sans leur forte implication à toutes les étapes. Signalons qu’une bonne partie des activités du R3PA est documentée bénévolement sous la forme de film documentaire par l’Association les écrans de l’espoir. Le lien suivant permet de visionner le fim de la JIPA 2016 : https://www.youtube.com/watch?v=ZgMYR8Wu0BE De manière globale, voici comment depuis 9 ans la région des Hauts-Bassins du Burkina Faso célèbre régulièrement la JIPA aux frais des acteurs locaux qui s’engagent à démontrer leur utilité sociale, à accompagner les aînés, et à donner le meilleur d’eux-mêmes pour prouver qu’à l’échelle de chaque région du Burkina Faso, il est possible de prendre en charge les aînés en s’appuyant sur les ressources humaines, matérielles et financières locales. Le modèle de célébration de la JIPA, tel qu’expérimenté dans les Hauts-Bassins, constitue ainsi un modèle accessible, durable et exportable dans l’ensemble du pays. À l’image des Volontaires Adjoints de Sécurité (VADS) qui régulent la circulation routière, des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) qui protègent le pays, ou encore des bénévoles de l’initiative Faso Mêbo qui œuvrent pour l’embellissement des cités, il existe, dans la région des Hauts-Bassins, des bénévoles multisectoriels engagés pour la protection et la promotion des personnes âgées. Ces acteurs, en s’investissant auprès des aînés, construisent leur propre avenir tout en bâtissant le présent des personnes âgées. Les activités de la JIPA 2025 (10ème édition) sont similaires aux activités ci-dessus. La JIPA du R3PA, un modèle exportable En réalisant la JIPA de cette manière, le R3PA cherche à développer un modèle qui soit à la fois pertinent, efficace, efficient, résilient, adaptable, pérenne et transférable. En 2018, des villes comme Sindou (région des cascades) et Diébougou (région du Sud-Ouest) ont organisé leur propre célébration de la JIPA, en s’inspirant du modèle de Bobo-Dioulasso, où le R3PA avait été invité d’honneur. Les initiateurs de ces célébrations étaient d’anciens agents de la Direction régionale en charge de l’Action humanitaire des Hauts-Bassins, qui, après leur affectation, ont occupé des postes de responsabilité respectivement à Sindou et à Diébougou. Certaines communes, après avoir pris part à la célébration de Bobo-Dioulasso, ont tenté de mettre en place leur propre modèle. Toutefois, il reste difficile de savoir si ces initiatives se sont inscrites dans la régularité et la durée. Ainsi, la JIPA, expérimentée et consolidée dans la région des Hauts-Bassins, démontre sa capacité à être un modèle accessible, reproductible et exportable à l’échelle nationale. Chaque année, les directions techniques spécialisées sur les questions relatives aux personnes âgées, relevant du ministère de la Santé et du ministère de l’Action humanitaire, prennent part à la JIPA des Hauts-Bassins, leurs frais de participation étant pris en charge par leurs ministères respectifs. Par ailleurs, le R3PA invite régulièrement des représentants des délégations spéciales, ainsi que des personnes âgées issues d’autres communes, qui participent également à la fête à leurs propres frais. En d’autres termes, toute personne physique ou morale désireuse de prendre part à la célébration de la JIPA 2025 à ses propres frais sera la bienvenue à Bobo-Dioulasso, la capitale du bénévolat en faveur des aînés au Burkina Faso. Le R3PA se dit également disposé à partager ses expériences avec toute personne physique ou morale souhaitant dupliquer ce modèle au Burkina Faso ou ailleurs. Des collaborateurs de l’Institut national de santé publique (INSP) du Mali ont manifesté leur intérêt pour ce modèle. En 2018, une délégation de dix personnes âgées du mouvement Énoé de Liège (Belgique) a séjourné pendant une dizaine de jours à Bobo-Dioulasso pour participer à la commémoration de la JIPA. En retour, le R3PA envisage d’envoyer prochainement une délégation d’au moins dix personnes âgées de Bobo-Dioulasso à Liège, dans le cadre d’un voyage d’études visant à identifier de bonnes pratiques belges transposables au Burkina Faso. Ce projet devrait être réalisé grâce à l’autofinancement, avec le soutien de la diaspora burkinabè en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au Luxembourg. L’idée est assez simple : si au moins dix ressortissants de la diaspora accueillent chacun leur père ou leur mère pour une partie du séjour, ces personnes âgées pourraient représenter le Burkina Faso à Liège sans recourir à un autre financement. Perspectives JIPA En 2026, le R3PA prévoit d’effectuer des voyages de présentation de ses activités dans les régions voisines des Hauts-Bassins, à savoir la Boucle du Mouhoun, les Cascades et le Sud-Ouest. L’ambition est que ces régions puissent, à leur tour, répliquer et diffuser ce modèle dans d’autres zones, jusqu’à couvrir l’ensemble du territoire burkinabè, en attendant que les plus hautes autorités nationales s’approprient pleinement cette expérience. Ces trois voyages seront soutenus par un financement du Fonds National de la Recherche et de l’Innovation pour le Développement (Fonrid). En effet, à la suite d’un appel à projets international, financé par le FONRID et d’autres partenaires africains, l’offre des chercheurs du Centre Muraz a été retenue et cette offre prévoit ces trois voyages. Le vœu du R3PA est de parvenir à faire de la ville de Bobo-Dioulasso, la première ville africaine « amie (paradis) des aînés ». En réalité, cet écrit est délibérément focalisé essentiellement sur la co-célébration de la JIPA en 10 éditions. Il met surtout en lumière la manière dont la région des Hauts-Bassins parvient à organiser cette journée depuis une dizaine d’années, malgré des moyens limités et grâce à une mutualisation des ressources. D’autres travaux viendront ultérieurement pour présenter les autres initiatives du R3PA, qui reste ouvert à tout partenariat, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, souhaitant soutenir ou contribuer à la réussite des activités du R3PA. Remerciements Nos remerciements vont à toutes les personnes physiques et morales qui, de près ou de loin, contribuent aux activités du R3PA. Nous présentons nos excuses à tous ceux qui auraient voulu être officiellement cité. Toutefois, nous savons que beaucoup préfèrent rester dans l’anonymat car « celui qui fait le bien en silence le grave dans le cœur des femmes et des hommes » Auteurs • Dr Berthé/Sanou Lalla, Sociologue, chercheuse au Centre Muraz [Thèse : Qualité de vie des personnes âgées à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso : satisfaction des personnes âgées relative aux conditions de vie, aux soins biomédicaux et sociaux, Université Joseph Ki Zerbo, Burkina Faso, 2023] • Dr Sanou Maïmouna, sociologue, Chercheuse associée au Centre Muraz, chercheuse à l’Institut national des sciences de la société (INSS) [Thèse : Configurations et reconfigurations familiales du care des personnes âgées dépendantes : Une socio-anthropologie des représentations et des pratiques de la fin de vie à Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, UCLouvain, Saint Louis Bruxelles, Belgique, 2022] • Dr Blahima Konaté, sociologue, Chercheur associé au Centre Muraz, chercheur à l’INSS [Thèse : Dynamiques de la cohabitation intergénérationnelle familiale et échanges de soins à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) : les personnes âgées les personnes âgées au centre ou à la marge des systèmes de soins ? Université Saint-Louis Bruxelles, Belgique, 2015] • Dr Hervé M. Hien, Médecin de santé publique, Chercheur associé au Centre Muraz, chercheur à l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS) [Thèse : Utilisation inappropriée des médicaments chez des personnes âgées avec des multimorbidités : Traceur utile pour l’analyse du système de soins au Burkina Faso, Université Catholique de Louvain (UCL), Belgique, 2015] • Dr Abdramane Berthé, sociologue, Chercheur associé au Centre Muraz, Enseignant-chercheur à l’Université Daniel Ouezzin Coulibaly (UDOC)[Thèse : Le système burkinabè de maintien des personnes âgées en autonomie fonctionnelle à domicile : analyse centrée sur les acteurs de la ville de Bobo-Dioulasso, UCL, Belgique, 2013] Auteur correspondant : Berthé/Sanou Lalla, email : sanoulalla@yahoo.fr |