Burkina : Décès au Ghana de Safiatou Lopez, une figure de la société civile
Elle a fait partie des acteurs de la société civile qui ont animé la vie socio-politique au Burkina Faso, cette dernière décennie, partant surtout de la lutte contre la modification de l’article 37 de la Constitution qui va aboutir à la chute du pouvoir Compaoré à travers l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Elle fut donc perçue comme un des artisans civils du pouvoir de la Transition de 2014-2015, avant de tomber en disgrâce avec des caciques du pouvoir de Roch Kaboré (2015-2022). Connue pour ses prises de positions sur les questions nationales, Safiatou Lopez a vécu ces dernières années hors du pays, se signalant cependant à travers les réseaux sociaux.
Selon les informations relayées par plusieurs médias, Safiatou Lopez, jusque-là présidente de l’Association pour la promotion de la démocratie et la participation citoyenne (APDC), est décédée dans la nuit de samedi à dimanche 14 septembre 2025 au Ghana où elle se serait retirée depuis un moment.
Quasi inconnue avant les évènements de l’insurrection populaire d’octobre 2014, quelques éléments indiquent que Safiatou Lopez était une femme d’affaires évoluant dans les travaux publics.
En septembre 2015, elle fut également une des figures en tête de la résistance au coup d’État du Conseil national pour la démocratie (CND), et en tant que porte-parole adjointe du Cadre national de concertation des organisations de la société civile (CCNOSC).
Au soir du 29 novembre 2015, lorsque le président Roch Kaboré prend les rênes du pays, la position de Safiatou Lopez sur son élection restera défavorable, bien que considérée comme proche des 75 partisans démissionnaires du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui venaient ainsi de prendre le pouvoir. Pour elle, le passage à un ordre démocratique venait d’être raté, car l’arrivée au pouvoir des dirigeants d’hier, passés opposants il y a seulement quelques mois, sonnait, comme le dit l’adage, comme « déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
Elle n’a de cesse, d’ailleurs, jusqu’à sa chute, de critiquer le pouvoir Kaboré.
En 2018, lors de son passage à l’émission « Le grand déballage » sur la télévision Burkina Info, elle réitérait ses réserves sur la capacité du président Roch Kaboré à finir son mandat. Pour elle, les aspirations du peuple n’étaient pas prises en compte et le constat était aussi visible qu’un nez en pleine figure. « Tout le monde sait que ça ne va pas, sauf le président Roch Kaboré », regrettait-elle, tout en ajoutant, comme pour montrer que tous les signaux étaient au rouge : « Si Roch ne veut pas faire une chute libre, il va falloir qu’il se penche sur les aspirations du peuple burkinabè. »
On se souvient également qu’entre 2018 et 2020, Safiatou Lopez a connu de nombreux démêlés judiciaires. On peut citer pêle-mêle son interpellation à domicile, jugée « musclée », pour son implication supposée dans une tentative de faire évader des détenus de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) ; les poursuites enclenchées contre elle pour avoir diffamé un adjudant-chef major de la gendarmerie nationale.
En 2022, lorsque le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba renverse le pouvoir de Roch Kaboré, Safiatou Lopez appelle à la libération de ce dernier et plaide en faveur de tous les exilés politiques, lors du panel sur la paix, tenu le 7 mai 2022. Rappelons aussi qu’elle avait maille à partir avec le pouvoir du lieutenant-colonel Damiba, et s’est aussi montrée hostile à celui de son successeur, le capitaine Ibrahim Traoré.
Erwan Compaoré
Lefaso.net