Actualités :: Médicaments de la rue et alcool frelaté : Aux grands maux, les grands (...)

Les réactions des autorités interpellées par le « constat » de Sidwaya du 12 août 2005 dans ses colonnes sur les médicaments de la rue et l’alcool frelaté sont unanimes quant à l’emploi d’une méthode efficace de lutte contre le phénomène.

Du maire de Ouagadougou Simon Compaoré au chef de service d’hygiène alimentaire Idrissa Ouédraogo en passant par le directeur général du Laboratoire national de santé publique, Daouda Traoré et le président de la Ligue des consommateurs Augustin Karanga, tous sont conscients de l’ampleur du phénomène. Ils situent les causes, les effets de ces produits sur la santé et les solutions pour « désamorcer ces bombes pour la santé des populations ».

Les médicaments de la rue et l’alcool frelaté constituent de véritables « bombes pour la santé des populations ». Le bourgmestre de Ouagadougou Simon Compaoré constate que de nos jours, bien que le phénomène soit récent, dans la capitale et ses environnants, au sein des marchés, les individus prennent le risque de faire l’étalage de ces produits comme si « cela était autorisé ». Le maire va plus loin en affirmant que ces produits impropres à la consommation sont ingurgités par les enfants (alcool frelaté) dans des caféteriats.
Les médicaments de rue, nocifs pour la santé ne sont pas en reste. Le maire témoigne : « lorqu’on arrive à nommer un produit prohibé « Poog Yaang tond ballé » (la vielle joue au ballon en langue nationale mooré), il va sans dire une vieille se met à jouer au football c’est parce qu’elle a ingurgité des comprimés ; cela signifie que la situation est grave. Il faut se méfier de ce produit ». Simon Compaoré affirme saisir ces produits prohibés à chacune de ses sorties sur le terrain soit en compagnie des agents de la police municipale soit seul. Mais le phénomène persiste. Cet état de fait, le bourgmestre l’explique par la porosité des frontières.

« Il est vrai que les effets de ces actions ne sont pas visibles sur le terrain mais la porosité de nos frontières fait que ces produits entrent en dépit de la bonne volonté de la police et de la douane chargés de les enrayer ce phénomène ». Le président de la ligue des consommateurs Augustin Karanga qualifie « d’expéditions cosmétiques les sorties des autorités municipales qui consistent à aller dans la rue, les kiosques pour s’en prendre aux pauvres petits vendeurs ». Selon lui, ces derniers exercent ce commerce pour s’arracher à la pauvreté. Le maire en est conscient par ces propos : « ce ne sont pas les petits vendeurs qui vont au delà des frontières pour faire entrer ces produits, ce sont plutôt de gros bonnets ; des personnes qui ont des moyens financiers pour faire entrer en quantité ces produits afin de les dispatcher à partir des petits vendeurs ».

M. Karanga tout en saluant l’initiative de « constat » par rapport aux deux fléaux suffisamment graves que sont la vente de l’alcool frelaté et la mise sur le marché des médicaments de la rue reconnaît avoir tiré plusieurs fois la sonnette d’alarme pour informer les autorités du Burkina du phénomène. Le président de la Ligue des consommateurs relève le fait que ces produits circulent malgré la présence des structures de contrôle de la qualité sanitaire des produits. En l’occurrence, la direction générale d’inspection d’Etat, celle des affaires économiques, le service d’hygiène, le Laboratoire national de santé publique (LNSP).

Des effets néfastes

Quant au directeur général (DG) de la structure chargée « d’analyser, de contrôler et de surveiller pour protéger la santé des populations », Daouda Traoré, « le LNSP identifie les risques, les évalue et les gère dans la mesure de ses possibilités ». De ce fait, M. Traoré explique qu’en fonction de leurs missions, il procède à des prélèvements des produits importés pour des analyses afin d’empêcher depuis le cordon douanier l’entrée sur le territoire des produits de mauvaise qualité. Idem sur le marché à l’intérieur du pays pour retirer du circuit de commercialisation les produits « impropres à la consommation ».

Dans ce cadre, le directeur général du LNSP dit effectuer par l’entremise de ses services, des sorties sur le terrain pour prélever des produits en vue de les contrôler. Cependant, reconnaît-il « l’ampleur du phénomène est énorme et les moyens sont insuffisants pour sa structure qui est en phase de démarrage de ses activités ». Cet aspect concerne l’alcool frelaté car pour le DG du LNSP M. Traoré, « la question des médicaments de rue ne se pose pas, puisque lorsqu’ils sont prohibés, ils ne doivent pas être en circulation ».

Pour Idrissa Ouédraogo du service d’hygiène alimentaire, sa structure n’a pas de programme particulier pour les médicaments de rue. Mais pour l’alcool frelaté des contrôles quotidiens sont opérés dans tous les secteurs des cinq arrondissements de Ouagadougou par le service d’hygiène. Les contrôles opérés sont d’ordre global suivi d’approche politique selon M. Ouédraogo. Le contrôle se rapporte à la qualité du produit, la salubrité des lieux et l’état de propreté des vendeurs.

Lorsque l’un de ces éléments est défaillant, les contrôleurs du service d’hygiène procèdent par la sensibilisation sur place. Si le vendeur récidive, M. Ouédraogo révèle qu’il est convoqué pour explication. Et l’amende vient en cas extrême après deux ou trois passages sur le lieu incriminé. Cette amende selon les textes en vigueur, va de 36 000 à 72 000 FCFA. En outre, les vendeurs doivent être selon M. Ouédraogo, détenteurs d’une autorisation de vente et d’une carte de santé à jour coûtant 3 600 FCFA.

Toutefois, l’homme reconnaît que nombreux sont les vendeurs qui n’ont pas d’autorisation. « Certains exercent dans la clandestinité, d’autres, lorqu’ils sont pris, disent qu’ils ne sont pas informés des textes en vigueur » explique M. Ouédraogo. Toutes choses qui font dire à Augustin Karanga de la Ligue des consommateurs que « si les contrôles avaient été faits dans les règles de l’art, beaucoup de grandes surfaces ne pourraient pas importer des conteners entiers qui sont déversés sur nos marchés ».

Or, ces produits ont des conséquences « fâcheuses et dramatiques » sur la santé. Simon Compaoré cite les problèmes au niveau de l’appareil urinaire à cause de l’ingurgitation des comprimés prohibés. M. Karanga opine sur des cancers reccurrents du foie, des cirrhoses généralisées du fait de l’absorption de l’alcool frelaté. Ce dernier entame selon lui, la capacité productive de la jeunesse paysanne. Il cite l’exemple des jeunes qui vieillissent prématurément dans les campagnes, qui développent des insuffisances rénales chroniques à l’âge de 20 à 25 ans ainsi que des cancers de foie.

Et il est formel « ce sont des plateaux techniques que nos médecins n’avaient connu dans le cursus de santé de notre jeunesse ». Même son de cloche de la part du DG du Laboratoire national de santé publique Daouda Traoré pour qui, l’impact des produits prohibés et très nocifs sur les différents organes du corps. Ils sont à l’ origine des maladies entraînant la mort. Le maire Simon Compaoré renchérit « les commerçants de ces produits rendent la mort aux populations ». Que faire ?

Les solutions envisagées et envisageables par les différents intervenants sont de deux ordres : l’action et la sensibilisation. Pour le président de la Ligue des consommateurs M. Karanga, « il faut traquer les commerçants à la source ». Du fait que ce sont des milliards qui sont en jeu, il faut selon lui, remonter la filière pour voir comment ces produits envahissent le marché. « Des usines sont installées dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Togo, le Benin où sont fabriqués ces éléments. Il y a aussi la filière chinoise ».

Et selon M. Karanga, toutes ces filières profitent de la porosité de la frontière burkinabè, de la faiblesse des structures de contrôle des médicaments et également de la complicité de certaines autorités. Ainsi, « il n’est pas exclu, explique-t-il, que la faiblesse des systèmes de contrôle ne résulte pas d’une sorte de connivence entre certaines structures et ceux qui sont insérés dans la chaîne de la commercialisation des produits prohibés ». En ce qui concerne l’alcool frelaté, M. Karanga propose de traquer la commercialisation en traquant toute la chaîne. Cela suppose une coopération transfrontalière entre les Etats de l’UEMOA du fait de porosité des frontières.

Le message semble être reçu par Simon Compaoré qui estime que « la lutte contre les deux fléaux n’est pas théorique, elle est pratique ». De ce fait le bourgmestre a désormais décidé de passer à un cran supérieur dans la lutte en mettant en place, en relation avec les forces de police (le commissariat central, la brigade des stupéfiants) un mécanisme.

Selon M. Compaoré, ils prendront des renseignements dans les jours à venir avec les procureurs du Faso afin de mettre aux arrêts les petits revendeurs, les interroger en vue de remonter la filière. Le maire se dit être prêt pour la « sanction pure et sévère » contre les auteurs de ce commerce. Le maire estime qu’il faut au maximum 1000 policiers municipaux pour quadriller Ouagadougou. Alors qu’au stade actuel ils ne sont qu’environ 400 agents. De ce côté le Laboratoire national de santé ne veut pas rester les bras croisés.

Malgré l’insuffisance de ses moyens financiers qui ne lui permettent pas de faire des contrôles réguliers dans les marchés, il compte développer un partenariat avec l’Ordre des pharmaciens en vue de contribuer à la sensibilisation des populations. A cet effet, des produits seront récupérés et analysés en vue de démontrer leur nocivité sur la santé. Quant au contrôle à l’entrée des frontières et au plan local, le directeur général du LNSP reconnaît que son opéralisation a été difficile au départ. Mais, les choses ont évolué et dans les semaines à venir, ils informeront les populations des dispositions prises pour que la santé, le commerce et les autres structures administratives travaillent en bonne synergie. Ce, en vue de contrôler effectivement la qualité des produits avant leur mise en consommation.

Le directeur général du LNSP va plus loin en affirmant qu’il ne suffit pas de contrôler les produits avant qu’il ne soit mis en consommation. Car, selon M. Traoré, il est démontré que beaucoup de produits subissent des manipulations une fois entrés sur le territoire national (lire l’encadré sur Johnny Walker frelaté). Pour lui, il est légitime que les gens demandent beaucoup au Laboratoire national de santé publique mais « le Laboratoire se bât et se débât dans les difficultés pour protéger la population ».

Bien plus, il affirme que ses agents vont sur le terrain souvent au risque de leurs vies parce que « confrontés la plupart du temps à des gens très violents ». Alors, la contribution de la population et des autres structures de lutte contre le phénomène s’avère nécessaire. Car, selon M. Traoré, « lorsqu’on a pas atteint la tête du dragon, le reste du corps continue à agir ». Du côté du chef de service d’hygiène alimentaire Idrissa Ouédraogo, il n’y a pas de solution miracle au phénomène. Pour lui, les populations doivent dénoncer les commerçants de produits illicites. A l’endroit des consommateurs, les messages sont pertinents.

Le maire de Ouagadougou estime que les kiosques ne sont pas habilités à vendre les liqueurs sous peine d’amende ou de fermeture de l’établissement, invite les populations à s’abstenir de consommer ces produits. Pour le Laboratoire national de santé publique et la ligue des consommateurs, la vigilance est de mise. Attaquer le mal à la racine et mettre en œuvre une campagne de sensibilisation préconise Augustin Karanga. En tout état de cause il reconnaît que « le meilleur conseiller du consommateur, c’est le consommateur lui-même ».

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)


Attention au Johnny Walker frelaté !

Selon le président de la Ligue des consommateurs Augustin Karanga, « des cargaisons entières d’alcool non contrôlées et ne répondant pas aux normes circulent dans nos villes et campagnes ». Ainsi, cet alcool qui est pur est transformé et synthétisé sur le territoire pour faire du whisky. Par ce procédé, du Johnny Walker frelaté circule sur notre territoire.
Dans certains grands hôtels de Ouagadougou, il y a selon ses propos, un commerce d’éléments composant la fabrication du produit. A savoir les contenants tels que la bouteille, le bouchon et le bec perceur, éléments propres sur Johnny Walker. Ces éléments sont achetés par dizaines journalièrement par des individus qui les manipulent ensuite sur des anciennes bouteilles de Johnny Walker.

Par un effet de collage, les individus parviennent à recoller le bouchon. Entre temps selon M. Karanga, le whisky mis dans cette bouteille ne sera que de l’alcool frelaté imprégné d’essence éthylique faisant ressembler ce produit au Johnny Walker. Et, selon lui, il faut être un connaisseur pour détecter la fausseté du produit an contact de la langue.

D.E.O

Sidwaya

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