Actualités :: Souvenirs d’un vétéran d’Indochine

Combien sont-ils qui savent ce que représente pour la France le 14 juillet ? C’est pourtant une date symbole et au-delà, elle marque un tournant décisif dans l’histoire de nos ancêtres les gaulois. Le 14 juillet 1789 est le jour où la Bastille, cette forteresse de Paris, d’abord citadelle militaire, puis prison d’Etat, emblème de l’arbitraire sous Louis XIII, a été prise par des émeutiers.

Cela a donné naissance à une fête nationale qui se célèbre partout où il y a des Français, et Tiiga Jean Fulbert Ouédraogo, ancien soldat de l’armée coloniale française, se sent aussi concerné.

Tout est parti de la célébration du 14 juillet 2005 par la communauté française au Burkina Faso. Tiiga Ouédraogo, un nostalgique de cette fête de France qui se célébrait en grande pompe dans les territoires coloniaux appartenant à l’Hexagone, se souvient et en parle avec passion. Il est quelque peu amer quand il évoque les années où le 14 juillet était populaire, contrairement à aujourd’hui où, dit-il, c’est une affaire strictement française. Cependant, notre ancien combattant ressent une certaine fierté et se dit honoré lorsque l’ambassade de France pense souvent à les associer à la fête.

Tiiga Ouédraogo, comme beaucoup de ses anciens camarades d’armes, sont depuis tombés dans l’anonymat. Ils ont pourtant des histoires, leurs petites histoires à raconter. Le 14 juillet dernier, par un heureux concours de circonstance, nous avons découvert le vieux Tiiga qui devisait avec son compagnon d’arme sur son passé d’ancien combattant, et autour du 14 juillet, en présence de jeunes qui étaient accrochés à ses lèvres.

« Sous les régimes de Maurice Yaméogo et du général Sangoulé Lamizana, on célébrait avec faste le 14 juillet. A l’époque, les anciens combattants se retrouvaient pour faire la fête dans la joie. Il y avait chaque fois une parade devant la Présidence ; on défilait en uniforme, bardé de nos décorations et autres médailles de guerre. Après le règne de ces deux présidents, nous n’avons plus connu cela"

Un survivant de Diên Biên Phu

Enrôlé dans l’armée française en 1951, Tiiga dira que c’était pour éviter à son père de souffrir, car, disait-on, il aurait été complice de son exode en Côte d’Ivoire, alors qu’il avait son nom dans le registre des jeunes appelés pour l’armée. Commença alors une aventure militaire après un stage à Bobo-Dioulasso. Ensuite, il embarqua pour l’Indochine en 1952, via Dakar, où il y eut, deux mois durant, d’intenses visites médicales. La traversée pour l’Indochine, selon notre "jeune" soldat, prit un mois.

Arrivé à Saïgon, huit jours plus tard, se souvient-il, on les répartit par compagnie. Son premier poste fut Nha Trang. Là, raconte, Tiiga Ouédraogo, les Viêt-congs ne nous donnaient pas l’occasion de dormir ; on essuyait des tirs toute la nuit. « On a souffert le calvaire en Indochine, mais pas autant qu’en Algérie » ; car notre soldat de l’armée coloniale française a aussi baroudé à Alger. Il se souvient de la bataille de Diên Biên Phu, « une véritable boucherie » selon ses propres termes, à l’issue de laquelle est intervenue la fin de la guerre d’Indochine en 1954.

Des épisodes lui reviennent en mémoire, tel ce jour où c’était son tour de faire la sentinelle. « Il pleuvait cette nuit-là, et l’ennemi voulait en profiter pour nous attaquer. On ne voyait rien du tout. Je savais seulement que mon doigt était sur la gâchette de mon arme, prêt à ouvrir le feu. Voilà qu’à quelques distances de là où je me trouvais, un imbécile était aux aguets. Lorsqu’il y eut une lueur, j’aperçus, et Pam ! j’ai tiré... ».

A la fin de la guerre d’Indochine, le retour en France a été un autre épisode durement vécu, parce qu’il fallait rapatrier le matériel. Le retour en famille était fait d’anecdotes. C’est par exemple le moment de toucher le pécule. Une opération qui se faisait sous haute surveillance, car ceux qui avaient combattu en Indochine étaient considérés comme des cinglés, si bien que l’ordre avait été donné d’abattre quiconque ne se tenait pas tranquille en passant à la caisse.

Il a conduit la dépouille de Ouezin Coulibaly

Lorsqu’on demande au vieux Tiiga (il est septuagénaire aujourd’hui, même s’il n’en donne pas l’air (il est encore solide) quels sont les meilleurs souvenirs de son passage dans l’armée française, il retient le fait qu’il a survécu à tant d’épreuves ; lui, est revenu vivant de la guerre, alors que beaucoup de ses camarades sont tombés sur les champs de bataille.

« Des mines ont sauté derrière les véhicules que j’ai eu à conduire, pendant que d’autres ont sauté sur des explosifs ». "Ce n’est pas toujours par coup de chance, car vous avez dû, en bon africain, vous prémunir avec certainement quelque pouvoir occulte osons-nous" « Non, on a imploré seulement les ancêtres de nous éviter de connaître la défaite, c’est tout ». (Rires).

Celui qui a préféré l’armée à l’aventure dans les plantations de café et de cacao en Côte d’Ivoire ne regrette pas sa vie d’ancien combattant, même s’il est resté soldat de première classe, donc sans grade. La vie qu’il mène actuellement plonge ses racines dans les profondeurs, de celles qu’il a eue en tant que soldat de l’armée coloniale française. Si ce n’était pas l’armée, il serait retourné s’occuper des plantations du côté de la lagune Ebrié.

Après sa démobilisation en 1961, il a toujours vécu de sa pension qu’il touche tous les trois mois. Chauffeur dans l’armée, il a servi comme conducteur d’ambulance à Kaya puis à Boulsa, jusqu’en 1984. Il a aussi été chauffeur chez un entrepreneur de la place. Quelque temps avant de quitter l’armée, comme chauffeur, il a eu le privilège, il ne s’en cache pas, de conduire la dépouille mortelle de Ouézzin Coulibaly au cimetière de Bobo à Sikassosira.

Tiiga Jean Fulbert Ouédraogo, originaire de Yako, dans la province du Passoré, qui dit modestement qu’il ne connaît pas grand-chose de cette période coloniale, vit dans sa concession de Tanghin, entouré de ses deux femmes et de leurs enfants dont, il est fier, naturellement.

Agnan Kayorgo
Observateur Paalga

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