Actualités :: Trafic d’enfants : La mésaventure des cinq petits burkinabè

Les faits remontent à avril/juin 1996. Deux jeunes Burkinabè qui ont échappé à un réseau de trafiquants ont rapporté cette histoire. Un de leurs amis est venu leur demander s’ils étaient intéressés par un travail bien rémunéré en territoire ivoirien.

Il disait connaître une dame à même de les employer dans ses plantations, avec des salaires atteignant 125 000 FCFA par mois. « C’est super », pensaient les enfants.

Aussi se sont-ils laissés convaincre par leur ami... Au total, cinq enfants se sont retrouvés, accompagnés de la dame en question, en route pour la Côte d’Ivoire. La consigne donnée par la dame était stricte : « En cas de contrôle policier, vous êtes des élèves. Vous ne devez en aucun cas dire que vous me connaissez. »

Quatrième jour de voyage, le groupe arrive à Bouaké, première destination. Le lendemain, les employeurs des cinq enfants sont venus les chercher, chacun ayant sa destination particulière.

En Côte d’Ivoire, les enfants victimes de trafic étaient le plus souvent parqués dans les plantations, loin des villages, où ils devaient travailler sans relâche. Ils avaient un autre rôle, celui de surveiller la plantation. Ils devaient faire eux-mêmes leur cuisine avec pour aliment de base les tubercules.

Les deux rescapés qui ont relaté l’histoire étaient à Kiénougou pour l’un et Yatibo pour l’autre. A leur arrivée sur place, ils ont analysé, chacun de son côté, la situation de façon rapide. Ils ont compris ce qui les attendait. Ils en avaient entendu parler à plusieurs occasions, sans doute.

Comme guidés par une force télépathique, ils élaborèrent chacun de son côté une stratégie pour décamper à la première occasion. Environ trois mois après leur départ, les deux rescapés regagnèrent le Burkina. Ils disent n’avoir plus jamais entendu parler des trois autres enfants. Que sont-ils devenus ?

Abdoulaye GANDEMA
(Source : Travail et trafic des enfants,
situation au Burkina Faso, 2002)


L’homme vendu

Nebwaoga Sawadogo a été vendu par un trafiquant d’enfants alors qu’il venait juste de rentrer dans sa 14e année. Originaire de Yalgo, Nebwaoga voulait être riche, tout de suite et à tout prix. "J’ai refusé mon père et ma mère restés au village et je suis parti à l’aventure", raconte-t-il, précisant qu’à l’époque (au début des années 70), même sans carte nationale d’identité ou document d’état civil, on pouvait voyager à l’intérieur de la Haute-Volta.

Arrivé à Ouagadougou, le jeune garçon emprunta le train pour Bobo-Dioulasso, ville carrefour s’il en était. Il trouva à Sya d’autres jeunes et enfants ayant les mêmes visées. "Un homme nous a accostés et s’est proposé de nous emmener en Côte d’Ivoire", dit Nebwaoga. Aux enfants, le trafiquant tient à peu près ce langage : "Vous voulez partir en Côte d’Ivoire ? Vous êtes sauvés ! Venez. J’ai une plantation là-bas. Vous serez bien traités et bien payés".

Les enfants étaient aux anges. Ils allaient enfin réaliser leur rêve et découvrir cet autre "paradis" appelé "Bidjan" (Abidjan) par les " koswéto", ceux qui ont duré à l’étranger. "Nous étions persuadés d’y gagner beaucoup d’argent. On nous a embarqués dans une Super Goélette communément appelée 22 places à l’époque". Lorsque les voyageurs sont arrivés à Vavoua en Côte d’ivoire, le « convoyeur » a pris et sa part du butin et la clé des champs. Ce n’est que plus tard que les enfants allaient se rendre à l’évidence : l’individu venait de les vendre à un inconnu.

Nebwaoga et ses camarades étaient maintenant à la charge d’autres personnes. Ne connaissant personne dans ce pays côtier, ils ne pouvaient aller nulle part. Ils ont été conduits dans une plantation. Avec leurs nouveaux patrons, ils s’étaient mis d’accord, verbalement, pour un salaire annuel de 15 000 FCFA chacun.

Les jeunes ont travaillé pendant près de deux ans, à défricher, planter, récolter les fèves de cacao et le café, sans percevoir un radis. Pour se faire payer, ils ont dû recourir à la violence, car parmi eux, il y en avait qui étaient suffisamment musclés pour tenir tête aux maîtres de ces lieux. "Nous avons menacé de les assassiner tous en brousse s’ils ne nous versaient pas intégralement notre dû. Alors ils ont payé et c’est ainsi que j’ai reçu les 22 500 FCFA qu’ils me devaient".

Après cet épisode, Nebwaoga et quelques uns de ses amis sont allés s’installer à Issia, dans le département de Daloa pour vendre leur force de travail à des employeurs moins malhonnêtes.

Aujourd’hui, membre du noyau relais d’un village proche de Kaya, Nebwaoga milite dans l’association Action communautaire de développement (ACD). Il entend mettre son expérience personnelle au service de la lutte contre le trafic d’enfants. "Si nous nous mettons d’accord pour faire le travail, nous réussirons. Mais il faut qu’il y ait beaucoup de projections vidéo pour montrer les méfaits du trafic d’enfants et de l’exploitation économique des enfants. Si les projections ne suivent pas, les vélos que l’UNICEF nous a remis pour combattre le trafic ne serviront à rien".

Pointant du doigt son propre enfant qui l’attend à l’ombre d’un neem, il dit : "Aujourd’hui, les enfants commencent à comprendre. Voici, celui-ci est mon fils. Il a été témoin de plusieurs cas d’enlèvement d’enfants".Selon lui, de nombreux jeunes ne veulent plus déserter leur famille. "Si c’était dans l’ancien temps, au moment de retourner à la maison, je serais allé à sa recherche. Mais le voici, assis là à m’attendre. Il a peur d’être trafiqué. Donc si les jeunes voient le vélo, symbole de la lutte contre le trafic d’enfants, ils ont déjà peur. Moi, on m’a vendu parce que je cherchais de l’argent et je n’avais pas peur. J’ai eu la chance d’être revenu indemne".

Abdoulaye GANDEMA

Sidwaya

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