Actualités :: Biens culturels africains : « Nous ne pouvons pas écrire notre histoire sans (...)

Son nom rime avec combat pour la restitution du patrimoine culturel africain. Professeur Jean-Baptiste Kiethéga (puisque c’est de lui qu’il s’agit) ne va pas du dos de la cuillère pour dénoncer les obstacles, exogènes et endogènes, liés à cette lutte qui est la sienne depuis des décennies. Au lendemain de l’annonce par le président français de restituer les biens culturels africains, il est paru légitime d’avoir sa réaction sur cette question d’actualité… Malgré son état de santé, le professeur d’archéologie, à la retraite, nous a reçus le samedi 1er décembre 2018, en fin de matinée. Dans cette interview, il est aussi question de son après-carrière et de la situation socio-politique.

Lefaso.net : Comment se porte aujourd’hui Pr Jean-Baptiste Kiethéga ?

Jean-Baptiste Kiethéga (J.B.K.) : J’ai des ennuis de santé depuis 2012. Ce ne sont pas des choses qui peuvent s’améliorer, je ne peux pas marcher. Sinon durant ma longue carrière (j’ai enseigné pendant 42 ans), je n’ai jamais connu de maladie invalidante, jusqu’au moment où j’ai pris ma retraite. Dès que je prends ma retraite, je fais un AVC (Accident vasculaire cérébral) et même mon certificat de cessation de fonction, c’est sur un lit d’hôpital qu’on me l’a envoyé et depuis, je suis dans cette situation. J’essaie quand même de ne pas tout abandonner, surtout le travail intellectuel ; vous voyez qu’il y a plein de papiers devant moi ; même si le physique ne fonctionne pas, tant que le cerveau marche, je tiens à le faire fonctionner.

Lefaso.net : Dans certains pays, il existe des systèmes permettant aux personnes ayant capitalisé à l’Université, de toujours rester en contact avec le milieu (impliquant des avantages). Qu’en est-il au Burkina, et dans votre cas ?

J.B.K. : L’Etat a fait exactement le contraire. Tout ce que je pouvais faire à l’Université, ils ont pris des mesures qui me l’interdisent. Par exemple, j’aurais pu être nommé professeur émérite ; les textes sont-là (il nous en remet des copies desdits textes, ndlr), quand je prenais ma retraite, ils ne l’ont jamais fait. Je me suis adressé au Médiateur du Faso, qui n’a jamais rien fait. Et quand je les relance, ils prétendent que c’est l’Université qui ne répond pas. Or, l’Université a même écrit au journal Le Reporter, disant que je ne méritais pas ça. Et on ne me dit pas pourquoi.

La seule raison qu’ils invoquent, est qu’il n’y a pas de papier. Pourtant des documents existent, il y a un décret qui a été pris avant que j’aille à la retraite, on devait m’appliquer ce décret. Ils ne l’ont pas fait, parce que j’avais beaucoup d’influence à l’Université, et on avait peur de cette influence. C’est pour des raisons politiques. Je défie le Médiateur du Faso de dire que l’Université n’a pas réagi (le journal Le reporter a publié la réaction de l’Université).

Lefaso.net : C’est sous quel médiateur ?

J.B.K. : C’est sous l’équipe précédente. Mais l’administration est une continuité. Le dossier est toujours là-bas. Comment un dossier qu’ils ont depuis plus de cinq ans, ils ne peuvent pas y répondre. Trouvez-vous cela normal ? Ou bien c’est le nouveau travail des jeunes ? A mon temps, cela ne se faisait pas du tout. Ce qui ne fait qu’empirer mon mal ; puisqu’en plus de la maladie, il y a l’injustice dont je souffre, qui pèse sur moi. Si j’étais au campus, j’allais continuer de bénéficier de mes relations internationales.

Ce qui n’est pas possible à partir d’ici (le titre de professeur émérite conférant un minimum de dispositif qui permet de rester en contact avec le monde universitaire, ndlr). C’est très mauvais. Je comprends, parce que la jeunesse en veut aux anciens. Mais pouvez-vous (les jeunes, ndlr) construire le pays avec cette mentalité ? Vous n’arriverez nulle part. Si vous écartez vos anciens, c’est une évidence que vous n’arriverez nulle part. Effectivement, ce que je deviens, personne ne s’en occupe, je me bats avec mes médecins (heureusement que j’ai d’excellents médecins qui me suivent, et étant également des professeurs à l’Université, comprennent ce qui m’arrive).

Mais ce n’est pas bien pour le pays, vous (jeunes) avez pris une très mauvaise route. Même dans nos contes, on raconte comment des jeunes, mal conseillés, avaient éliminé leurs parents, jusqu’au jour où l’un d’eux, devenu roi, leur a demandé de construire une maison dont les fondations sont sans base sur terre. Naturellement, ils ne trouvaient pas la solution. Heureusement que l’un d’entre eux avait caché son papa, qui leur a conseillé d’aller demander au roi de tracer les fondations dans l’air.

Comme le chef aussi ne pouvait pas tracer de fondation (dans l’air), ils n’ont pas eu à construire la maison. Et comme chez vous, vous tuez tous vos papas, on va voir qui va vous conseiller de tracer les fondations en l’air. C’est ce que la culture burkinabè recommande aujourd’hui ; il n’y a que des jeunes, pas de vieux. Vous n’irez nulle part avec cet esprit.

Lefaso.net : La restitution du patrimoine culturel africain a été de votre combat, durant votre longue carrière. Aujourd’hui, la France vient de prendre une décision dans ce sens. Comment l’avez-vous accueillie ?

J.B.K. : En fait, la France n’a fait que réagir à une situation qui est déjà ancienne. J’ai tout un dossier ici là-dessus, ce n’est pas seulement la France qui a réagi, toute l’Europe a réagi. J’ai été membre d’un comité d’experts africains qui ont rencontré les experts européens pour parler de la restitution des biens culturels illicitement exportés.

Lefaso.net : Qu’est-ce qui vous a motivé à accorder tant d’intérêt au sujet, quand on sait que vous êtes archéologue ?

J.B.K. : Effectivement. Mais seulement, dans le cadre de mon métier, ce sont les éléments sur lesquels je dois travailler. Si on les emporte, on emporte les éléments sur lesquels je dois travailler. Cela a commencé à attirer mon attention et j’ai commencé à m’y impliquer, en donnant des conférences sur la lutte contre les trafics des biens culturels (une conférence que j’ai donnée au ministère des Affaires étrangères a même été publiée par l’IDRI à l’époque).

Pendant mes cours, surtout lorsque j’ai ouvert le DEA, j’ai créé une matière concernant la culture, et dans cette matière, j’enseignais justement la lutte contre le trafic. J’ai donc donné beaucoup de cours là-dessus et surtout beaucoup fait le terrain. Vous vous souvenez de Mamio, la statuette de Pobé-Mengao, que j’ai réussi à ramener (Mamio est un objet ancestral de Pobé-Mengao, province du Soum, volé en 1991, retrouvé en Allemagne grâce aux efforts conjugués de Pr Jean-Baptiste Kiethéga puis ramené en décembre 2001, ndlr).

Qui au Burkina Faso a réussi à ramener un objet culturel ? Il y a quelques jours, j’ai écouté le secrétaire général du ministère de la Culture (conférence de presse du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme, le 29 novembre, ndlr), qui prétend qu’ils ont fait revenir des bandes sonores (enregistrées). Mais pourquoi n’en ont-ils pas parlé, si ce n’est pas à cette occasion ? Mamio, j’en ai parlé, il y a des films là-dessus, tout le monde était au courant, il n’y a rien à cacher. J’ai donc fait beaucoup de sorties sur le terrain, surtout beaucoup de conférences.

Par exemple, à Amsterdam, j’ai donné une conférence où je parlais justement de Mamio et c’est d’ailleurs cette conférence qui a permis de remonter la filière pour faire revenir Mamio ; parce que parmi ceux qui m’écoutaient, il y avait le secrétaire général d’Interpol qui, à la fin de la conférence, est venu me voir et m’a montré par quel moyen je pouvais les contacter officiellement pour qu’on m’aide à retrouver Mamio. C’est ainsi qu’à mon retour, j’ai saisi Interpol Ouagadougou et nous avons réussi à faire revenir Mamio.

Je me souviens d’ailleurs de pas mal de difficultés que j’ai eues avec le ministère de la Culture à l’époque, à ce sujet. En 2010 (c’est ma dernière conférence en France), j’étais au Musée du Quai-Branly où j’ai donné une conférence et ai même projeté le film sur Mamio. Je leur ai dit (parce que la salle de conférence était totalement vitrée, donc on voyait les objets du Musée) que les objets qui sont-là, je parie qu’ils n’étaient pas capables d’en donner l’origine. Pourquoi je dis cela ; parce qu’en 1992, j’ai participé à des réunions, pour l’exposition Vallées du Niger.

Nous avons demandé, pour cette exposition, l’inventaire des objets africains dans les musées français, ils ont refusé. Or, je connais ces objets. En 1976 déjà, j’ai visité un pavillon où étaient exposés les objets de Haute-Volta. Donc, je ne peux pas me tromper. Ensuite, en 1992, un étudiant français avait une bourse et voulait faire son mémoire sous ma direction (je n’avais pas encore ouvert le doctorat).

J’ai trouvé que c’était une bonne occasion qu’on travaille sur la collection de la Haute-Volta là-bas. Je l’ai amené au Musée du Quai d’Orsay (qu’on appelait Musée de l’Homme). Là, on m’a interdit l’accès (c’était une Africaine qui dirigeait la collection africaine). Ils m’ont interdit l’accès, à moi et à l’étudiant qui s’appelle Luc Péquet. Mais le jeune homme a persévéré, il est venu ici et a travaillé sur l’architecture gourounsi et a soutenu une thèse que vous pouvez trouver à la bibliothèque centrale.

J’ai été au Musée royal belge, en 2002, et j’ai été horrifié de constater que tous les mémoires que j’ai dirigés ici sur le fer et sur la poterie et les masques, tout avait été photocopié et rangé là-bas. Je n’ai jamais su comment ça s’est fait. On n’a pas le droit de photocopier un mémoire ou une thèse sans l’accord du directeur. On l’a fait à mon insu (est-ce mes anciens étudiants qui l’ont fait, par quelle combine ont-ils réussi à le faire…, je n’ai fait que le constater).

Je voudrais également signaler quelque chose d’important…, en 2002, le ministère des Affaires étrangères m’a demandé de les accompagner à Addis-Abeba où se tenait une réunion du Comité d’experts africains avec des experts européens sur le problème de trafic.

J’y ai été, et ai même réussi à faire inscrire, dans le rapport, le retour de Mamio (qui venait de rentrer l’année d’avant) comme l’exemple de la possibilité de faire rapatrier des objets. Tous les documents y relatifs sont-là. J’en veux pour témoin, que vous pouvez approcher également pour conforter mes dires, l’ambassadeur Jacob Pasgo, qui était chef de délégation et à l’Université, Désiré Somé (qui me connaît très bien, il faisait partie de la délégation).

Ce qui me fait le plus mal actuellement, c’est qu’on essaie de me dépouiller de mes recherches. Et cela est le fait de mes anciens étudiants eux-mêmes (j’en ai des preuves ici). Par exemple, au cours de la conférence de presse du ministère de la Culture (conférence sus-mentionnée, ndlr), il est ressorti qu’il y a eu des travaux où l’Université a été associée, de même que le CNRST (Centre national de la recherche scientifique et technologique).

Mais pourquoi n’entrent-ils pas (les conférenciers, ndlr) dans les détails ? Ils ne peuvent pas le dire. En plus, concernant un long travail sur le fer, où j’ai fait publier beaucoup de choses, mes étudiants et moi-même, ils ont résumé ça (puisqu’ils ont demandé l’inscription du site du fer sur la liste du patrimoine) en disant que j’ai fait un inventaire. Une thèse d’Etat est-elle un inventaire ? C’est incroyable ! Ou bien les mémoires ou thèses que j’ai fait publier sont-ils des inventaires ? Mais ils ne se trompent pas seulement, ils disent des contrevérités. Ça va les emporter, c’est une évidence. J’ai beaucoup de choses à dire à ce sujet et il y a plein de documents que vous pouvez lire pour comprendre davantage.

Lefaso.net : Sur cette décision de restitution des biens culturels, et contrairement à certains exécutifs africains, on ne vit pas une réelle expression d’intérêt au Burkina. Comment peut-on interpréter cette situation ?

J.B.K. : En réalité, ils sont incapables de gérer le dossier ; parce qu’il faut d’abord apprendre. Vous voyez que l’Etat béninois est en avance sur nous ! Et comme je n’ai pas les moyens de faire des sorties, on en profite, en croyant que la vérité ne va pas sortir, mais elle sortira. Qu’on le veuille ou non.

Lefaso.net : Quel peut être l’enjeu d’un retour des biens culturels pour un pays comme le Burkina ?

J.B.K. : D’abord, nous ne pouvons pas écrire notre histoire sans ces objets. Ce n’est pas pour rien qu’en tant qu’archéologue, j’étais obligé de m’intéresser au retour des objets ; parce que ce sont des matériaux sur lesquels nous devons travailler. Mais si on n’a pas cette base, on travaille comment ? S’il n’y a pas d’écrits et que la tradition, dit-on, est difficile à exploiter, il reste au moins les biens matériels ! Et si on n’a pas ça, on va écrire comment ?

L’histoire ne s’invente pas, elle se bâtit sur des matériaux. Donc, pour moi, l’écriture vient de l’histoire, voilà pourquoi on piétine. Et j’ai beaucoup travaillé, justement, à ce que mes étudiants s’intéressent aux faits techniques ; c’est-à-dire à la culture matérielle, parce que c’est à partir de là, qu’ils vont pouvoir réussir.

Lefaso.net : A-t-on une idée, à ce jour, du nombre d’objets culturels burkinabè qui se trouvent hors de ses frontières ?

J.B.K. : En tout cas, les Français avaient interdit l’accès même aux objets. Lorsqu’on a voulu faire l’exposition Vallées du Niger, ils ont refusé qu’on fasse l’inventaire. Je vais vous raconter une anecdote : au cours de l’exposition Vallées du Niger, on avait voulu exposer le trésor du roi de Ségou (Mali), qui est un trésor en or. Alors, ils ont sorti ça du Musée de l’Homme, on l’a exposé à Paris et de Paris, l’exposition aurait dû venir à Bamako puis à Ouagadougou. Mais arrivée à Bamako, la vitrine était vide. Comme c’est à la chute du roi de Ségou qu’ils ont pris, si ça revient au pays, Konaré (Alpha Oumar Konaré, président malien de 1992 à 2002, ndlr) qui était le président, allait récupérer.

Donc, ils ont vidé la vitrine. Et moi, j’ai dit que si la vitrine vient vide à Ouagadougou, je vais mettre un papier pour expliquer l’absence. Le ministre N. Claude Somda m’a interdit de le faire ; donc la vitrine est venue ici à Ouagadougou (à la Maison du peuple) vide, pour qu’on ne sache pas que c’était des objets volés. J’ai voulu faire un texte pour expliquer, on m’a interdit cela aussi. C’était de la politique, rien d’autre. Le département d’histoire est d’ailleurs celui qui a fourni le plus de ministres aux gouvernements de Blaise (Compaoré).

Or, j’ai connu Blaise (Compaoré), je l’ai interrogé au baccalauréat. Mais je ne lui ai jamais demandé quelque chose durant ses 27 ans de pouvoir. Ni à ses prédécesseurs ni à ses successeurs. Certains aujourd’hui aux affaires mangeaient le tô ici avec mon petit-frère, mais ne connaissent plus ma maison aujourd’hui. Ça ne les honore plus de fréquenter un pauvre type comme moi. Surtout quelqu’un qui va dire la vérité. Même Sankara (Thomas) m’avait fait arrêter et torturer (à l’époque, il était encore lieutenant, il n’était pas encore capitaine).

Il est venu me dire, avec Jean-Pierre Guingané et Michel Koama, que de ne pas faire la politique, que parce que je suis un bon chercheur, un bon professeur, de ne pas en faire. Et eux, ils font la politique et on les tue. Qu’est-ce que cela signifie ? Que sur les quatre (les trois, plus moi), je suis le seul survivant : on a tué Sankara, Michel Koama, Jean-Pierre est mort dans son lit.

Lefaso.net : C’est dire donc que le climat politique burkinabè, voire social, est malsain ?

J.B.K. : Très malsain. Mais, apparemment, certains en sont conscients. Seulement, ils persévèrent quand même. On ne peut pas construire sur la base du mensonge. Ce n’est pas possible.

Lefaso.net : Aujourd’hui, quand vous observez tous ces tralalas politiques, qu’est-ce que cela vous laisse comme sentiment ?

J.B.K. : Ça me dégoûte. J’ai un sentiment de dégoût à l’endroit de tous ces dirigeants-là ; qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition.

Lefaso.net : Craignez-vous pour l’avenir de ce pays ?

J.B.K. : Très très inquiet. Ce n’est pas de la gestion on fait du pays. Quand mes petits-fils viennent me voir et que je les regarde, j’ai des larmes aux yeux.

Lefaso.net : Croyez-vous vraiment au retour des biens culturels burkinabè ?

J.B.K. : En 2008, j’étais sur les chantiers à Loropéni pour l’inscription du site (qu’on me dénie d’ailleurs ces derniers temps), quand le ministre Philipe Savadogo m’a téléphoné et m’a demandé de revenir à Ouagadougou le lendemain, parce qu’il y avait des objets qui étaient arrivés de la France (des objets qui ont été pris par la douane française) et qu’on va réceptionner. Je suis venu et on les a réceptionnés (ils sont au Musée actuellement).

En dehors de Mamio, on a reçu des objets, mais ce sont des objets qui avaient été saisis par la douane, le ministre Philippe Savadogo est là, il peut témoigner. Mais on n’en a jamais parlé. Il faut qu’il y ait même des gens capables d’analyser ces objets. Mais les gens veulent l’argent, mais ne veulent pas travailler. Moi, j’ai fait le terrain et le laboratoire, j’ai fait de longues heures à examiner des objets, à écrire des articles. Actuellement, personne ne veut écrire un article. Il y en a qui prennent leur retraite à l’Université, avec juste les articles qu’ils ont écrits pour passer maître assistant. Mais au Burkina, au lieu d’encourager ceux qui travaillent, on les malmène.

Lefaso.net : Pour le retour de ces biens culturels africains, la France demande à ce que des conditions soient réunies. N’est-ce pas là une manière masquée de retenir ces biens ?

J.B.K. : Je me souviens qu’on a eu des débats très houleux sur le sujet ; un débat au Centre culturel français, en 1993, où j’ai demandé le retour de ces objets. Un ministre de l’Enseignement supérieur à l’époque m’a contredit en disant que ce n’est pas nécessaire que ces objets-là reviennent. Mais, ça a été une bagarre, je me suis insurgé contre ce qu’il a dit et après il est venu au laboratoire me demander pardon.

Je revois encore la scène comme si c’était hier. L’argument des Français est que nous ne pouvons pas gérer effectivement les biens ; le personnel du Musée a montré une piètre image par leur vol, détournement, etc. En plus, il fallait un Musée, les Français ont tout fait pour qu’on n’ait pas le Musée qui a été construit-là. J’ai accompagné le Premier ministre Youssouf Ouédraogo à Bruxelles, en 1993, pour négocier le financement de l’actuel Musée national (j’ai remplacé le ministre à la veille du voyage, parce qu’on a estimé que j’étais mieux indiqué pour défendre le dossier).

Au retour de Bruxelles, j’ai été à l’Assemblée nationale à la session budgétaire pour défendre le projet de Musée à la représentation nationale (Commission des finances). J’ai demandé 50 millions pour faire la clôture et l’Assemblée nationale m’a accordé 60 millions de F CFA. Sans oublier des conférences que j’ai données pour soutenir la création du Musée national. Loango (site granitique, ndlr), j’ai été à la base de sa création, mais aujourd’hui on est en train de créditer d’autres personnes. Ce n’est pas honnête.

Lefaso.net : Tout ceci mis ensemble ne va-t-il pas compliquer le retour de ces biens ?

J.B.K. : Oui, parce qu’ils savent qu’il n’y a personne ici d’audacieux. Ou bien ils vont faire des copies nous envoyer, ils en ont les moyens. Lors de l’exposition Vallées du Niger, on s’en est rendu compte ; parce que même nous, Konaré et moi, on nous a grugés, si on a adhéré à cette idée, c’est parce qu’ils avaient promis que tous les objets qui allaient être envoyés là-bas, ils avaient des procédés techniques pour les rendre invendables (qu’ils allaient mettre des espèces de puces, de sorte que si l’objet est volé, on puisse le retrouver).

Mais ils ne l’ont pas fait, ils les ont amenés comme cela. Donc, ils nous ont grugés (Konaré et moi étions membres du Conseil scientifique du Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie).

Lefaso.net : Sur cette question de restitution des biens culturels, qu’avez-vous à dire à l’ensemble des Burkinabè, notamment aux dirigeants ?

J.B.K. : Aux dirigeants, je n’ai rien à dire, qu’ils continuent dans leurs précipices. A la jeunesse surtout de savoir ouvrir les yeux. Si les jeunes veulent dormir, ils vont rejoindre leurs dirigeants également dans les précipices. Il n’y a pas d’autres solutions.

Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo
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Crédit photo : L. Bonaventure Paré

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