Cette semaine, une offre d’emplois défraie la chronique sur les réseaux sociaux. Une organisation dénommée « HEALTH SUPPLEMENTARY GLOBAL » qui a mis en place le groupe « Le semeur » recrute 500 employés dans le cadre de la gestion des comptes bénéficiaires du Fonds Vert Mondial. Avec comme salaire mensuel proposé aux candidats, la somme de 500 000 F CFA. Seulement, le ministère de l’environnement n’est pas au courant de cette affaire. Des candidats crient à l’arnaque. Lefaso.net a mené sa petite enquête.
500 000 F CFA comme salaire à la fin du mois ! Cela fait sursauter plus d’un sous nos tropiques. Pourtant, un groupe dénommé « Le semeur » qui milite pour la promotion de la santé et de l’environnement recrute pour toute l’étendue du territoire burkinabè 500 personnes dans le cadre de la Gestion de compte des bénéficiaires du Fonds Vert Mondial.Pour cela, plus de 3000 dossiers sont attendus. Les profils sont la gestion comptable, le Marketing, le commercial et la communication. Le hic, le fond vert mondial n’existe pas. En tout cas, pas officiellement. Le ministère de l’Environnement n’en connait pas. Ce qui existerait serait « le fond vert climat », affirme une source du Ministère.
Mais qu’est-ce qui se cache derrière « le groupe le semeur ? »
Le mercredi 14 février, nous nous sommes rendus au siège du groupe « Le semeur » siège sis à Ouidi, tout près du palais du Ouidi Naaba. C’est un monde fou que nous y avons trouvé. Le parking plein à craquer. Les uns rentrent, d’autres sortent. Certains, sur des feuilles de demande, couchent des écritures. Personne ne veut laisser passer les 500 000f par mois. Helène, titulaire d’une maîtrise en Droit vient de déposer son dossier : « Je suis venue chercher du travail. Je chôme depuis longtemps. J’espère que je serai retenue ». Mais une chose retient l’attention de cette dernière. « On m’a demandé d’acheter un livre. Cela n’est pas clair. Je n’ai pas d’argent et même si j’en avais, je n’allais pas m’en procurer ». Angèle, une chercheuse d’emplois, titulaire d’une licence en marketing, vient de sortir du bâtiment. Elle vient juste de déposer son dossier. Elle tient un bouquin à la main, toute heureuse. « Ils ont dit que dans le livre, il y a les réponses pour les phases d’entretien. J’ai acheté pour être au diapason. Ils disent que c’est notre passeport ». Entre-temps, un homme nous aborde. La trentaine, il voulait lui aussi déposer ses dossiers, mais s’est ravisé. « L’affaire n’est pas claire », nous lance-t-il avant d’enfourcher sa monture.
Nous nous frayons un passage. Nous voilà à l’intérieur de la bâtisse. Ici aussi, ça grouille de monde. C’est un long rang, sous le soleil. En file indienne, chacun essaie de déposer son dossier sous plis fermé. Nous accédons ensuite à l’intérieur de la maison. Dans un bureau aménagé, deux personnes assistent les chercheurs d’emplois, un homme et une femme. Sur les tables, des documents, une imprimante, un ordinateur, des souches de reçus et un lot du livre. En fait de livre, il s’agit du bouquin du Pape François sur le climat, « LaudatoSi ». Sur le mur en face, on aperçoit des jeunes avec le cardinal Philippe Ouédraogo au cours d’une visite. A côté, une affiche. Elle laisse entendre qu’une activité est prévue avec le cardinal comme parrain.
A l’’archevêché de Ouagadougou, l’on reconnait avoir reçu la visite des jeunes. Mais aucunement, il n’est au courant de ces activités. En plus, le cardinal n’en serait pas parrain comme veut le montrer l’affiche. Chose curieuse, le livre du pape François coûte 2 000 F CFA en librairie.
Rencontre dans la soirée avec les premiers responsables
- Le manager du groupe
Dans la matinée, il a été impossible de discuter avec un responsable de la société. Dans la soirée, nous y retournons. Un temps, on nous présente le coordonnateur, un monsieur de forte corpulence. Seulement, celui-ci ne maitrise pas tout le contour du projet. Il est incapable de nous renseigner sur l’année de création de la boite avec certitude. Acculé par nos petites questions, il nous oriente vers le « manager, un ressortissant d’un pays voisin ». Il s’appelle Samuel Fabrice Komlan Benyoh. Après une longue discussion, il finit par concéder. « En réalité, les personnes recrutées seront des commerciaux ». Elles seront chargées de trouver des clients, de mettre des clients et des entreprises en relation. Ces personnes seront payées sur la base des commissions. Parlant du livre, il dit vouloir intéresser les jeunes aux questions de santé et de climat. « La rencontre avec le cardinal était dans le but de pouvoir mobiliser les jeunes des paroisses et lutter efficacement contre le chômage » répond le manager.
« Le salaire de 500 000 F CFA est donc un leurre », nous avance un individu qui écoutait notre entretien. « C’est une arnaque », nous souffle-t-il. Difficile de ne pas y croire pour ces candidats au travail. Un d’entre eux sort son téléphone et ouvre le menu « calculatrice ». « Ce matin une fille a acheté le document. Le numéro (12h)reçu était à 1396. On pose l’opération 1396*3000. Ça nous donne 4 188 000 F CFA ». Le parking, lui affichait plus de 800 tickets au même moment. Avec 100 f comme frais de parking, cela vaut donc 80 000 F CFA. Une fortune pour une opération dont beaucoup commencent à douter.
Dimitri Ouédraogo (Stagiaire)
Lefaso.net
