Actualités :: Production ancestrale du fer : L’événement vécu à Dablo dans toute son (...)

Dimanche 16 mai 2005, dans le département de Dablo dans la province du Sanmatenga, on a vécu 50 ans en arrière ce jour-là. Enfants, jeunes, adultes, ils étaient des centaines à se regrouper au quartier Saabin de Dablo pour voir ce qu’ils n’ont jamais vu de toute leur existence : La production ancestrale du fer !

Initiative de l’association culturelle Passaté, cette activité avait pour objectif de faire revivre dans la préfecture de Dablo, un des pans les plus importants de la culture de cette région.

Dablo, département de la province du Sanmatenga est situé à 95 km de Kaya, chef-lieu de la province et à 195 km de Ouagadougou. L’histoire de ce département nous enseigne que la région était d’abord peuplée de Fulsés puis sont arrivés les Peulhs et les Mossés. Si la région a une tradition d’élevage du fait de la présence des Peulhs et Fulsés, les Mossés à leur arrivée ont apporté l’agriculture et en même temps, leur savoir-faire dans la production ancestrale du fer. C’est de ce savoir-faire que vient la particularité du département de Dablo. Ceux qui maîtrisent ce savoir-faire et qui en ont fait leur principale activité à Dablo sont les Bamogo.

Au Burkina Faso le patronyme Bamogo signifie une appartenance à la caste des forgerons. L’acquisition de ce savoir-faire est une chose qui s’inscrit dans une longue histoire. Razinga Bamogo qui est l’un des rares vieux de Dablo à détenir encore ce savoir-faire dit le détenir de son père qui l’a, à son tour, hérité de son grand-père et ainsi de suite. A l’image du vieux Razinga Bamogo, âgé aujourd’hui de 90 ans, ils ne sont qu’une dizaine de personnes à détenir encore ce savoir-faire à Dablo.

La colonisation avec ses contraintes et la concurrence du fer d’importation ont été à Dablo et comme partout au Burkina Faso et en Afrique à l’origine de l’abandon de la production traditionnelle du fer. Les recherches du professeur Jean-Baptiste Kiéthéga évoquent en effet que les derniers hauts fourneaux de production de fer au Burkina Faso se sont éteints après la Seconde Guerre mondiale. Avec la disparition progressive des détenteurs de la technique de production ancestrale du fer, la perpétuation de cette valeur culturelle est dans une situation critique.

Il était donc temps de faire revivre cette tradition afin que les jeunes générations puissent tirer leçon et s’approprier la technique. C’est fort de cette réalité que le vieux Razinga ainsi que les autres personnes qui maîtrisent encore cette technique ont décidé de s’investir pleinement dans cette activité. De ses 90 ans sonnés, le vieux Razinga dirigeait, à l’image d’un jeune, les opérations. Toujours robuste, on ne lui donnerait pas son âge.

5 à 6 heures pour fondre le fer

La fabrication du fer exige beaucoup d’efforts et de moyens. Il faut entre 5 à 6 heures pour transformer le minerai en fer. Mais, avant toute opération de production de fer, il faut demander la bénédiction des dieux et des ancêtres. La bénédiction acquise, on passe ensuite à l’étape de la construction du fourneau.

Le fourneau généralement construit à l’avance est fabriqué avec de l’argile mélangé à de la paille hachée. Il peut être soit aérien, semi-aérien ou souterrain. Pour cet exercice, c’est le fourneau semi-aérien qui a été construit. De forme cylindrique, il peut atteindre 1 à 1,5 m de hauteur. Après la fabrication du fourneau, l’opération de production du fer peut réellement commencer.

D’abord, on allume le feu avec deux pierres en silex frottées entre elles avec de la paille comme ça se faisait de manière authentique avant l’arrivée des allumettes et autres briquets. Le feu allumé, on bourre le fourneau au fur et à mesure de paille, l’objectif étant d’avoir un fond de cendre pour éviter que le fer, qui sera extrait, ne se colle à la terre. Lorsque le fond est jugé suffisant, on remplit le fourneau de charbon de bois.

Le fourneau à travers une ouverture au bas est alors connecté à deux grands soufflets préalablement préparés. Ces soufflets qui serviront à attiser le feu sont fabriqués à partir de deux pots recouverts de peaux. La technique du soufflet n’est pas seulement une affaire de "gros bras" bien que l’activité demande une grande énergie humaine.

C’est une technique qui nécessite la maîtrise du mouvement alterné des deux bras pour donner le maximum de puissance au souffle. C’est pour cette raison que le vieux Razinga lui-même s’est mis au devant des choses pour donner l’exemple. Après lui, viennent alors des plus jeunes que lui prendre le relais. Ponctué de chants, de blagues et de récitals de proverbes, la production du fer se déroule dans une ambiance de joie.

De temps en temps, les souffleurs prennent de l’énergie en buvant de la farine de mil diluée dans de l’eau apportée par les femmes. Après avoir brûlé une quantité importante de charbon de bois, on ajoute du fondant (sorte de catalyseur) puis au fur et à mesure du charbon et du minerai de fer. Plus le charbon se consume, plus on ajoute du minerai. Le minerai utilisé est extrait d’une colline située à quelque 100 m des lieux.

L’effet de chaleur à l’intérieur du fourneau peut atteindre alors 900°c voire mille dégrés. La température externe peut atteindre ainsi 60 à 70 dégrés et, en ce moment, seuls les forgerons peuvent s’approcher du fourneau. Le minerai épuisé, on continue toujours à ajouter du charbon. De temps en temps, on fait une ouverture au bas du fourneau pour extraire les résidus et voir en même temps si le fer coule. Après 5 à 6 heures de dur labeur, le fer se met enfin à couler.

Du fourneau à la forge : 4 à 5 dabas produites !

Après la production vient l’étape de la transformation. Une étape qui consiste à donner un caractère utile au fer produit. C’est à travers cette étape que seront fabriqués les objects qui serviront aux hommes pour leur nutrition et leur défense (dabas, pioches, flèches...). Du fourneau à la forge, le fer extrait sera travaillé jusqu’à l’obtention de l’objet désiré. Là, le fer est chauffé à pleine incandescence jusqu’à ce qu’il acquiert une certaine flexibilité.

A travers un martèlement soutenu sur ce fer rougi les forgerons vont travailler jusqu’à ce que le fer épouse la forme de l’objet désiré. A voir les forgerons travailler on a l’impression qu’ils n’ont pas peur du feu tellement ils le manipulent avec aisance et facilité. Toujours est-il que l’activité en tant que telle demande une grande énergie humaine et une technique particulière.

Avec la quantité de fer extraite on peut fabriquer 4 à 5 dabas. De nos jours, dépenser une aussi grande énergie pour parvenir à un tel maigre résultat revient à du gâchis, voire une perte sèche. L’intérêt économique de cette production ancestrale de fer n’est pas justifié de nos jours car avec la production industrielle, on obtient un fer de haute qualité plus facilement, plus rapidement et nettement moins coûteux. Mais, cela ne saurait justifier le désintérêt pour l’activité. Car, même si l’intérêt économique n’est plus justifié, l’intérêt culturel quant à lui demeure.

En effet, ce savoir qui est entrain de se disparaître témoigne de la richesse de notre tradition qui a fait la gloire de nos peuples. Il est donc nécessaire que cette page de notre histoire reste et demeure pour que les jeunes générations aient aussi la chance de découvrir ces richesses traditionnelles. C’est autour de ce dynamisme de perpétuer nos cultures et traditions que l’Association Passaté a été créée. "Passaté", terme de la langue mooré signifie "ne finira jamais".

Créée en 1991, l’association intervient surtout dans le domaine culturel et social. Il a à son actif l’organisation de plusieurs activités telles le célèbre festival Widbindé de Kaya. Cette activité de production de fer ancestrale à Dablo a été réalisée en collaboration avec l’Université de Ouagadougou à travers son département Histoire et Archéologie.

Près d’une trentaine d’étudiants ont fait le déplacement pour assister à la cérémonie. La délégation était conduite par le professeur Jean-Baptiste Kièthéga, archéologue au département et reconnu pour ses recherches dans la production de fer ancestral. Pour le président de l’Association Passaté M. Jacob Bamogo, "Nous ne devons pas laisser disparaître ce que nous avons reçu comme richesses de nos parents".

C’est pour cette raison qu’il ambitionne très prochainement en collaboration avec l’Université de Ouagadougou de réorganiser l’événement mais, cette fois-ci avec tous les forgerons des différentes régions du Burkina Faso. L’événement s’il a lieu sera de taille et permettra à chaque région, chaque culture de valoriser et de faire revivre ses traditions.

Antoine W. DABILGOU (email:negro1er@yahoo.fr)
Sidwaya

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