Actualités :: Fronde policière : Crever l’abcès

Le vendredi 18 février dernier, les policiers burkinabè étaient dans la rue, à Ouagadougou, non, comme il est parfois de coutume, pour disperser des manifestants ou réglementer la circulation, mais pour se faire entendre de leurs autorités de tutelle et prendre certainement à témoin l’opinion publique sur ce qu’ils appellent leurs mauvaises conditions matérielles.

De prime abord, il s’agirait donc de revendications essentiellement corporatistes qui n’auraient rien à voir avec une quelconque connivence avec des chapelles étrangères au corps.

Du reste, les policiers, pour lever toute équivoque, ont tenu à dessiner les contours de leurs revendications qui tournent autour de la non-application par le gouvernement, de sa promesse d’instaurer des indemnités de risques. D’autres problèmes tels que le paiement effectif des indemnités, les gardes, les affectations, les soins, les évacuations sanitaires, la formation et l’appui aux familles des policiers décédés (surtout en service commandé), sont venus se greffer à cette principale préoccupation.

Comme l’affirment les spécialistes des mouvements de foule, quand la rue remplace les mécanismes officiels de dialogue et de concertation, il y a assurément risques potentiels de dérapages. Dans le cas d’espèce, les policiers burkinabè, comme presque partout ailleurs, n’ont pas le droit de se constituer en syndicat, compte tenu de la spécificité de leur corps.

Cet interdit ne devrait cependant pas exclure le recours à d’autres canaux (même informels) de dialogue. Du reste, cela fait partie du fonctionnement normal de tout service. Bien au contraire, la spécificité de ce corps devrait inciter les responsables à traiter avec diligence les préoccupations de ceux qui veillent, parfois au péril de leur vie, sur la sécurité des citoyens.

Au Burkina, le métier de flic est loin d’être une sinécure, ne serait-ce que si l’on s’en tient uniquement au chapelet de problèmes soulevés par les hommes en kaki. Dans un contexte marqué par une insécurité galopante et une recrudescence du banditisme qui ont pratiquement transformé notre pays en un Far-west indescriptible, il est plus que jamais salutaire, pour toute la société, d’avoir une police psychologiquement, moralement et matériellement réhabilitée, inspirant confiance.

De toute évidence, le ras-le-bol des policiers semble être la conséquence d’un vieux contentieux qui aurait pu être réglé sans laxisme et sans calcul en son temps. Faute d’avoir crevé l’abcès à temps, les autorités, de manière délibérée ou non, semblent avoir adopté une attitude attentiste dans l’espoir, peut-être, que la résignation viendrait à bout de la détermination de ce corps et ferait baisser la tension.

Au-delà du cas des policiers, c’est une constante au Burkina. On a cette fâcheuse habitude de compter sur le découragement pour faire traîner des dossiers sensibles qui exigent un traitement rapide ou de les vider de leur vrai contenu en leur donnant une coloration politique.

Dans ce contexte, ce qui devrait logiquement être considéré comme un problème à connotation purement sociale est vite transporté sur le terrain subjectivement politique. En tout état de cause, il faudrait dépasser cette raideur administrative et juridique qui interdit au corps de la police de se regrouper en syndicat et s’armer de réalisme face à une situation qui peut porter les germes d’une explosion sociale.

On ne ferait pas l’injure aux policiers en disant qu’ils n’ignorent pas, de par leur statut, les limites et le devoir de réserve que leur impose la loi en matière d’organisation au sein de leur corps. Mais à trop vouloir serrer la vis, on a acculé les policiers à cracher sur la place publique la colère qu’ils avaient jusqu’à présent pu contenir dans leurs guérites.

Ne dit-on pas quand l’incubation est mauvaise, c’est que la couveuse est mauvaise ? Sans demander que l’on saute ce verrou juridique, dans un Etat de droit, des pistes de discussion existent, pour peu qu’on reconnaisse le bien-fondé de certaines revendications.

Et ce n’est pas faire un procès d’intention aux autorités que d’affirmer qu’il y a un malaise profond au sein de la police sur fond d’inégalités criardes et qui ne semblent pas les émouvoir. Toutes choses qui pourraient conduire les différents éléments de ce maillon sécuritaire de la Nation à adopter des attitudes négatives de repli sur eux-mêmes ou à glisser vers la tentation à la clandestinité avec toutes les conséquences qui pourraient en découler.

Ce ne sont certainement pas les moyens qui manquent à l’Etat pour faire face à des revendications qui, dans ce cas d’espèce, pourraient être qualifiées de domestiques. En tous les cas, la note à payer ne semble pas être si salée au regard des avantages qu’on pourrait récolter en matière d’éradication de l’insécurité.

Ce qui est sûr, les retombées de cette fameuse police de proximité à laquelle tiennent les autorités ne peuvent être bénéfiques et réellement ressenties avec une police aigrie, exposée à tous les risques, affichant partout son misérabilisme et percevant sa condition comme une tacite incitation à la débrouille, ce sanctuaire propice à la corruption et à tous les maux qui minent notre société. En définitive, si on n’y prend garde, ces garants de notre sécurité au quotidien risquent de se transformer en ripoux spécialistes des rackets, des trafics et des brutalités en tous genres.

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