Actualités :: Condamnation à mort de Saul Traoré : l’opinion est divisée

La chambre criminelle de Ouagadougou a, dans son délibéré du 17 février 2005, condamné Saul de Tarse Traoré à la peine de mort. Cela relancera sans nul doute le débat sur la peine capitale en vigueur dans notre pays. A travers ce micro-trottoir, les uns et les autres nous livrent leurs sentiments sur ce verdict rendu par la Chambre criminelle.

• Safi Ilboudo : Je me réjouis de la condamnation à mort de Saul de Tarse Traoré parce qu’il goûtera lui aussi à la mort. On ne doit pas le tuer en cachette, on doit l’exécuter devant un grand public. Ainsi, les autres bandits prendront peur. Pour moi, les autorités ne doivent même pas tarder à exécuter la sentence. On doit le tuer tout de suite. Même pour le repos de l’âme des victimes, il faut tuer Saul et tout de suite.

• Mme Bamouni Adeline : Saul a tué, mais lui appliquer la peine de mort ne va pas ressusciter les victimes. Je me demande si le tuer permettra de sauver d’autres âmes, de décourager les bandits. La vie est sacrée et ce serait un dérapage que de la lui prendre. La perpétuité aurait amplement fait l’affaire. Je n’ai jamais vu une fusillade de condamnés. Dans certains pays, ils sont conduits sur un terrain vague et exécutés en présence de la foule.

Même si on doit tuer Saul, je souhaite que ce ne soit pas tout de suite. On doit lui laisser le temps, l’opportunité d’approcher les familles de ses victimes et de se repentir. La condamnation même doit venir des familles endeuillées. Pour me résumer, je crois qu’on aurait dû lui appliquer la prison à vie car le tuer ne va pas résoudre le problème.

• Abbé Jean-Paul Barro : la condamnation de Saul n’est pas le problème ; le problème, c’est qu’on l’a condamné à mort. Il était normal qu’il paye d’une certaine façon pour les crimes qu’il a commis. La société doit se faire justice pour décourager les éventuels attentateurs à la vie des gens. Mais ce qui est absurde dans le cas de Saul, c’est que la société lui dit que c’est mal de tuer et elle décide dans le même temps de le tuer.

Alors j’ai comme l’impression que tuer est interdit à Saul et non à la société. Cela démontre clairement le côté absurde de cette peine qui devrait théoriquement aider Saul à comprendre que la vie est sacrée. Mais si on la lui prend, il n’aura jamais le temps de réaliser qu’elle est sacrée. Ça c’est la première chose. La seconde est fondamentalement liée au droit. Le droit existe pour la société. On dit que là où est la société, là est le droit.

Mais puisque la société est faite d’êtres vivants, le droit ne peut pas avoir des droits sur la vie des gens. Le droit doit réglementer la vie des gens, mais pas avoir des droits pour la faire exister ou la supprimer. Cela vaut tant pour les avortements que pour la peine de mort, qui peut être prononcée légalement. Ce sont pour moi des choses qui ne sont pas du ressort du droit lui-même parce qu’alors le droit devient censeur de la vie des hommes or il devrait être l’organisateur de la vie en société.

• Mlle Bertille Ki : D’emblée, je suis contre la peine de mort. C’est vrai que ce qu’il a fait n’est pas bien, mais on ne devrait pas le condamner à mort. En lui appliquant la peine de mort, on agit exactement comme Saul. On n’a pas le droit d’ôter la vie à quelqu’un. Pour ses crimes, Saul doit payer, mais pas de cette manière.

• Halidou Ouédraogo (président du MBDHP) :

Le mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) demande bien sûr le jugement des dossiers pendants, des dossiers criminels et met l’accent sur la nécessité d’un service public diligent, équitable, accessible, de la Justice par les justiciables. De ce point de vue nous saluons la tenue de ces assises criminelles.

La présente est assez intéressante, il y a de nombreuses affaires dont des dossiers particuliers. Nous allons suivre surtout le dossier Oumarou Clément Ouédraogo, parce qu’il fait partie des dossiers pendants programmés ; nous allons suivre aussi les autres dossiers des meurtriers et des assassins de jeunes filles, qui sont des actes qui ont troublé la quiétude de la population à un moment donné. L’exemple a semblé faire tâche d’huile, heureusement que quelques uns ont été arrêtés, mais d’autres courent toujours.

De ce point de vue, en liaison avec la montée du banditisme et l’adoption des lois Bassolé sur le terrorisme, une organisation comme le MBDHP devrait se prononcer là-dessus ; nous allons donner notre point de vue sur la question, et je vous remercie de me tendre votre micro pour que je me prononce sur quelques affaires de ces assises-là.

L’affaire Saul Traoré a été jugée, le tribunal a requis la peine de mort contre lui. Est-ce un verdict justifié ? Quel est votre sentiment ?

Mon sentiment est que la Cour a fait son travail et s’est référée à la loi et à l’article contenu dans notre Code pénal instituant même la peine de mort pour les actes criminels, les actes odieux. Mais il faut faire la part des choses. Le MBDHP note effectivement que l’acte de Saul Traoré est très grave. A plusieurs reprises, ce jeune homme-là, de sang-froid, selon les débats et selon les rumeurs corroborées aujourd’hui par des preuves, ce jeune homme a tué de sang-froid des jeunes comme lui et procédé à des prélèvements de sang. Ça, c’est quel monstre ? Comment cet enfant a-t-il été éduqué ? (Silence) C’est grave. Le MBDHP est contre la peine de mort, la peine capitale.

Depuis 1996 notre organisation s’est engagée sur cette voie pour exiger une justice indépendante, correcte parce que nous sommes persuadés que la peine de mort n’est pas dissuasive. La tendance actuelle dans le monde est à l’abolition. Mais nous prônons dans ce cas-là une peine exemplaire qui peut être par exemple celle de la perpétuité. S’il est vrai qu’il a été un moment souffrant, il sera rétabli ; il n’est même démontré qu’il était souffrant.

Aujourd’hui, il faut faire attention, les politiciens veulent des organes, des institutions veulent des organes ; il y a le trafic d’organes, il peut y avoir l’appât du gain. Il faut arrêter ça. Donc des peines exemplaires de la plus grande rigueur sans que ce ne soit la peine de mort. Quand vous êtes en prison pour 20 ans ou à perpétuité, vous y devenez un mort civil. Nous penchons plutôt pour ça. Voilà notre point de vue sur l’affaire Saul Traoré et notre point de vue sur la peine dont il écope consécutivement aux actes qu’il a posés.

L’autre dossier important à juger est celui d’Oumarou Clément Ouédraogo.

Depuis 1992 nous suivons l’affaire Oumarou Clément Ouédraogo. La nuit de son assassinat, notre défunt vice-président, Me Apiou Jean Marie a été appelé à constater sur les lieux de son assassinat, aux tricolores de l’hôtel indépendance et du ministère de l’Environnement et du cadre de vie, le crime qui venait d’être commis. Un cordon de militaires a entouré Oumarou Clément qui se vidait de son sang.

Contrairement à ce que vous avez écrit (cf. l’Observateur paalga n° 6335 du vendredi 18 février 2005), Oumarou Clément n’est pas mort sur place, il est mort à l’hôpital. Le rapport d’autopsie même montre qu’on aurait pu le sauver, mais des gens ont encerclé Oumarou Clément et il a été vidé de son sang et cela a rendu la reprise des soins très difficile. Ça, c’est le premier point.

Le deuxième point que nous soulignons est que le MBDHP a fait partie de la commission d’enquête, qui a fait son travail. Nous l’avons suivie, nous l’avons classée, vu comme un crime crapuleux, à connotation politique, puisqu’Oumarou Clément a été intercepté à Abidjan ; on lui a retiré les bulletins du parti, il préparait aussi les campagnes électorales, on l’a poursuivi jusqu’au Ghana, il est revenu et on a fini par l’avoir. Ça, on le sait.

Mais la question principale qui devrait être posée au procès, c’est qui a les moyens de manipuler des grenades de cette manière et de tuer de sang-froid dans la ville de Ouagadougou ? Qui en a les moyens ? C’est l’Etat qui en a les moyens. Sinon on ne comprend pas qu’on ait mis le pied sur l’affaire Oumarou Clément jusqu’aujourd’hui. C’est un crime d’Etat. Nous sommes prêts à témoigner si on nous appelle ; si le parquet nous appelle, nous allons témoigner et c’est notre devoir de témoigner. Nous attendons.

Le troisième point est que nous avons écrit au ministre de la Justice de l’époque, M. Yarga Larba, pour lui dire de publier le rapport de l’enquête sur l’assassinat d’Oumarou Clément ; il y a résisté et l’Etat n’a pas voulu ; cela a fait partie de nos revendications, jusqu’au jour où, de façon laconique et subreptice, on a sorti une note du ministère pour dire que le rapport est à disposition au ministère de la Justice. Les gens n’ont pas compris, sinon tout le monde s’intéressait à ce rapport, notamment l’ambassade du Danemark.

Pourquoi les autorités politiques du Burkina n’ont pas voulu publier le rapport de la commission d’enquête en son temps ? Une autre question, qui doit être posée aussi : pourquoi Yacouba Ouattara ? Pourquoi ? Est-ce que c’est un singleton ? On se rappelle le crime contre Norbert Zongo ; une seule personne ne peut pas commettre ce crime, ce sont deux motards qui l’ont commis. Ouattara était-il un de ces motards ? Le tribunal devrait poser également cette question.

Ensuite, il faudra élargir le champ d’investigation et voir autour de la garde présidentielle, comme d’habitude, parce que c’était une époque de braise, une époque où si tu faisais, on te faisait et il n’y avait rien. Il ne faut pas que le procès d’Oumarou Clément Ouédraogo se perde dans le sable. C’est pourquoi le MBDHP, le Collectif des organisations de masse et de partis politiques vont suivre attentivement ce qui se passe à la Cour criminelle de Ouagadougou.

Propos recueillis par - Agnan Kayorgo - H. Marie Ouédraogo - San Evariste Barro - Kader Traoré

Observateur Paalga

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