Actualités :: Epidémies : Interrompre en 2005 la circulation du polio virus (...)

Du 24 au 28 janvier 2005, la capitale du Burkina Faso a abrité la réunion statutaire annuelle des directeurs du Programme élargi de vaccination (PEV), bloc Afrique de l’Ouest de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Une réunion dont l’importance n’est plus à démontrer, tant le continent africain est en proie à des épidémies de toutes sortes. L’entretien que le docteur Mathieu Kamwa, conseiller sous-régional OMS pour l’Afrique de l’Ouest du Programme élargi de vaccination (PEV), nous a accordé aborde entre autres, l’état des lieux des épidémies en Afrique, le cas du Nigeria en ce qui concerne la lutte contre la poliomyélite etc.

Sidwaya (S) : Quel est l’objectif de la rencontre de Ouagadougou ?

Mathieu Kamwa (M.K.) : La rencontre a lieu dans le cadre d’une réunion statutaire annuelle qui doit permettre de faire le bilan de l’année précédente, de s’accorder sur les initiatives, les plans qui sont préparés pour l’année en cours. Près de 17 délégations sont venues à Ouagadougou pour cette réunion.

La réunion statutaire permet non seulement de se rencontrer, mais surtout de discuter de manière approfondie, de comparer, de rapprocher les efforts, les expériences réussies observées çà et là dans la sous-région. Elle permet ainsi aux participants de s’accorder sur des objectifs minimums. C’est presqu’une exception pour un programme de cette envergure que tous les hommes, tous les responsables se rencontrent.

Mais, autour de nous, il y a aussi les partenaires et il faut mettre l’accent sur leur contribution. Ce sont des partenaires qui nous aident en assistance technique ou financière pour conduire le programme. Il s’agit de l’OMS, de l’UNICEF, de l’USAID...

Aussi, dans le domaine de la santé publique, la vaccination occupe une place particulière. Elle est très demandée et l’intervention, le coût par rapport à la prise en charge d’un cas de maladie qui pourrait éclater par manque de vaccination est vraiment minime. De même, dans la sous-région et globalement en Afrique, nous avons un retard dans la protection de nos enfants pour de nombreuses maladies.

Dans beaucoup de pays, nous sommes encore à 6, 8 vaccins alors que dans les programmes des pays développés, on est en moyenne à 12, 14 vaccins. Pour certains de ces vaccins, les maladies ont une prévalence qui existe beaucoup plus chez nous que dans les pays du Nord.

D’où l’intérêt de se rencontrer, d’échanger, mais aussi de voir dans le futur, quels sont les nouveaux vaccins qui sont en train d’être utilisés, est-ce que nous pourrions nous aussi les utiliser etc. Parce que dans ce domaine, plus que dans d’autres, nous avons besoin d’avancer très vite.

S. : Quel est le bilan qui peut ressortir de cette rencontre ?

M.K. : C’est un bilan globalement satisfaisant. Malheureusement, des dualités existent entre les pays. C’est-à-dire qu’on a 3 types de pays. Il y a un petit nombre de pays qui sont en retrait et même en recul par rapport à leurs performances.

C’est notamment les pays qui sont en crise sociopolitique ou d’autres types de crise. Nous avons des pays intermédiaires qui n’ont pas fait de progrès significatifs au cours de l’année écoulée ou des deux dernières années. Mais, on est satisfait du nombre de pays qui ont des performances. Ce nombre est de plus en plus élevé et je me réjouis par exemple que le Burkina en 2 ans, soit passé de pays intermédiaire à un programme qui est solide et qui avance bien. Un pays qui fait des performances.

S. : Après plusieurs campagnes de vaccination contre la polio, quel est l’état des lieux dans la région Afrique ?

M.K. : Nous avons vécu en deux ans , une situation très difficile parce qu’en 2002, notre sous-région était pratiquement indemne de polio. Nous n’avions que le Nigeria et le Niger qui avaient encore une circulation résiduelle du polio virus sauvage. Pour des raisons multiples, des crises sociales ou politiques ayant fragilisé les systèmes nationaux de vaccination, les faiblesses dans notre système de surveillance ont fait en sorte que depuis le milieu de l’année 2003, on est en situation de régression parce que le polio virus sauvage a réenvahi un certain nombre de pays : le Togo, le Ghana, le Burkina, la Côte d’Ivoire etc. qui étaient indemnes. L’année dernière, des pays comme la Guinée ou le Mali qui étaient indemnes aussi, ont été de nouveau frappés. C’est un grand recul et nous devons faire comprendre que face à cela, il doit avoir une accélération de nos efforts à faire en sorte que les échéances soient respectées. C’est ainsi que pour 2005 qui devait être la fin des opérations de vaccination de masse pour la majorité des pays, on doit tout faire pour que la circulation du polio virus sauvage soit interrompue.

Comme cela, on va continuer avec la surveillance jusqu’à la certification de l’éradication. Des pays comme le Nigeria qui avaient suspendu dans certaines parties de leur territoire les opérations de vaccination comme dans la ville de Kano ont repris la vaccination depuis 6 à 7 mois et les choses vont vite et bien.

Je crois que cela est très rassurant. Tout va être fait pour interrompre dans la majorité des pays, cette année, l’évolution du polio virus sauvage et nous pensons que nous sommes sur la bonne voie s’il n’y a pas d’autres situations de crise qui viennent encore retarder notre élan. Les pays, les délégués sont vraiment engagés à accélérer la marche.

S. : On sait que le Nigeria est le pays le plus frappé par le polio virus sauvage dans la sous-région avec plus de 70 cas. Certes, il a annoncé la reprise de la vaccination, mais peut-on croire vraiment en la bonne foi des autorités nigérianes cette fois-ci ?

M.K. : Certains d’entre nous ont fait le déplacement au Nigeria et les choses ont effectivement repris. Si au mois de juillet, après l’interruption, la reprise a été timide, les campagnes conduites à la fin de l’année dernière ont été d’excellente qualité. Globalement, il est important de le dire, que chaque année, des millions d’enfants échappent à la vaccination. C’est justement ce nombre élevé d’enfants qui entretient la polio puisqu’ils ne sont pas protégés. Sinon, les efforts faits au Nigeria ces derniers mois sont très appréciables et on l’a dit aux autres, que s’ils n’accéléraient pas la marche très rapidement, peut-être que le Nigeria serait même le premier à interrompre la circulation du polio virus sauvage au vu de la mobilisation qu’on observe dans ce pays.

S. : Qu’en est-il des autres épidémies comme la méningite, la rougeole ?

M.K. : Rien n’est laissé de côté. L’année dernière, on a prévu une grande campagne de vaccination contre la rougeole dans 5 pays dont le Burkina. On a pu la conduire dans 4 pays. La Côte d’Ivoire pour des raisons de troubles sociopolitiques n’a pas participé à la campagne qui était prévue au mois de décembre. Le Burkina, le Togo, le Mali et le Niger ont participé et ont eu des résultats très remarquables.

Nous savons que la rougeole est la "grande tueuse" d’enfants dans notre sous-région Mais on peut prendre l’exemple du Togo, qui est allé au-delà de la rougeole en intégrant la distribution des moustiquaires imprégnées qui sont utilisées pour la prévention contre le paludisme.

Pour le problème de la méningite qui frappe de manière récurrente chaque année, notamment à partir des mois de janvier, février, le vaccin ne confère pas la même durée de protection, et le germe varie d’une année à une autre. Donc, la règle est qu’on attend l’entrée dans la saison pour constater le germe en circulation. C’est en ce moment qu’on vaccine.

Autre cas spécifique de la méningite, c’est qu’il faut associer la prise en charge des malades en les soignant de manière adéquate pour réduire la mortalité. Sinon, le vaccin est prévu et disponible. Au niveau sous-régional, il y a un stock.

Au niveau mondial, si on a une souche très compliquée, ce vaccin est gardé au siège de l’OMS. Mais pour les souches courantes en Afrique, les vaccins existent dans le pays.

S. : Mais comment comptez-vous amener les pays à renforcer leurs capacités afin d’éviter les cycles d’épidémie et quelle doit être la contribution de l’OMS ?

M.K. : C’est un effort gigantesque. C’est la part de chacun qui doit être mise à contribution pour faire avancer les choses. L’OMS est présente. Elle appartient aux Etats, elle est là en permanence. Les autres partenaires doivent contribuer également. Mais qui doit tenir le flambeau ? Ce sont les pays et ils doivent s’y engager de manière permanente.

Nous devons être mieux organisés au niveau des pays pour faire face à cela avec l’appui bien entendu des différents partenaires. Mais souvent, la lutte contre les épidémies est perçue comme l’intervention de l’autre, le problème de l’autre. Cela fait que parfois, on a beaucoup de retards à nous mettre en marche, on n’a pas toujours les ressources à utiliser pour la campagne ou pour les interventions. J’aime bien le rappeler, quand nous disons, "campagne", c’est un terme militaire qui signifie mobilisation de tout le monde. Quand on a une épidémie au Mali ou au Burkina, cela ne doit plus être considéré comme l’affaire du ministère de la Santé ; elle ne doit pas être l’affaire du gouvernement seulement. C’est tout le pays qui est concerné. Cela s’observe dans nos pays, mais c’est encore timide. En situation exceptionnelle, il faut une mobilisation exceptionnelle. C’est ce à quoi nous convions les Etats, que ce soit pour la polio, la méningite, le paludisme, la rougeole...

S. : La date butoir pour l’éradication de la polio est 2005. En cas de résistance, quelles seront vos dispositions ?

M.K. : La première étape est qu’il faut arrêter la circulation du polio virus sauvage. Ainsi, nous allons renforcer la surveillance pendant 3 ans pour qu’en 2008, nous puissions certifier que la maladie n’existe plus. Mais on est prudent parce que dans notre sous-région, il y a 2 pays endémiques qui au cours des 10 dernières années, ont toujours eu des épidémies localisées ou étendues de poliomyélite. C’est le Niger et le Nigeria. Mais pour les autres pays, il n’y a pas de raison de s’inquiéter puisque la plupart ont simplement connu une réimportation, une réinfection parce que la protection des enfants n’était pas bonne ; la couverture vaccinale de routine n’était pas bonne. Si les enfants avaient été bien couverts, le virus sauvage ne devrait plus revenir en Afrique de l’Ouest. Pour ces deux pays endémiques, on se donne une marge jusqu’au milieu de l’année prochaine pour interrompre la circulation. Mais pour tous les autres pays, c’est une mobilisation générale que nous devons engager dès à présent pour interrompre la circulation du polio virus sauvage, cette année.

Entretien réalisé par Charles OUEDRAOGO et Antoine DABILGOU
Sidwaya

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