Actualités :: Insécurité à Ouaga : Wogodogo (secteur 19) sur le qui-vive

12 décembre 2004. M. O. organisait le baptême de son enfant, né une semaine plutôt. La veille, ses amis et connaissances ont commencé les préparatifs de l’événement.

Pendant que certains s’affairaient à rendre les lieux propres, d’autres, les femmes, étaient autour des marmites pour en sortir un riz gras digne de ce nom, sur lequel elles comptaient déposer des morceaux de viande attractifs. Tard dans la nuit, ou très tôt le matin, presque tout était prêt. Certaines femmes demandent à rentrer pour se préparer et revenir.

Agression et viol

Issa faussa compagnie à ses amis qui "sifflaient" du thé en commentant le discours que le chef de l’Etat venait de livrer à l’occasion du 11 décembre. Il se devait de raccompagner sa copine chez ses parents, dont la maison se trouvait à 300 m environ du lieu du baptême.

A 50 m environ de chez la fille, précisément à l’emplacement de l’ancienne SMI du secteur 19 (qui fait face à l’hippodrome), 2 personnes sur une mobylette P50 Junior s’arrêtent à leur niveau pour demander le nom du quartier. Issa n’eut pas le temps de répondre à la question. Il devina que le monsieur qui était remorqué avait l’intention de le poignarder. Il put attraper le couteau non sans se blesser aux doigts.

L’autre agresseur mit la mobylette sur les béquilles et sortit un pistolet qu’il pointa sur Adissa. Tout geste est interdit. Les tourtereaux sont gentiment conduits dans l’enceinte de l’hippodrome, très loin d’éventuels empêcheurs "d’opérer en rond".

Dans l’hippodrome, Issa fut contraint de se déshabiller. Il se vit délester de son téléphone portable, de la somme de 37 000 F et de ses pièces d’identité. Puis il entendit ceci de l’homme au poignard : "Tu attends ici, nous allons partir avec la fille et elle reviendra avec tes habits".

Ceci dit, l’homme au poignard se dirigea plus en profondeur (côté Sud) de l’hippodrome avec Adissa. Ils quittèrent même l’hippodrome, traversèrent les rails et entrèrent dans le Camp de l’Unité. Là, ce que Adissa craignait arriva : le viol. Et pire, sans protection.

Entre-temps, l’homme au pistolet, qui tenait Issa en respect, démarra la mobylette et partit. Issa comprit qu’il était libéré. Il se rappela que dans l’équipe de football où il évolue, il est l’un de ceux qu’on respecte tant en course de fond que de vitesse.

Le temps de compter jusqu’à 3, le voici devant ceux qu’il avait quittés il y a une quarantaine de minutes, toujours autour du thé : nu et essoufflé. Un léger briefing de la situation suffit pour que tout le monde sache que quelque chose de grave venait de se produire à quelques mètres de chez eux.

La battue qu’ils organisèrent fut infructueuse. Heureusement, quelque temps après, on vit Adissa revenir et raconter ce qui s’était passé dans le camp militaire de Gounghin.

L’autodéfense

En attendant l’arrivée de l’imam pour le baptême, l’agression de Daouda et d’Adissa était le seul sujet de conversation. A travers les descriptions d’Issa, de sérieux soupçons pesèrent sur Noufou.

Ce dernier habite la même cour qu’Emile Rigoule. Les deux hommes sont connus dans les quartiers Wogodogo et Nonsin comme de grands voleurs et des bandits. Ils sont les rescapés d’une bande jadis composée de grands noms tel Daouda.

Depuis les années 80, on a vu à plusieurs reprises des policiers et des gendarmes débarquer dans leur cour pour les arrêter. Trois jours plus tard, ils revenaient comme si rien ne s’était passé.

Curieusement, on ne vit pas Noufou entrer et sortir de chez lui ces journées des 12, 13 et 14. C’est le 16 décembre qu’il fut enfin aperçu. Les jeunes se rassemblèrent pour aller, disent-ils, "savoir s’il est pour quelque chose dans l’agression du 12 décembre". Noufou était en train de se laver quand il vit le monde venir dans leur cour. La porte de celle-ci était déjà coincée.

Il tenta de s’enfuir en escaladant le mur du voisin, mitoyen à la douche. Ce serait à ce moment qu’il fut cueilli. Plus de dialogue, mais plutôt des coups de toutes sortes. Entre-temps un policier intervint et les coups cessèrent. Issa, l’agressé, conduisit lui-même Noufou au commissariat de Signoghin.

Quatre policiers vinrent sur les lieux à bord d’une fourgonnette pour une perquisition. Ils cueillirent Emile Rigoule, qui s’était discrètement enfermé dans une des maison de la cour. Ils repartirent, selon des témoins, avec des vélos, des mobylettes, une bouteille de gaz, une batterie, 2 gros sacs contenant des objets divers.

Dans la foulée, un jeune homme reconnut la P50 de son papa. Bref, il a fallu deux aller-retour pour ramasser le butin. Au dernier passage, les policiers invitèrent les jeunes à venir au commissariat de Signoghin pour des dépositions.

"Le monde à l’envers"

Le vendredi 17 décembre, cinq jeunes du secteur 19 se rendirent au commissariat. Seulement, en lieu et place de leur déposition, ils auraient entendu des propos du genre : "C’est vous les casseurs de maisons ; vous allez rester ici".

Las d’attendre leur retour, 2 autres jeunes furent envoyés aux nouvelles. Ils connaîtront le même sort, c’est-à-dire la prison.

Un semblant de rassemblement fut sonné. Deux vieux furent à leurs tour priés d’aller voir ce qui se passe. Ce sont eux qui reviendront avec l’information. On a décidé de les garder pour le week-end. Dans la nuit, on apprit la libération d’Emile Rigoule.

Au quartier, on n’en revenait pas ; c’est "le monde à l’envers, criait-on. On libère les bandits, on enferme les citoyens honnêtes. Prochainement on sait ce qu’on va faire des voleurs et des bandits".

Grâce à l’intervention des notables, notamment du Wogodogo Naaba, il n’y eut pas de marche sur le commissariat de Signoghin qui, entre temps, avait transféré les 7 jeunes de Wogodogo au commissariat central de police de Ouagadougou. Ils ont été libérés le mardi 21 décembre au soir, soit après plus de 100 heures de garde à vue. Ils auraient été traités de tous les noms ; mais pas maltraités physiquement.

En rire ou en pleurer ?

Hier, c’est un "voleur" qu’on a pris et brûlé à Pissy. Aujourd’hui à Wogodogo, on se dit prêt à éviter désormais le commissariat si jamais un voleur se laissait prendre.

Que se passe-t-il ?

En principe, dans un Etat de droit, nul n’a le droit de faire justice à la place de la justice. Cependant, ne faudrait-il pas que les acteurs de cette justice se fassent comprendre ?

Pourquoi arrêtons-nous aujourd’hui, pour les libérer demain, des gens connus et reconnus comme des bandits ?
Pourquoi enfermer des gens qui se croyaient victimes, sans la moindre explication ?

En ce qui concerne le secteur 19, pourquoi ne pas détruire ce "no man’s land" adossé au barrage, connu comme étant un nid de drogue, de bandits ?

Pourquoi y a-t-il cette sorte de couvre-feu aux alentours de l’école "La voie du Succès" dès la nuit tombée ? Là-bas, en plus des gens drogués qui agressent les passants, la prostitution est pratiquée 24 heures/24. On peut s’en faire une idée en allant faire un tour sur la rue Silmiga Kieglega.

Bilgo Rasmata
L’Observateur

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