Actualités :: Enseignants du MEBA : "C’est carrément la déchéance"

Le samedi 18 décembre 2004, sur toute l’étendue du territoire national, des syndicalistes de tous bords ont effectué une marche de protestation contre la flambée des prix des produits de grande consommation.

A travers l’interview ci-dessous, Essimayila Bakouan, secrétaire à l’organisation et à l’information du bureau national du SYNATEB, en poste à Ouahigouya, donne son appréciation de la marche. Il évoque aussi ce qui semble être le plus préoccupant pour son syndicat, à savoir les conditions de vie et de travail des enseignants et les conférences pédagogiques.

Le Pays : Quelle appréciation faites-vous de la marche du samedi 18 décembre en tant que militant du SYNATEB ?

Essimayila Bakouan : Nous sommes sortis nombreux à la marche du 18, suite à l’appel de nos différents syndicats. Il s’agissait principalement de dire non à la vie chère, consécutive au doping du prix des hydrocarbures et des produits de première nécessité. Evidemment, en tant que militant du SYNATEB nous vivons doublement cette asphyxie des consommateurs. Les conditions de vie et de travail de l’enseignant se sont beaucoup dégradées ces dernières années.

Pouvez-vous nous dire en quoi exactement les conditions de vie et de travail de l’enseignant se sont dégradées ?

La précarité de nos conditions de vie et de travail se pose avec acuité. Nous prenons à témoin le coût insoutenable de la vie, la déréglementation et la profanation de la fonction enseignante, notamment à travers des recrutement hors-la-loi d’enseignants sans statut. Du reste, la misère doublée de persécution a fait qu’il ne reste plus grand-chose de la vocation et de la conscience professionnelle de l’enseignant.

Et si on y ajoute le blocage des avancements, les problèmes de logement, de classes-paillotes ou sous karité, les multigrades, les effectifs pléthoriques, le manque de matériel didactique et autres, c’est carrément la déchéance. Pourtant, la démission face à ce péril n’est pas la solution. Le SYNATEB a conscience de cette situation et de son rôle à jouer. Il faut une résurrection véritable de l’éducateur. Il ne doit pas être piétiné par les dirigeants politiques, qu’il a du reste forgés.

Pensez-vous pouvoir changer les choses ?

Bien sûr. L’enjeu est grand ; il faut donner une chance à l’école burkinabè de grandir pour aider à résoudre l’équation du développement. Au niveau du SYNATEB, nous partons en guerre, au plan national comme local, contre les moeurs de malgouvernance au MEBA (ministère de l’Enseignement de base et de l’alphabétisation, ndlr). Cela a l’avantage de raisonner la hiérarchie et ses valets et d’instruire les jeunes enseignants aujourd’hui victimes mais futurs chefs de circonscription, directeurs régionaux et provinciaux de l’enseignement de base, de ne pas perpétuer la descente aux enfers de l’école burkinabè. Nous en avons les moyens et nous allons les déployer pour la cause.

Quels moyens comptez-vous utiliser ?

C’est une sorte de résurrection que nous allons opérer. Il y a cette pensée qui dit que "partout où les gens cessent d’accepter leurs conditions misérables comme une fatalité, il y a résurrection".
Les moyens, nous en utilisons beaucoup déjà : les grèves, les sit-in, les dénonciations, les négociations et autres. En ce qui concerne particulièrement les conférences pédagogiques non prises en charge, c’est tout simplement le boycott.

Pouvez-vous être un peu plus clair ?

Il y a une moquerie. D’abord un silence-mépris puis la moquerie. Nous pensons aux 2500 FCFA par personne pour les huit groupes d’animation pédagogique. Nous estimons que le MEBA se moque de nous, notamment dans l’examen des doléances endémiques des enseignants, nous pensons qu’une telle interpellation de nos autorités sur les conditions indicibles dans lesquelles se mènent ces séances de travail est plus que nécessaire.

Tous conviennent que dans la pratique, les insuffisances liées à ces genres de formation sans répit sont manifestes. Le programme est généralement contracté, le contenu traité superficiellement et expéditivement, à telle enseigne que les collègues retournent perpétuer les mêmes tâtonnements pédagogiques qu’avant la formation. Combien de conférences pédagogiques y a-t-il eu sur le plan de l’amélioration ? Dieu seul sait comment nous gérons sa mise en oeuvre dans nos écoles et classes. Les encadreurs aussi le savent.

Tout compte fait, le boycott est la réplique courageuse et responsable. Malgré tout, nous savons qu’il y aura des esprits obtus et rétros qui nous en voudraient de refuser de nous former pour nous-mêmes, ne pas faire prévaloir la conscience professionnelle, le sens du sacrifice et patati, patata...
Ils ont profané la condition du noble éducateur, il ne leur reste plus qu’à faire voter une loi interdisant les prises en charge des formations comme consécration de leur nuisance. Si c’est le sacerdoce qu’ils invoquent, nous voyons comment les prêtres vivent le leur.

Quels sont vos rapports avec les autorités locales du MEBA ?

Ce sont des interlocuteurs, à quelques exceptions près, pleins d’humilité, à l’écoute de leurs subordonnés. Somme toute, beaucoup de choses restent perfectibles dans le sens de l’amélioration de nos rapports de collaboration débarrassée de toute exclusion. Dans un contexte de développement participatif, nous ne comprenons toujours pas pourquoi réellement la direction de l’Enseignement de base ferme les portes du Conseil de direction aux syndicats. Si nous participons à la CASEM (Conférence annuelle du secteur ministériel, ndlr) pour partager avec les autres partenaires, les problèmes du monde éducatif, la tribune régionale nous est refusée. Du coup, la gestion partenariale de nos préoccupations devient problématique.

Propos recueillis par Lassina SANOU
Le Pays

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