Actualités :: Diocèse de Dori : une Eglise dans le Sahel

Lointaine bourgade avec ses rues sablonneuses, Dori est située à 270 kilomètres de Ouagadougou sur la nationale N°3. Ancienne capitale de l’empire peulh du « Liptako », qui signifie en fulfuldé « Ceux qu’on ne peut terrasser », cette ville islamique se présentait comme une forteresse imprenable, religieusement s’entend.

Les missionnaires catholiques en savent quelque chose, eux qui, depuis 1961, date de la création de la paroisse de Dori, n’y ont enregistré aucune conversion d’un autochtone au catholicisme. Pourtant, c’est sur cette terre que le pape Jean-Paul II a décidé, le 20 novembre 2004, d’ériger le 13e diocèse du Burkina, avec pour premier évêque Mgr Joachim Ouédraogo.

Cette décision papale d’importance, pour le moins singulière, est intervenue à une semaine de l’Avent, cette période qui prépare les catholiques à la venue du Christ. Comment fête-t-on justement Noël dans cette vieille terre d’islam ? ; en d’autres termes comment vit une Eglise aux portes du désert ? C’est ce que nos envoyés spéciaux, San Evariste Barro et Issa K. Barry ont voulu savoir en séjournant les 17, 18, 19 et 20 décembre dernier dans ce désormais siège épiscopal qu’est devenu Dori.

Dori. Samedi 18 décembre 2004. Il est un peu plus de 18 heures. Cà et là les muezzins des différentes mosquées disséminées à travers la ville appellent les fidèles d’Allah à la prière du maghreb (coucher du soleil). Les retardataires, chapelet en main, drapés dans des boubous blancs et coiffés de bonnets, se dépêchent d’arriver à la missiri (mosquée). A ces appels des muezzins, relayés par de hauts parleurs, se mêlent de façon diffuse, comme étouffée, les chants d’une chorale chrétienne.

Au fur et à mesure qu’on avance vers le lieu des chants, les mélodies deviennent plus distinctes et les paroles plus précises : « Peuple qui marche dans la longue nuit, le jour va bientôt se lever, peuple qui cherche le chemin de vie, Dieu lui-même vient vous sauver.... ». C’est un chant de l’Avent, le temps d’attente de la venue du Christ. Comment ne pas s’être frappé par cette présence d’église, qui jure avec tous les stéréotypes dont notre imaginaire est abreuvé ! Dori terre d’élevage, Dori terre d’islam. Quand on évoque cette ville, ce qui vient à l’esprit après l’élevage et l’hostilité du climat, c’est la dominance quasi universelle de l’islam.

Ces airs de la chorale se mêlant aux appels des muezzins avaient donc quelque chose d’insolite en cette contrée où pour beaucoup de gens, les autres confessions n’existent pas ou du moins se pratiquent presqu’en cachette. Mais ne voilà-t-il pas que ces choristes en pleine répétition dans ce crépuscule sahélien nous apportaient comme un joyeux démenti de tant d’idées reçues ? Mieux, cette conception qu’on a de cette ville essentiellement vouée à l’islam est aussi battue en brèche avec l’érection, depuis Rome, d’un diocèse dans le Sahel burkinabè avec Dori pour siège épiscopal.

En effet, c’est le 20 novembre 2004 que le pape Jean-Paul II a annoncé la création de ce nouveau centre épiscopal, qui porte ainsi à 13 les diocèses dans notre pays. Des chrétiens catholiques, la ville de Dori en compte depuis la période coloniale. Mais c’est en 1961 que la paroisse Sainte-Anne a été créée et confiée aux Pères Rédemptoristes, qui ont évangélisé Fada dont dépendait jusque-là Dori.

Suite à la mort du Père Lucien Bidaud dans le désert en 1987, la paroisse va rester sans prêtre jusqu’en 1989. Durant cette période, les chrétiens vont s’organiser pour gérer la situation et vivre leur foi. En 1989, c’est à la demande de la conférence épiscopale Burkina-Niger que les Pères missionnaires d’Afrique, autrefois Pères Blancs, vont prendre en charge la paroisse, qui couvre tout le territoire de la province du Séno. Elle compte six succursales à raison d’une par département de la province.

Le presbyterium compte aujourd’hui trois prêtres : les Pères Jean Bipendo, Gabriele Parazzo, Juvénal Sibomana et un stagiaire, Raphaël Ntengu. Ils sont tous ressortissants de la République Démocratique du Congo sauf le Père Gabriele Parazzo, qui est Italien. Qui sont donc ces chrétiens de Dori ? A l’image de l’équipe sacerdotale, composée « d’étrangers », de « missionnaires », les fidèles catholiques sont, selon le Père Jean Bipendo, curé de la paroisse, « essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, des fonctionnaires en mission ». C’est dire qu’il n’y a aucun chrétien autochtone.

Pour preuve, « depuis 1989, cela fait 15 ans, on n’a baptisé aucun Peulh, aucun Rimaebé, aucun Bella, aucun Touareg ». La raison en est que Dori est une terre d’islam, nous a avoué le grand Imam de Dori, Nassouri Cissé, qui explique cette situation par le fait que l’islam a précédé le christianisme dans cette région. Pour sa part le curé constate que « même s’il n’y a pas de baptisé autochtone, la mission, elle, est reconnue.

Nous sommes une présence d’Eglise au sein de cette grande population musulmane. Nous ne sommes pas là pour forcer les gens. Nous sommes là pour que l’Eglise soit présente. Que dans un témoignage de vie, les gens se convertissent ». En tout cas, à la messe dominicale célébrée par le Père Gabriele Parazzo le 19 décembre, il n’y avait aucun autochtone. Les fidèles catholiques que nous avons pu rencontrer après l’office ont confirmé être des fonctionnaires affectés là par l’Etat. C’est tout de même curieux qu’après de si longues années de présence chrétienne, les choses en soient toujours ainsi.

N’est-ce pas alors un échec pastoral ? Le Père Bipendo est catégorique : il n’y a pas d’échec puisqu’en matière de spiritualité, on ne peut pas mesurer. « Ce n’est pas nous qui opérons la conversion, c’est l’Esprit Saint. On évangélise et on fait confiance à l’œuvre de l’Esprit Saint. Un jour ou l’autre, si un Peulh veut s’ouvrir à l’évangile, il le fera. Notre travail consiste à rendre davantage missionnaires les petites communautés chrétiennes, car plus ces communautés seront missionnaires, plus le Christ sera connu ». Les Peulhs sont-ils alors aussi réfractaires à l’évangile que la situation de Dori le laisse croire ?

Que non puisqu’ailleurs, on en rencontre de chrétiens, à Bobo-Dioulasso, à Ouagadougou, à Dédougou et dans bien d’autres localités de notre pays. Alors que se passe-t-il à Dori ? Le curé de la paroisse fait remarquer en substance que dans les zones précitées, la communauté peulh n’est pas majoritaire si bien que certains d’entre eux peuvent prendre des libertés sans trop de pression sociale. Alors qu’à Dori, la communauté est très forte et l’islam est devenu un fait de société.

A cause de cela, les jeunes ne peuvent facilement y renoncer. Le seul catéchiste titulaire, Marcel Zoungrana, que nous avons rencontré, nous a affirmé qu’il y a des fois où des enfants musulmans sont venus au catéchisme, mais ça n’a jamais été pour longtemps. Dès que les parents sont au courant, ils leur interdisent les environs même de l’église. C’est dire que la pression sociale est telle que les nouvelles générations ne peuvent quitter la voie d’Allah, « même si on sent que certains veulent venir voir chez les chrétiens ».

Il faut aussi noter que l’organisation de la société peulh à Dori est telle qu’elle génère une cohésion structurelle et que les événements sociaux (mariages, baptêmes, funérailles, etc.) sont réglementés par l’islam. Dans ces conditions, il est difficile pour un individu de prendre la liberté d’être chrétien, c’est-à-dire de « se perdre », selon leur expression, tout en étant à Dori.

Et ce n’est pas ce jeune peulh qui soutiendra le contraire, lui qui, parce qu’il avait commencé à s’intéresser au christianisme, a failli redevenir célibataire : on menaçait en effet de lui retirer sa femme. Sa communauté lui a tenu à peu près ce langage : « si toi tu veux te perdre (ndlr : devenir chrétien), il ne faut pas perdre ta femme et tes enfants ».

Maintenant que les bœufs et les porcs boivent la même eau...

La communauté a toujours donc un poids social et il est pour l’instant impensable qu’un quidam brave les pesanteurs pour changer de religion. Pour sa part, le curé Bipendo mise sur le temps : « Ce n’est pas un problème, nous disons qu’avec le temps, les choses vont changer ». Ce n’est pas autre chose que le grand imam dit lorsqu’à la question de savoir ce qu’il adviendrait si un Peulh se convertissait au christianisme, il lâche : « Il n’y a pas de problème. La vie a changé. Les temps changent. Si un Peulh se convertit, on ne va pas le gronder, on ne va pas l’insulter ». Signes des temps qui changent ?

En effet, il y a longtemps qu’on en perçoit les prémisses à Dori. La preuve, nous a dit le haut-commissaire de la province, Halidou Ouédraogo, « avant, on n’élevait pas les porcs ici et on n’en consommait pas la chair. Aujourd’hui, on rencontre ces animaux partout dans la ville ». D’ailleurs on trouve le porc au four devant les bars et autres maquis, qui, soi dit en passant, ne désemplissent pas. L’évêque de Fada, Mgr Paul Ouédraogo, nous a même fait remarquer que dans le temps, « on tuait les porcs, que les chrétiens élevaient. C’est dire qu’il y avait une certaine agressivité ».

Heureusement que les choses ont positivement évolué et aujourd’hui il y a une tolérance qui est visible sur le terrain, car « les bœufs et les porcs boivent ensemble dans les mêmes marigots et autres retenues d’eau et il n’y a pas de problème ». Tout cela a sans doute été possible grâce au travail que fait l’Union fraternelle des croyants (UFC). Fondée par le Père Lucien Bidaud, l’UFC est, selon le curé, « un instrument de pastorale islamo-chrétienne très fort.

On vit ensemble, on prie ensemble, à l’occasion de Noël, Pâques, du Ramadan et de la Tabaski, on se rend visite. Les responsables des deux confessions roulent ensemble dans la même voiture pour des visites familiales ». L’imam Cissé non plus ne tarit pas d’éloges pour cette structure. Le moins que l’on puisse dire est que l’UFC a bonne presse à Dori. Malheureusement, lors de notre passage, ses responsables étaient en réunion à Gorom-Gorom si bien que nous n’avons pas pu en savoir davantage sur ce bel exemple de fraternité intercommunautaire.

Quatre baptêmes à Noël

Dans cet océan musulman, les chrétiens catholiques, qui sont près de 500 dans la ville et 1050 dans toute la province, ne vivent pas moins leur foi au rythme du calendrier liturgique. Ainsi, c’est une communauté chrétienne en plein dans les préparatifs de la fête de Noël que nous avons rencontrée. Bien sûr, rien à voir avec l’ambiance fiévreuse qui se constate dans les villes de Ouaga, Bobo, Koupèla ou Toussiana. Qu’à cela ne tienne, on marque le coup comme on dit. La construction des crèches est encouragée et dopée par un concours qui prime les meilleurs. Ainsi, devant la cour des familles chrétiennes, des doigts experts des enfants sortent des crèches de belle facture qui rayonnent dans la rue. « Ces crèches sont, selon le Père Jean Bipendo, un signe visible qui indique que c’est Noël ».

En outre les jeunes décorent l’église avec des guirlandes, « on fait des lumières, on sonne le gloria, dans l’église il y a une grande crèche éclairée, il y a les danses et les ballets que les enfants organisent. Tout cela ne passe pas inaperçu ». Pendant ce Noël, quatre enfants recevront le baptême. La chorale Notre Dame du Sahel, elle, intensifie les répétitions pour que les chants soient impeccables à l’occasion pour porter dans la ferveur l’assemblée en prière. Saint Augustin ne dit-il pas que « chanter, c’est prier deux fois » ?

Si dans les grandes villes du Burkina, on constate que Noël est en passe de devenir une fête qui va au-delà du religieux pour tendre vers le profane, la tendance étant que cette fête est celle de « tous les enfants », à Dori, ce n’est pas encore le cas. Bien sûr les chrétiens apportent des plats à leurs voisins (musulmans) comme cela se passe partout. Mais les parents musulmans ne font pas de cadeaux à leurs enfants sous prétexte que c’est Noël.

L’érection en diocèse, un projet mûri

C’est pourtant cette terre d’islam que les autorités de l’Eglise romaine ont choisie comme siège épiscopal du tout nouveau diocèse, le diocèse de Dori, avec pour premier évêque Mgr Joachim Ouédraogo. Si l’annonce vaticane du 20 novembre 2004 a surpris bon nombre de fidèles, il faut cependant dire que cette décision papale n’a pas été un fait du hasard. En effet, l’évêque de Fada, Mgr Paul Ouédraogo, et le curé de Dori, ont tous deux soutenu que le projet de diocèse date de 1998-1999. Il est l’œuvre des rencontres interdiocèses pour la pastorale dans le Sahel.

Les diocèses de Fada et de Ouahigouya, qui couvraient les zones sahéliennes, voulaient une pastorale particulière pour cette région du Sahel qui, soit dit en passant, couvre les quatre provinces de la Région du Sahel : Soum, Oudalan, Séno et Yagha. Selon le curé, « on s’est dit qu’il fallait décrocher cette région qui, géographiquement, ethniquement et linguistiquement tient ». Le projet a été étudié. Un dossier a été monté et soutenu par la conférence épiscopale Burkina-Niger. C’est au vu des pièces du dossier que Rome a décidé de l’érection du diocèse de Dori.

Avec 36 896 km2, ce diocèse est le plus vaste après celui de Fada. On y compte 5 paroisses. Les paroisses d’Aribinda et de Djibo relevaient du diocèse de Ouahigouya tandis que celles de Dori, Gorom-Gorom et Sebbah dépendaient de celui de Fada. Trois congrégations religieuses catholiques y sont installées : il s’agit des Sœurs Missionnaires d’Afrique (Sœurs Blanches) à Dori et des Sœurs de l’Annonciation de Bobo (SAB), qui sont dans les paroisses de Djibo et de Gorom-Gorom. Le nouveau diocèse compte 16 prêtres, 32 religieuses et 33 catéchistes. Sur 710 000 habitants vivant dans ce diocèse, le peuple des fidèles catholiques est estimé à 2 726 âmes.

A Dori, la plupart des musulmans que nous avons interrogés ignorent que leur ville est devenue le siège d’un nouveau diocèse. D’ailleurs ils ne comprennent pas grand-chose aux découpages ecclésiastiques. Quant aux chrétiens, nous avons constaté que même s’ils en sont informés, très peu connaissent le nom du nouvel évêque. Ainsi, Benjamin Karambiri, contrôleur financier de l’hôpital de Dori, nous confie que « c’est une bonne chose que Dori ait un évêque. Mais je ne connais pas son nom ». Lui estime quand même que l’église, la future cathédrale est très petite.

Raymond Dioma, agent ONATEL, nous dit avec fierté : « J’ai déjà vu le nouvel évêque, je connais son nom. La création de ce diocèse va permettre de réorganiser la pastorale dans le Sahel ». C’est ce que soutient aussi le président de la communauté chrétienne de Dori, M. Albert Kobié, infirmier anesthésiste : « la création de ce diocèse est une bonne chose. Cela va renforcer et donner un coup de fouet à l’évangélisation par ici surtout que dans la ville et les villages environnants, il n’y a aucun autochtone chrétien. Je n’ai jamais vu l’évêque, mais je connais son nom ».

Raymond Dioma fait remarquer que Dori sera un diocèse atypique, car « ceux qui composent la communauté chrétienne sont tous des étrangers ». A Dori, on attend l’ordination épiscopale et l’intronisation de l’évêque. Aucune date officielle n’est avancée, mais celle du 19 mars 2005 est sur toutes les lèvres. L’évêque, qui est allé à Rome pour se présenter au Pape, sera bientôt de retour, si ce n’est déjà fait, et dans les jours à venir la date précise sera portée à la connaissance de tous.

San Evariste Barro Issa K. Barry


A Dori, Jésus et Mohamed font bon ménage

Ce septuagénaire qui nous a reçus dans son domaine familial face à la grande mosquée est imam depuis 1975. A moitié couché sur un petit lit et nous assis sur une natte, on avait l’impression que les visiteurs du jour étaient venus pour une consultation. El hadj Cissé Nassouri qu’il s’appelle nous a fait l’historique de Dori et de sa grande mosquée. Dori s’appellerait en réalité « Douari » en gourmantché qui signifie l’autre rive. Les premiers habitants étaient les Dogons.

Ensuite, il y eut les Déforobés. Vinrent les Gourmantchés, qui instaurèrent leur autorité. Les Peulhs y étaient, mais ne régnaient pas. Une guerre contre les Gourmantchés, qui migrèrent vers le nord-ouest permit aux « Djelgobés », nom des peuls de cette région, d’instaurer leur hégémonie. C’est vers cette période que la première mosquée fut construite. Une bonne partie de cet édifice, qui daterait de 1810, selon l’imam, est toujours fonctionnelle. Cette vieille mosquée en banco, a été supplée à partir de 1981 par une nouvelle, érigée, elle, en matériau définitif. A la date de la construction de la première mosquée (1810), il n’y avait bien sûr pas de catholique dans ce qui forme actuellement le Burkina Faso à plus forte raison à Dori.

Et voilà qu’aujourd’hui Dori peut s’enorgueillir d’en compter. Ce qui ne semble point gêner l’imam Cissé. Au contraire ! A propos des prêtres et catholiques vivant à Dori, il assurera que « Nous nous entendons très bien. Quand il y a des cérémonies, mariages, fêtes chrétiennes et autres, ils nous invitent ». Mais compte tenu de son âge, il ne peut souvent s’y rendre. « Nous envoyons ceux qui sont plus jeunes. Nous aussi les invitons quand nous avons des manifestations ».

A la question de savoir pourquoi il n’ y a pas jusqu’à présent de convertis peulhs dans cette contrée, il nous répondra que c’est parce que Dori est une vieille terre d’islam et que « les catholiques ne sont venus que bien après ». Du reste, ajoutera-t-il, la vie a changé et des conversions ne sont pas à exclure dans le futur. D’ailleurs, pour justifier ses propos, il nous dira qu’il y a déjà des Peulhs catholiques dans d’autres contrées. Toujours est-il qu’il ressort de cet entretien avec le grand imam de Dori que dans cette région, la cohabitation entre catholiques et musulmans est très bonne.

I. K. B. & S. E. B.


Désiré Maïga : Chrétien dans l’âme dès le collège

Désiré Maïga est originaire du département de Markoye. Les « Maïga » sont des Sonrhaïs, une ethnie qui nous rappelle la leçon sur l’empire songhaï apprise pendant le primaire. Beaucoup les assimilent aux Peulhs. Pourtant il s’agit de deux ethnies distinctes. D’ailleurs, les Sonrhaïs, comme on sait, ont leur propre langue. En plus de ces deux ethnies, Dori est peuplée d’autres ethnies du Sahel comme les Touaregs, les Rimaebés et les Bellas.

Toutes ces entités sont de confession musulmane ou affirment l’être. Désiré, qui est professeur de français, est catholique pratiquant et ne s’en cache pas. Baptisé dans cette ville, il reconnaîtra néanmoins que le christianisme n’est pas développé dans son ethnie. Par exemple, au Niger et au Mali où les Sonrhaïs sont nombreux, il fera remarquer que le christianisme s’est difficilement implanté.

Depuis l’enfance, Désiré a baigné dans le milieu chrétien, car de son Markoye natal, avec deux autres élèves originaires de la même région que lui, ils sont allés faire le Collège protestant de Ouagadougou dès 1976. « A l’époque, on a souffert dans notre peau. On avait d’abord décidé d’être protestants avant de nous rétracter. Finalement nous sommes devenus grands et qu’importe ce que les gens diront ». Désiré nous fera un témoignage assez marrant sur une tentative de conversion. Quand il était au collège protestant, avec deux amis, il a d’abord décidé d’être protestant.

Pendant le cérémonial d’immersion, lors du baptême au barrage de Tanghin, le plus grand des trois a refusé d’être « plongé » dans l’eau, en se redressant tel un ressort. Ce refus a fait foirer leur projet commun de conversion. Le samedi 19 décembre aux environs de 16 heures, en deuxième année de confirmation, il était assis pour sa catéchèse, seul catéchumène face à son catéchiste, Raphaël Ntengu. Ce dernier nous dira qu’étant adulte, il ne peut tout de même pas suivre la catéchèse avec les autres, car il y aura un grand décalage.

D’ailleurs, dans les autres salles, se trouvent ses deux enfants, qui suivent également la catéchèse. Des cours particuliers en somme. Sa femme, avec qui il s’est marié en 1990 était catholique bien avant lui. Est-ce elle qui l’a poussé à se convertir ? Pas du tout, dira tour à tour chaque membre du couple. Pour Désiré, c’est plutôt une décision personnelle. Et quand il a appris que Dori a été érigé en diocèse, « j’ai été très content. Cela nous évitera de nous déplacer jusqu’à Fada pour certaines activités ».

I. K. B. & S. E. B.


Une chorale nichée au Sahel

La chorale « Notre Dame du Sahel de Dori » est composée d’une vingtaine de personnes parmi lesquelles des fonctionnaires, des ménagères, des élèves, des commerçants, etc. Dans cette chorale, point d’autochtones. De la bonne volonté, de belles voix, quelques djembés, un orgue et voici une chorale qui vous sort de jolies mélodies religieuses en français, en gourmantchema, en bissa, en dioula et même en lingala. Cette chorale, qui existe depuis l’érection de la paroisse, rencontre de multiples problèmes, surtout liés au statut de ses membres qui, pour la plupart, sont des travailleurs assujettis aux affectations. Nous avons trouvé d’ailleurs les choristes qui fêtaient, avec un sentiment mitigé, le départ de leur organiste, Eric Zida.

Ce dernier, qui résidait à Dori depuis sept ans comme fonctionnaire, vient d’être affecté à Saaba, dans la province du Kadiogo. Pour le président de la chorale, Jean Nikiéma, en service à l’Action sociale, « c’est un coup dur pour la chorale », d’autant plus qu’il n’y a pas de relève à proprement parler. Deux choristes s’y essaient, mais ce n’est pas du jour au lendemain que l’on peut maîtriser l’orgue. Après avoir évoqué le problème lié à la mobilité des membres, le président précisera que les cotisations également rentrent au compte-gouttes.

Mais toutes ces difficultés n’ont jamais empêché qu’une humeur bon enfant règne pendant les répétitions et que la chorale fasse de bonnes prestations pendant les célébrations ou même en dehors des célébrations. A leur actif, deux concerts : un à Gorom-Gorom et le second au ciné Welindé de Dori, et des visites à la prison de la ville. Le projet qui leur tient à cœur c’est surtout la sortie d’une cassette, mais le manque de moyens appropriés demeure.

A écouter Jean Nikiéma, il n’ y a pas que les catholiques qui s’intéressent à leurs activités. « Les autochtones viennent nous écouter ». La preuve, à leur concert à Dori, la salle de ciné était pleine comme un œuf. Mais de là à ce que ces auditeurs se convertissent au catholicisme, M. Zida et son groupe pensent que c’est une autre paire de manche. « Le milieu n’est pas facile. Il y en a qui sont intéressés, mais qui n’osent pas franchir le pas. Pour eux quand tu te convertis, tu es perdu. Dans leurs têtes, on ne prie pas et Jésus n’est pas le fils de Dieu ».

De l’avis de son premier responsable, la chorale dans son ensemble a bien accueilli l’érection de Dori en diocèse ; avec quelques appréhensions cependant sur l’évolution d’une chorale paroissiale qui deviendra bientôt celle d’une cathédrale. « C’est une grande joie avec un peu de peur. Est-ce qu’on sera à la hauteur d’abord pour l’ordination et l’intronisation de notre nouvel évêque ? C’est la question que nous nous posons ». Surtout avec leur organiste en moins. Mais, ils se rassureront face à cette situation fort angoissante, en déclarant qu’« avec l’Esprit Saint tout est possible ».

I. K. B. & S. E. B.


Un après-midi chez les « Ma sœur »

La résidence des Sœurs Missionnaires d’Afrique (Sœurs Blanches) est située à la sortie de la ville de Dori, en bordure de la voie menant à Sebbah, un département de Gorom-Gorom. Dans l’immense propriété, c’est le calme plat. Lorsque nous sommes entrés dans la cour, après avoir tapé sur barre de fer qui tient lieu de cloche, ce sont deux sœurs tout sourire qui nous ont accueillis. Après l’eau de l’étranger accompagnée de cacahouètes grillées, s’en est suivie une discussion à bâtons rompus sur la vie de cette communauté de Dori, qui compte trois religieuses. En l’absence de la Sœurs Franca Ceserccin, qui était en voyage, nos interlocutrices d’un après-midi étaient les Sœurs Monique Bonami et Alma Maier.

Au cours des échanges, elles nous apprendront que c’est en 1869 que le cardinal Charles Lavigerie, évêque d’Alger, a fondé la congrégation des Sœurs Missionnaires d’Afrique (Sœurs Blanches) pour « l’évangélisation des peuples africains ». Comme leur nom l’indique, ces sœurs sont « exclusivement missionnaires et en Afrique ». C’est dire qu’en entrant dans cette congrégation, la jeune religieuse sait qu’elle doit « quitter son pays et aller dans le pays où ses supérieures l’enverront ».

Au Burkina, c’est en 1912 que les premières Sœurs Missionnaires sont arrivées à Ouagadougou et Koupèla. Elles se sont établies dans nombre de paroisses où elles ont contribué énormément à l’annonce de la Bonne Nouvelle et elles ont beaucoup soutenu et accompagné les premiers pas des congrégations religieuses locales. Aujourd’hui, outre Dori, où elles sont arrivées en 1993, on rencontre les Sœurs missionnaires seulement à Bobo et à Ouaga. C’est à Bobo d’ailleurs qu’est basé leur noviciat pour l’Afrique francophone.

A Dori, les trois Sœurs de cette communauté religieuse participent à la catéchèse et gèrent une bibliothèque paroissiale bien fournie. Elles accompagnent l’Association des femmes catholiques de Dori et forment les papas et les mamans catéchistes, toutes choses qui sont très importantes quand on sait qu’à Dori il n’y a qu’un seul catéchiste titulaire. Elles mènent en outre des activités sociales et formatrices à l’intention des primairiens, des lycéens et des femmes : On peut en citer les séances de vidéo-débat sur les thèmes les plus divers : relation garçons et filles, scolarisation des filles, mariage forcé, mariage précoce, hygiène, vie de Jésus, de Moïse, etc.

De l’avis des Sœurs, « on note une grande participation du public, composé essentiellement de musulmans ». Les Sœurs se rendent souvent dans la maison d’arrêt de Dori pour des séances d’alphabétisation des prisonniers. Elles rendent également visites aux femmes dans leurs foyers et écoutent leurs problèmes. Que cherchent ces religieuses sur cette terre d’islam, où jusque-là aucun autochtone ne pratique la foi chrétienne ? « On est là pour entrer en dialogue avec les femmes, surtout les femmes musulmanes, car les Pères missionnaires, qui sont à la paroisse, ne peuvent le faire, islam oblige.

A Dori, on a une mission spéciale, c’est la mission de présence, de témoignage au sein des musulmans. On est là, notre présence pose des questions et on donne des réponses à ces questions ». De fait, lors des grandes fêtes musulmanes, les Sœurs vont jusqu’à la mosquée, où elles se mettent derrière les femmes. « On suit toute la prière, mais on ne fait pas les gestes de la prière. Vous voyez, Jésus lui-même s’est fait l’un de nous pour qu’on puisse s’approcher de lui et aller à Dieu ».

A propos du nouveau diocèse, les deux religieuses nous ont dit toute leur joie car cela va faciliter bien des choses à commencer par les déplacements. « Toutes les rencontres se faisaient à Fada. Maintenant nous restons ici ». L’une d’elle nous fera remarquer avec le sourire que « c’est comme une décentralisation ». A la fin de l’entretien, ces deux femmes d’Eglise, toujours joviales, nous ont raccompagnés jusqu’au portail d’entrée, dont un battant est toujours ouvert.

I. K. B. & S. E. B.

L’Observateur Paalga

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