La chose se passa en un jour de bagarre. La dispute opposait Angèle à Rihanata, locataires avec son mari dans la cour commune où logeaient également Angèle et sa famille. Une de ces disputes où sans en venir aux mains, les femmes se disaient tout ce qui leur passait par la tête en matière d’injures et se balançaient à la face tout ce qu’elles savaient de confidentiel sur l’autre.
Les deux femmes s’insultaient donc copieusement avec un langage spécialement sélectionné pour blesser profondément et durablement l’adversaire. Le mari de Rihanata était absent. Celui d’Angèle était dans sa maison et écoutait les bagarreuses se déchirer la bouche à force d’insanités.
Riahanata avait-elle la mâchoire beaucoup plus habile que Angèle ? La dominait-elle outrageusement sur le chapitre grossièretés ? Nul ne saurait le dire tant elles s’égalaient, mais l’on constata que Théodore qui était sorti de sa maison, entreprit d’aider son épouse à massacrer verbalement Rihanata et ainsi de lui ôter toute envie de s’en prendre à qui que ce soit avec sa longue bouche-là. Et la femme et le mari unirent leurs imaginations pour bien arroser Rihanata de ridicules.
Le propriétaire de la concession logeait lui-aussi dans la même cour. Il fut saisi du problème et en homme soucieux d’éviter le scandale autour de lui, il improvisa séance-tenante une réunion consacrée uniquement aux femmes de la concession afin d’éteindre à temps cet incendie qui risquait d’embraser toute la cour, ceci d’autant plus que les noms des unes et des autres revenaient régulièrement dans la bouche des bagarreuses. Les femmes acceptèrent et se retrouvèrent dans le salon du proprio.
A peine la réunion avait-elle débuté que l’on vit l’épaisse carrure de Théodore faire irruption et prendre place à côté de son épouse. Le proprio eut la faiblesse de ne pas le congédier. Et la réunion commença et fut immédiatement houleuse, Angèle et son mari ne pouvaient s’empêcher d’insulter Rihanata et toutes les autres femmes qui
pensaient comme elle. Angèle battait des records en la matière mais elle exagéra en s’introduisant dans le six-mètre de Rihanata lorsqu’elle la traita de femme légère.
Rihanata explosa et lui cracha du venin en guise de réplique. Voici ce qu’elle lui a dit : « hé toi-là, tais-toi là-bas oui, tu es là, mon mari, mon mari ! Quel sale mari-ça ! Un mari qui a deux femmes
et qui cache-ça, va voir à Pissy. ..tu sais pas que les petits poissons qu’il vient te donner ici et puis tu fais le malin ; tu ne sais pas que les gros-gros-là vont ailleurs.. ? tu es là, les narines en l’air que mon mari, mon mari si tu savais ! tu ne vaux même pas l’orteil de celle qu’il a à Pissy. J’ai pitié de toi.. tu n’es même pas un chiffon pour ton mari. ..mon mari. ..quel sale mari, kaï ! »
A ces mots tout le monde resta pétrifié, Théodore bien plus que les autres. Comment Rihanata savait-elle son secret ? Qui lui en avait parlé ? Voici six ans qu’il entretenait sa double vie et Angèle ignorait tout jusqu’à maintenant et cette Rihanata avec sa longue bouche. ..!
Une véritable panique commença à s’emparer de Théodore. Angèle le regardait avec des yeux ronds attendant qu’il démentit les allégations de Rihanata .Pour toute réponse, Théodore se leva lourdement et fonça recourbé vers la sortie pour rejoindre sa maison presqu’en courant.
Angèle resta-Ià quelques instants comme hébétée par cette révélation sortie de la bouche de sa rivale. Ainsi donc Théodore avait une autre femme à laquelle il donnait les gros poissons. ..Angèle se leva comme éjectée et fonça chez elle.
Elle croisa son mari qui s’étant habillé précipitamment au point d’oublier de se peigner, sortait rapidement de la maison. Il fuyait. Elle voulut le retenir. Il la bouscula et se sauva dans sa voiture qu’il ne prit pas le temps de chauffer comme il le faisait d’habitude, lui-même ayant suffisamment chaud pour cela.
Du fond de sa chambre, on entendit Angèle hurler à la mort.
Rihanata rigola un bon coup et très fière d’elle-même sortit faire ses courses. En moins d’une minute elle avait vaincu ses adversaires, pire, elle avait divisé leur foyer. Théodore et Angèle avaient tellement de choses à régler entre eux, qu’ils lui colleraient une paix royale.
Sacré Chédou OUEDRAOGO
Sidwaya
