Actualités :: Santé : Témoignages accablants de séropositifs

Le ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique (MESSRS) conjugue éducation et santé. A travers son comité ministériel de lutte contre le Sida (CMLS/MESSRS) dirigé par Gabrielle Bandré, le département de Laya Sawadogo manie contre vents et marrées pour contre carrer la propagation de la pandémie du siècle qui mine son secteur.

Après une vaste campagne de sensibilisation, le CMLS/MESSRS à mi-parcours a, dans ses hospices, une centaine de personnes infectées et affectées. Comment ces personnes sont-elles prises en charge ? Comment vivent-elles leur sérologie ? Ce sont des questions parmi tant d’autres auxquelles la coordinatrice du comité et ses "hôtes" (personnes infectées et affectées) ont répondu.

"Le Pays" : 57 personnes infectées et affectées par le VIH/SIDA et prises en charge par le CMLS/MESSRS. C’est ce qui ressort de votre bilan exercice 2004. Comment s’effectue concrètement cette prise en charge ?

Gabrielle Bandré coordonatrice du CMLS/MERSSRS : Je préciserai d’abord que ces 57 personnes prises en charge est l’expression d’un bilan à mi-parcour. Aujourd’hui, nous sommes passés à 70 personnes dans notre département parlant de cette prise en charge. Maintenant, ce que nous faisons en terme de prise en charge, je peux dire que cela revêt deux aspects. Il y a la prise en charge socio-économique dans lequel nous donnons à titre de soutien une somme de 50 000 F aux personnes infectées et 25 000 F aux personnes affectées.

Et selon les dispositions prises et prévues par le partenaire, nous prenons en charge la personne atteinte et deux membres de sa famille. Ce qui nous donne globalement une somme de 100 000 F par famille touchée et par trimestre. En marge de cela, nous faisons une prise en charge psychologique. Et là, nous organisons des visites en famille, à l’hôpital pour ceux qui y sont internés. Dans ce volet moral, nous travaillons en notre sein, lorsque ces personnes viennent en nous. Et je vous avoue que nous y passons des heures pour ramener certains à l’optimisme.

Outre la prise en charge, est-ce qu’il y a d’autres activités que vous menez en terme de sensibilisation et de prévention ?

GB : Bien sûr, nous organisons par exemple des formations au profit des membres des cellules-relais et des séances de sensibilisation à travers les dernières. Nous couvrons plus d’une centaine de cellule-relais, dont les structures centrales (directions centrales, régionales, instituts universitaires et de recherche et dans les établissements secondaires. Et vous savez que la plupart de notre personnel à ce niveau se trouve dans les lycées et collèges.

Est-ce que la confidentialité, parlant de l’identification des personnes infectées et affectées est de mise au sein de votre coordination ?

GB : Pour l’identification des personnes vivant avec le VIH/SIDA, il faut dire qu’elle émane d’un travail de fourmi, voire de longue haleine auquel nous récoltons de façon significative, le fruit de notre travail. Nous avons commencé par une lettre circulaire signée du président du comité en l’occurrence M. le ministre de l’Enseignement secondaire, lettre que nous avons ventilée dans tous nos services. La circulaire fait état de la nécessité du dépistage et confirme la prie en charge des personnes infectées et affectées par le mal. Et à toutes les occasions, nous ne cessons d’inviter les gens à connaître leur statut sérologique. Par rapport à votre question relative à la confidentialité, je dirai que c’est la principale question que freine l’élan des personnes infectées. D’une vision statistique nous avons aujourd’hui 4% en terme d’infection.

Et vous savez que nous avons plus de 8000 agents dans notre département. Un calcul rapide devrait nous faire comprendre que nous devons avoir plus de 300 personnes infectées. Pour beaucoup de considération, les personnes vivant avec le VIH tiennent beaucoup à la confidentialité et nous y sommes regardant. Pour cela, nous leur disons que le CMLS/MESSRS tient beaucoup à la confidentialité et toutes les dispositions en ce sens ont été prises. Cependant, nous ne manquons pas de leur préciser que pour être pris en charge il faut un maximum de confiance vis-à-vis du comité en charge. Il faut se faire au moins connaître par la coordinatrice ou le gestionnaire dudit comité.

Pour la circonstance, nous avons donné des alternatives pour que des volontaires se fassent recenser. Et comme voie à suivre, ces gens pouvaient passer par la hiérarchie en écrivant au Secrétaire général du ministère, à la coordination ou au ministère. Et nous insistons pour dire que nous sommes astreint à la confidentialité qui est un droit absolu pour les victimes du VIH/SIDA et un devoir pour nous. Et je puis vous dire que jusqu’à présent, seul le gestionnaire du comité et moi connaissons les personnes que nous avons prises en charge.

Y a-t-il des difficultés majeures ?

Nous rencontrons des difficultés dans le domaine de la communication pour ainsi dire que notre téléphone n’est pas inter-urbain à telle enseigne que nous avons des problèmes de contact avec nos cellule- relais. Ce qui fait que nous sommes saisis des fois tard ou même pas pour certains problèmes. Mais nous espérons trouver des solutions avec le temps. Autre difficulté que nous avons sur le terrain, c’est la question de la mobilisation des agents. Et comme nous sommes un secteur spécifique où les enseignants sont soumis à des horaires précis, et que certains évoluent dans les privés, il est difficile de les mobiliser pour une séance ou pour une autre . Certains qui se disent intellectuels et qui prétendent tout connaître, ne trouvent pas la pertinence de ces séances de sensibilisation. A peine s’ils n’auront pas des propos contraires au sortir de ces séances de formation ou de sensibilisation.

Des difficultés financières qui entravent la bonne marche de certaines cellule-relais ont été signalées. Qu’en est-il de cette situation quant on sait qu’à l’instar d’autres ministères, votre ministère a reçu une certaine somme pour la circonstance ?

La question du financement de nos activités peuvent se poser sur le terrain pour plusieurs raisons. Vous auriez dû le comprendre à travers les témoignages des personnes prises en charge par leur gouvernement, nous voudrions leur faire comprendre que l’argent dont nous disposons est un prêt contracté auprès de la Banque mondiale. L’usage de ces ressources doit être justifié aux bailleurs. Mais en réalité que constate-t-on ? Depuis 2002, les ressources que nous avons mises à la disposition des cellule- relais n’ont pas été justifiées.

Somme toute, c’est nous qui rendons compte, et ne pouvons pas continuer de nous mettre en difficulté à ce titre. Et généralement lorsqu’on parle du Sida, certains pensent vite à l’argent. C’est pourquoi certains disent qu’ils ne peuvent comprendre que nous manipulons des millions et pour une question de 25 000 F dépensés par une cellule-relais, on demande de justification. C’est ce qui nous oppose de fois aux cellule-relais qui ne savent pas que nous sommes comptables des opérations financières que nous menons.

A mi-parcours, êtes-vous satisfaits du bilan que vous venez de faire pour la présente campagne à ?

Si nous voulons dresser un bilan, il se révelera positif parce que le premier responsable du CMLS a marqué son attachement à la chose, à travers plusieurs actions qui ont sous-tendu et encouragé l’adhésion de nos partenaires sur le terrain. Nous avons certes à notre actif réussi à former au moins, 1000 agents de notre ministère, mais force est de reconnaître qu’il y a toujours des efforts à faire pour même canaliser nos activités à travers les 500 cellule-relais que nous couvrons.

Nous avons dans le domaine de la prévention, organisé des séances de sensibilisation et en partenariat avec le secrétaire permanent du Centre national de lutte contre le Sida organisé le conseil de dépistage volontaire au mois d’avril dans les établissements secondaires et les UFR de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso. Il y a même eu une journée spéciale anti-Sida que nous avons célébrée au sein du département ministériel. Egalement, nous avons effectué dans tous nos démembrements des missions de contrôle et de suivi. Il y a quelques jours de cela, le premier responsable du comité, nous a associé à une tournée qui nous a conduit dans toutes les directions régionales du ministère, en vue de toucher du doigt la température sur le terrain par rapport au fléau. Et cela nous permettra d’accroître le taux d’absorption pour l’année en cours.

Un message particulier.

Je voudrais à l’endroit des personnes rendues vulnérables par le VIH/Sida, exprimer une fois de plus, notre compassion et notre entière disponibilité à leur apporter assistance. Cette assistance est un sacrifice de toute la Nation. Et comme tout le monde, ils ont un devoir vis-à-vis de la société et c’est celui de lutter contre ce mal qui nous paralyse ou nous ravage.

Propos recueillis par Armel ILBOUDO


Témoignages accablants des personnes infectées et affectées par le VIH/Sida

(NDLR pour des raisons personnelles, certaines d’entre elles ont gardé l’anonymat

Mme BKL, enseignante, secteur 24 de Ouagadougou (personne infectée) :

Je suis formatrice. A ce titre, je suis et écoute beaucoup les émissions ou les formations relatives au VIH/Sida. Convaincue de l’importance du dépistage volontaire (prise en charge, suivi médical, etc.), je suis allée faire le test bien que je ne sentais aucun malaise. Et à 70%, je pensais que j’étais séronégative. Malheureusement j’étais séro-positive et j’ai pris la chose positivement. C’est vrai que j’ai été choquée une semaine durant en apprenant la nouvelle mais après, je me suis dit que le monde ne s’arrête pas là et il faut que je me batte pour soutenir ma fille qui est à l’école. C’est ainsi que j’ai commencé à mieux fréquenter les centres de conseil et de suivi pour retarder le mal qui ne s’est pas encore déclenché.

Pour cela, je suis passée voir la coordinatrice du CNLS/MESSR qui, sur des conseils m’a demandé de remplir dûment mes dossiers et les déposer en vue d’une prise en charge. Et c’est ce que j’ai fait pour le moment, je ne suis pas sous ARV, mais on m’a soumise à un régime alimentaire pour que je puisse éviter les maladies opportunistes et je donne vraiment une connotation positive à cette prise en charge parce que ce mal exige beaucoup de moyens pour être surmonté. A cet effet, l’appui apporté aux personnes infectées et affectées permet aux patients ou aux personnes affectées d’améliorer leur cadre de vie.

Et je souhaite qu’on révise cette prise en charge à la hausse, au moins que ça puisse supporter les taux des ARV par mois. Ainsi, le travailleur pourra prendre son salaire pour les charges familiales qui ne sont pas aussi à négliger. Et il faut que les uns et les autres acceptent le mal pour mieux le combattre. Autrement, c’est lui qui t’emporte. En tous les cas, moi je vais me battre parce que j’espère voir le mariage de mes enfants et même prendre ma retraite.

Mme T.T.M, ménagère (affectée) région de Toma :

C’est à la suite du décès de mon mari que la coordinatrice du CNLS/MESSRS par des renseignements m’a touchée et m’a invitée à prendre contact avec elle. Arrivée dans son bureau, elle m’a demandée après quelques conseils, si je savais de quoi est mort mon mari. J’ai répondu par la négative en ajoutant que tout simplement le regretté pendant ses malaises me disait qu’il avait été "wacké". C’est là que Madame la coordinatrice m’a appris que mon mari était mort du VIH/Sida. Ne m’en revenant plus, j’ai été de nouveau conseillée par Madame qui m’a demandé à maintes reprises de faire le test. J’ai beaucoup hésité, mais après m’avoir donné l’importance du dépistage, je suis allée faire et les résultats se sont avérés négatifs. Le CMLS/MESSRS pour la 1ère fois m’a remis une somme de 200 000 F pour que je puisse mener des activités génératrice de revenu et par trimestre, on me donne de l’argent.

DSI, Conseiller pédagogique du secondaire, secteur 21 de Ouaga (affecté)  :

J’étais en mission en octobre dernier à l’extérieur du pays. Et quand je suis revenu, il se trouvait que mon épouse était hospitalisée. Après un mois de traitement sans succès, alors que j’étais à mon 7e test qui confirme que j’étais séro-négatif, j’ai suggéré à Madame de faire le test. C’est ainsi qu’avec toute la famille, nous avons le dépistage et il s’est avéré qu’elle (toute la famille) était infectée sauf le père de famille que je suis. Alors, j’ai pris la chose avec philosophie pour pouvoir affronter la réalité.

Au début ce n’était pas facile quand on sait que ma femme et moi, nous ne connaissions, il y a plus de dix ans et que les enfants ont tous dépassé l’âge de 8 ans. Il faut dire que toute ma famille étant sous ARV et ma femme étant ménagère, il m’était difficile que seul, je puisse supporter les charges. Mais avec l’appui du MESSRS que je salue à sa juste valeur, j’arrive tant bien que mal à faire le nécessaire. Et nous trouvons que la prise en charge cette année étant financière, les choses seront mieux gérées et surtout en terme d’ARV et d’alimentation.

Ousséni Sawadogo, infecté/Lycée P. de Kombissiri (notre interlocuteur n’a pas garder l’anonymat) :

C’est à la suite d’une infection ophtalmologique que j’ai eu l’idée de faire le test de dépistage et il s’est avéré que je suis infecté. J’ai alors pris mon courage à deux mains et actuellement sur le plan de prise en charge, je suis financièrement appuyé par l’Enseignement secondaire et sanitairement soutenu par Médecin sans frontière. Tous les trois mois je me soumets à un examen de contrôle pour voir l’évolution du mal parce que je suis sous ARV depuis février 2004. Quand j’ai connu mon statut sérologique, j’ai d’abord informé ma femme qui est d’ailleurs séro-négative et ensuite l’entourage, la grande famille et mes supérieurs au niveau du service. Les derniers, parce que quand on est malade, il y a des soins qui nécessitent beaucoup de déplacements et quand les supérieurs hiérarchiques ne comprennent rien de ces absences, ça crée d’autres problèmes. Nous apprécions beaucoup cette prise en charge qui nous permet de subvenir aux besoins de première nécessité. Cette prise en charge cette année est financière et elle est la forme la mieux adaptée. Nous aurions voulu qu’elle soit revue à la hausse.

P. B Professeur, secteur 24 de Ouaga :

Je vous avoue que ça na pas été facile en ce sens que j’ai traîné pendant une année avec la maladie. Et fortuitement j’ai senti que j’avais une baisse au niveau de l’accuité visuelle. Sur conseil médical, je suis parti faire des examens à l’hophtalmogie où le docteur m’a également conseillé de faire le test de dépistage. C’est ainsi qu’à l’issue de cet test j’ai su que j’étais infecté. Mon épouse et un de mes enfants est également atteint. Au tout début des choses, j’avais du mal à vivre ma sérologie si bien que je m’en fermais seul dans ma chambre, je cultivais la solitude et me faisais de la peine. J’ai même dépensé plus de 500 000 FCFA dans les traitements. C’est après que j’ai été informé comme quoi on pouvait avoir un soutient au niveau du CMLS/MESSRS.

Quand j’y suis allé, j’ai été très vite soulagé. Ma famille et moi recevons 100 000 F CFA par trimestre et dépensons plus de 45 000 pour les ARV. Au départ la prise en charge était exprimée en nature ( vivres) bien que j’aurai voulu qu’elle soit financière. Mais Dieu merci cette année nous recevons l’aide en espèce. Mais j’aurai souhaité qu’en plus de cette prise en charge financière qu’on mette aussi l’accent sur le volet psychologique, affectif de telle sorte qu’on puisse avoir des consertations permanentes entre personnes infectées, affectées et les structures en charge de notre soutien. Et je pense que ça commence à venir avec la coordination ministérielle de lutte contre le VIH-IST/SIDA de mon ministère de tutelle ( MESSRS ).

Propos recueillis par Armel Ilboudo

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