Actualités :: Martine Somda : "Il n ’y a pas dans notre pays de présentation pédiatrique (...)

Martine Somda est coordonnatrice de l’association REVS+(Responsabilité-Espoir-Vie-Solidarité). Organisation de prise en charge des personnes infectées et affectées par le VIH-SIDA. Elle nous parle dans cette interview de l’expérience de son association et de ses projets.

Elle nous livre son point de vue sur plusieurs questions liées à la prise en charge et à la lutte contre le VIH-Sida. Espoir et combativité restent les maîtres-mots de cette dame assez médiatisée, vivant avec le VIH depuis dix ans et qui ne cesse de se donner .

Sidwaya (S). : Pouvez-vous vous présentez, ainsi que votre association ?

Martine Somda (M.S.) : Je m’appelle Martine Somda, veuve, mère de quatre enfants. Je vis avec le VIH depuis dix ans. J’ai mis en place le groupe d’auto support pour les personnes vivant avec le VIH en 1993 quand j’ai appris mon statut, qui a abouti à la création de l’association REVS+, avec reconnaissance officielle en 1997.

L’association regroupe des personnes vivant avec le VIH. Les personnes séropositives et les personnes affectées du fait du VIH, c’est-à-dire les orphelins, les parents proches ou autres. C’est une association ouverte à toute personne désirant donner un peu d’elle-même pour éradiquer cette pandémie qui détruit notre continent et fait beaucoup de ravages au niveau du monde. L’association s’est fixé comme objectif global l’amélioration des conditions de vie du séropositif dans la ville de Bobo-Dioulasso en particulier, et à travers le Burkina parce que c’est une association nationale dans un but national.

Nous avons des objectifs spécifiques : la lutte contre la stigmatisation et la discrimination. Pour quelqu’un qui peut faire un retour dans le passé par rapport au VIH, il verra que c’est une pathologie qui était très stigmatisante. Les gens évitaient même de prononcer le mot et on classait systématiquement les personnes testées positives comme des gens menant une vie dissolue, des prostituées. En tout cas une vie contraire aux normes. Ce qui n’est pas vrai.

L’association se bat pour promouvoir le droit de la femme à travers sa santé sexuelle et reproductive. Puisqu’on savait en se mettant en place, que beaucoup de messages étaient émis en mettant en cage la personne séropositive comme si elle n’avait plus de droits à la sexualité, au mariage, à la reproduction, à la santé. Et on s’est battu pour dire que la personne séropositive reste à part entière un membre de sa communauté et a droit comme tout individu à tous les droits humains qui existent.

Quitte à développer l’approche par rapport aux soins et aux traitements, et cela a posé un problème crucial au système de santé publique, à la communauté, à la famille. Nous espérons que les gens vont encore travailler sur ce problème de stigmatisation en intégrant totalement la personne séropositive, comme pour toute autre maladie. Sans cela il va être difficile de combattre.

S. : Peut-on avoir la situation statistique de prise en charge par REVS+ ?

M.S. : A REVS+, il y a plusieurs catégories de prise en charge. Il y a la prise en charge médicale. Je parlerai en premier lieu des infections opportunistes, pour tous les bénéficiaires, quel qu’ils soient. L’essentiel c’est qu’ils présentent une ordonnance dûment établie par un infirmier ou médecin, et ils sont soutenus par l’association parce que nous avons une pharmacie communautaire où on achète les médicaments qui n’existent pas dans la pharmacie.

"On voit des hommes qui vont au traitement mais refusent de traiter leur femme ".

Il y a l’autre domaine des antirétroviraux. L’association, depuis trois ans, développe l’accès aux antirétroviraux de ses membres. Je peux dire que nous sommes autour de quatre- vingt-dix qui sont soutenus par collaboration avec des partenaires du Nord. C’est des projets que nous écrivons pour demander une subvention afin de nous permettre d’acheter des antirétroviraux pour nos bénéficiaires.

Parfois il y a des collectes d’antirétroviraux qui nous sont envoyés par nos partenaires du Nord et qui nous permettent de soutenir des gens. Donc ce sont les deux aspects en ce qui concerne le domaine médical. Enfin, il y a le domaine alimentaire : l’association soutient ses bénéficiaires les plus démunis en distribuant des vivres. Et dans ce programme, le Cathwell qui soutient l’association est maintenant relayé par le PAM. 

L’association achète aussi des vivres localement, que nous distribuons aux membres mensuellement. Chaque bénéficiaire, chaque orphelin, a droit à du soutien alimentaire. Il y a le volet atelier culinaire. Ce n’est pas seulement dans le domaine médical que la prise en charge est effective. L’aspect "bien manger", souvent chez le Burkinabè cela signifie avoir le ventre rempli. On explique que bien manger signifie avoir un repas équilibré.

Et comment avoir un repas bien équilibré ? C’est avec les éléments que nous avons sur notre marché. Par rapport à votre poche, comment bien manger ! L’association a développé un jardin potager dans lequel il cueille des légumes, et ce sont les bénéficiaires eux-mêmes qui font le plat du jour. On a un médecin nutritionniste qui analyse ce plat pour leur dire qu’il a beaucoup d’avantages ou qu’il a une carence quelque part à corriger.

Donc, cet aspect l’association le développe dans ses groupes d’auto support pour aider ses membres à accéder aux traitements, à prendre en charge les infections opportunistes...

S. : Votre donnée vous permet-elle d’envisager quels projets ?

M.S. : Les projets sont énormes. J’ai beaucoup d’ambitions pour REVS+. Il y a d’abord ce projet d’extension. Nous avons déjà des antennes à Diébougou, à Houndé, et nous sommes en train de vouloir créer une antenne à Dano. On a beaucoup d’ambitions parce qu’il faut dupliquer cette expérience que nous avons à travers le pays. Les deux principales villes bénéficient de cette expérience, de ses avantages. Et les provinces ? Elles sont autant touchées que les grandes villes... La deuxième ambition c’est d’élargir l’accès au traitement pour les Burkinabè. Le traitement redonne l’espoir.

On en parle beaucoup, mais jusqu’à présent c’est un horizon assez lointain proche mais lointain. Il y a beaucoup de progrès sur le plan national, mais nous, personnes vivant avec le VIH, nous voulons être au centre de ces traitements. Nous voulons y accéder facilement sans trop de difficultés, pour vivre le plus longtemps possible et contribuer à l’édification de la nation. Parce que nous restons actifs, nous restons toujours des citoyens burkinabè...

S. : Votre expérience internationale vous permet-elle de relever des différences marquantes dans la prise en charge entre le Burkina et d’autres pays d’Afrique ?

M.S. : J’ai eu la chance d’appartenir à un réseau sous-régional qu’on appelle Réseau Afrique 2000 qui est un réseau d’associations de prise en charge regroupant au moins sept pays. J’ai vu l’expérience de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Sénégal... Et j’avoue que, parfois, j’aspire à atteindre ce même niveau d’expériences. La Côte d’Ivoire a été à peu près le pays dans la sous-région à disponibiliser les traitements à moindre coût pour des patients. Et moi je souhaite que ça se passe pareillement au Burkina. Je me bats pour ça. Je suis membre du RAME (Réseau d’accès aux médicaments essentiels dans la gratuité).

Je me bats pour que ces médicaments soient mis gratuitement à la disposition des personnes séropositives. C’est vrai, il faut que quelqu’un paie quelque part. Mais je me dis que c’est le rôle de l’Etat. C’est un problème qui, je dirai, hypothèque la vie de la nation. Il doit être pris à bras-le-corps, et c’est à l’Etat de s’investir... On ne fait rien sans la décision politique.

De la même manière que le président sénégalais a pris une décision par rapport à la gratuité des traitements, je voudrais en arriver là au Burkina, pour donner l’espoir aux personnes séropositives. Il ne faut pas qu’on fasse une croix dessus, comme on l’a toujours fait, car c’est des gens qui peuvent contribuer à la construction de la nation. Lorsque j’ai commencé REVS+, le langage qui était tenu par rapport aux personnes séropositives, je veux que ce langage change : "C’est des gens qui vont mourir", "c’est des investissements à perte", "c’est des gens condamnés d’avance"...

Non ! La preuve est que je suis là depuis dix ans, et que je réalise des choses. Je pense que le minimum, même si c’est un jour de gagné, il faut l’offrir à chaque personne séropositive. C’est mon combat quotidien, surtout par rapport aux femmes. Ce sont les plus touchées. La femme est au centre de l’épidémie, elle est la plus vulnérable, celle qui accède le moins au système de santé publique parce qu’elle garde le plus longtemps possible les pathologies, les infections. Elle n’y va qu’à l’extrême, quand c’est l’irrécupérable. J’aimerai que des programmes se développent dans ce sens, pour la femme.

Elle est la vie, le centre de la vie... Sans la femme, le Burkina ne pourra pas se construire. Il faut les deux, l’homme et la femme... Mais seulement on voit des hommes qui vont au traitement, mais qui refusent de traiter leur femme. Cela on l’a vu de façon permanente. C’est injuste, elle mérite de vivre aussi ! C’est ce programme qu’il faut pour la femme et ensuite pour les enfants, parce que souvent on parle du VlH sans parler du VIH de l’enfant.

"Nous souhaitons que l’argent aille aux vrais bénéficiaires ".

Nous avons des enfants qui naissent dans le VIH et qui ont bientôt 10 ans, 15 ans. C’est des enfants qui grandissent avec. Quel avenir on leur prépare ? C’est un souci dans l’association. Quel est le programme qui leur est proposé ? Ils ont des questions sur la vie, ils ont envie de comprendre comment gérer leur vie, leur sexualité, avec le VIH. A partir du moment où ils ne sont pas morts en bas âge, a-t -on le droit de les laisser mourir quand ils ont atteint 18 ans ? On doit faire quelque chose pour eux, leur permettre de s’épanouir, leur permettre des projets de vie. Il y a l’absence des traitements pour ces enfants. Il n’y a pas dans notre pays des présentations pédiatriques des antirétroviraux. C’est souvent à l’initiative des médecins qui essaient d’ajuster pour traiter les enfants... Je souhaite qu’on se penche sur le problème de l’enfant. Il est l’avenir de demain.

S. : Il est devenu fréquent d’entendre que la lutte contre le Sida est un domaine d’affairisme. Qu’en dites-vous ?

M.S. : Je suis vraiment désolée de concéder à cela. Etant moi-même activiste, je rencontre des gens, et souvent cela crée de la frustration. Heureusement pas mal parmi ceux qui se battent pour un meilleur avenir des personnes séropositives ont conscience, et sont réellement engagés. J’espère qu’un jour on arrivera à réduire le nombre d’affairistes. C’est vrai que le VIH donne beaucoup d’argent. Nous souhaitons que l’argent aille aux vrais bénéficiaires. Je pense que l’Etat travaille dans ce sens, le CNLS, etc.. C’est un traitement d’ensemble, et je pense qu’un jour, on arrivera à réduire le nombre d’affairistes... On voit des associations naître, sur papier, mais sur le terrain, rien. Mais elles ont des financements. Pourquoi ?

S. : Qu’avez-vous d’autre à ajouter ?

M.S. : Je suis très contente de la démarche nationale par rapport à la lutte contre le VIH parce que le plan stratégique dans lequel nous avançons nous présente un horizon assez radieux. Je garde espoir que le VIH, on va gagner la guerre. Et j’invite toute personne qui le désire à apporter son expérience pour essayer d’aider les associations de prise en charge. Parce que la prise en charge est complexe et difficile. C’est souvent un acte ingrat. Ceux que vous soutenez sont ceux qui créent parfois des problèmes. Parce qu’il y a tellement d’attentes que, en disant à certains "voilà votre part", il y a parfois des déceptions. Mon souhait est que nous travaillons dans la complémentarité, et c’est dans cette synergie qu’on peut vaincre le Sida.

Interview réalisée et retranscrite par Jean-Luc BONKIAN
Sidwaya

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