Actualités :: Crise à la communauté musulmane : El hadj Sana s’en lave les mains
El Hadj A. Sana

Quand un directeur de publication sonne le rappel de ses troupes à minuit, c’est que Rome brûle. Dimanche dernier au siège de l’Observateur paalga, il ne s’agissait pas (encore) d’éteindre un brasier, mais de circonscrire les étincelles menaçantes de la crise qui a fait jour au sein de la Communauté musulmane du Burkina Faso(CMBF).

Vous l’aurez deviné, le scoop de notre confrère "Le Pays" sur la démission forcée du président El hadj Aboubacar Sana avait fait ses effets. En toute sportivité, nous aussi à l’Obs, nous nous sommes mis à la poursuite de ce lièvre bien gras que notre confrère avait levé. Résultat des courses : l’obtention d’une correspondance adressée à El hadj Oumarou Kanazoé par des membres du bureau exécutif de la CMBF qui égrenait un chapelet de péchés contre leur président dont ils réclament à tout prix le départ.

A défaut de pouvoir rencontrer les protagonistes de la crise, pouvions-nous proposer ce menu à nos lecteurs malgré son goût âcre ? Car pour être dur, ce pamphlet anti-Sana l’était. En l’absence du directeur de publication, tenaillé par une insidieuse grippe, et du directeur des rédactions, un sondage démocratique rapide au sein de la rédaction dégagea quelque 70% de voix pour sa publication.

Sitôt dit sitôt fait, et notre canard était prêt à être consommé quand aux environs de 23h 30, nous fûmes réveillés par des appels téléphoniques de détresse : "Votre menu du lundi 20 septembre est une menace grave pour la paix sociale, car pouvant déclencher une guerre civile. Il faut coûte que coûte que vous voyez ce qui est encore faisable pour nous éviter le pire, l’écrit sur la communauté musulmane ne doit pas passer". C’était une voix de femme ; laquelle rappellera une fois, deux fois et même trois pour se rassurer que son message a été bien reçu.

Comment a-t-elle pu connaître le contenu du journal avant même sa parution ? Par le site Web du journal qui était déjà téléchargé ? A travers certains confrères qui nous font quotidiennement l’amitié d’aiguiser l’appétit des lecteurs en se procurant, dès montage terminé, l’essentiel de notre livraison du lendemain ? Par de simples indiscrétions... Par... Bref ! Le directeur de publication, tiré de son lit, rappella à minuit ses troupes au journal et nous voici face à El hadj Oumarou Kanazoé, destinataire du fameux brulôt et principal bailleur de fonds de la Communauté musulmane du Burkina Faso devant Allah, Mme Alizèta Ouédraogo dite Alizet Gando qui, depuis un certain temps, s’intéresse de près aux questions religieuses et Alassane Soré, opérateur économique et leader des jeunes de la Communauté musulmane.

"Monsieur le directeur, nous sommes prêts à payer le prix qu’il faut afin que l’écrit ne paraisse pas. C’est une question de vie ou de mort. Si votre journal tombe demain avec ça, ce sera la guerre populaire généralisée", martèlent-ils avec forces arguments et convictions en mooré. Et le directeur de répliquer dans la même langue nationale : "Le rôle d’un journal n’est point d’allumer le feu ou de troubler la paix sociale. S’il est vrai que par notre faute le pays pourrait vivre des moments difficiles, nous mettrons tout en œuvre pour l’éviter. Pas pour l’argent, car nous ne prendrons pas le moindre kopeck pour cela même si les dommages sont considérables ; ce sera notre contribution pour la paix. Car quand la guerre s’installe, elle n’épargne personne et surtout pas les médias".

Ladji et Alizet Gando avaient beau insister sur le dédommagement dont ils voulaient coûte que coûte s’acquitter, Edouard Ouédraogo n’en démordait pas. Et il avait raison. C’est ainsi que, pour sauter le texte qui aurait pu être la source de l’embrasement de la ville et qui tenait sur 3 pages, nous avons été contraints de sacrifier 2 cahiers de l’édition d’hier (les pages 7, 8, 9, 10, 31, 32, 33, 34) pour sauver Rome.

Evidemment, cela a été ressenti sur toute la chaîne puisqu’il fallait encore mobiliser les maquettistes, les machinistes, les laborantins et autres plieurs. Y avait-il vraiement péril en la demeure et avons-nous pu contribuer à éviter l’irréparable ? On ne sait que répondre, mais nous avons opté pour le principe de précaution.

Mais si dans notre édition d’hier, nous vous avons tout de même servi un résumé des griefs énumérés contre El hadj Aboubacar Sana, notre confrère "Le Pays", lui, affichait un démenti de l’imam contesté, qui affirme être toujours à la tête de la CMBF jusqu’à la tenue du congrès tant attendu, qui devrait finalement se tenir les 8, 9 et 10 octobre 2004. A cette date, El hadj Aboubacar Sana devrait faire place. A qui ? Pourquoi pas O.K. qui a assumé autrefois cette charge, comme semble vouloir l’y inciter certains membres de la CMBF.

En attendant, le futur ancien président que nous avons rencontré hier en fin de matinée à son domicile balaie du revers de la main tous les péchés dont on l’accable. Une précision : l’entretien a été réalisé en mooré et nous nous excusons par avance des imperfections inhérentes à la traduction.

Comment se porte la Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF) aux destinées de laquelle vous présidez ?

• D’abord, je me dois de vous dire merci d’être venus à moi. Je remercie Allah et vous souhaite bonne santé et que votre travail aille de l’avant. Je souhaite la paix pour le Burkina Faso. Concernant la situation à la Communauté, ce n’est que vendredi dernier que nous avons pris connaissance d’une prétendue situation conflictuelle en notre sein. Sinon, ce n’est que le 4 août dernier que nous nous sommes rencontrés à la grande mosquée de Ouagadougou pour fixer les dates de notre prochain congrès. C’est ainsi que nous avons décidé que le congrès de la CMBF aura lieu les 8, 9 et 10 octobre prochain.

Mais nous avons décidé de ces dates en l’absence d’El hadj Oumarou Kanazoé qui, vraiment, est un pillier de la Communauté. Et s’il en décidait autrement, nous nous y conformerions. Lorsque Kanazoé est revenu de son voyage, certains sont allés lui souhaiter la bienvenue et lui rendre compte de notre rencontre du 4 août sans m’en informer. Lorsqu’un journal de la place a annoncé ma démission, je suis tombé des nues car je n’ai jamais démissionné de la tête de la Communauté. Je suis et reste président, jusqu’aux décisions contraires du prochain congrès.

Où va se dérouler ce congrès ?

• Nous n’avons pas encore choisi le lieu du congrès et il nous faut nous concerter d’abord. On se demande encore si le congrès aura lieu à Ouaga ou en province car nous avons tenu nos congrès jusque-là à Ouaga, à Bobo, à Yako et à Ziniaré en 1997.

Pourquoi le congrès qui devrait avoir lieu depuis ne s’est pas encore tenu ?

• Le congrès devait avoir lieu l’année dernière, mais il s’est trouvé qu’au niveau de quatre ou cinq provinces, il y avait des problèmes. C’est ainsi que nous avons dépêché quelqu’un pour aller au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD) afin d’obtenir un moratoire pour la tenue de notre congrès. Ce qu’a accepté de faire le MATD.

Après cela, nous nous sommes rencontrés pour parler de la tenue du congrès et des moyens dont nous disposons à cet effet, puisque depuis, c’est El hadj Oumarou Kanazoé qui délie les cordons de la bourse pour la tenue du congrès. Et c’est ainsi que le trésorier nous a fait la situation financière de la CMBF. Mais le trésorier nous a dit que cela fait deux ans et demi que son rôle à lui est joué par le vice-président (NDLR : El hadj Oumar Kouanda). Ce dernier est venu chez moi pour me dire qu’on nous demande de nous rencontrer pour fixer la date du congrès. Il m’a dit être allé voir El hadj Oumarou Kanazoé qui dit être partant pour la tenue du congrès. Il m’a répété que ceux qui souhaitent la tenue du congrès sont très nombreux.

Après cela, il est revenu lundi soir pour me dire que la réunion aura lieu mercredi. Je lui ai dit que ce sera trop juste pour en informer tous les membres statutaires de la CMBF. Pourtant, dans la coutume de la CMBF, nous tenons toujours nos réunions un samedi ou un dimanche. Pourquoi alors ne pas attendre samedi ou dimanche ? Le mardi, c’est El hadj Seydou Ouédraogo dit Sas Naaba qui est venu me dire que la tenue de la réunion le mercredi est maintenue. Et il m’a dit que c’est El hadj Kanazoé qui dit de fixer la date du congrès. Et le mercredi, El hadj Kouanda m’a appelé pour me dire qu’on n’attendait que moi pour la réunion. C’est ainsi que je m’y suis rendu.

Il y avait au total 58 personnes présentes alors qu’auparavant nous enregistrions 42, 46, tout au plus 50 personnes pour nos réunions statutaires. Après les mots de bienvenue, j’ai dit que j’ignorais l’ordre du jour car n’ayant pas convoqué la rencontre. C’est le secrétaire général, El hadj Tall Yéro, qui a eu l’initiative de la rencontre et c’est à lui de nous situer. Prenant la parole, ce dernier a dit que l’ordre du jour n’est autre que la tenue du prochain congrès.

C’est ainsi que Sas Naaba a dit qu’il souhaitait prendre la parole pour préciser deux points : 1) Selon lui, j’ai devié en disant que je n’ai pas convoqué la réunion car cela fait cinq jours que le secrétaire général de la CMBF et le vice-président sont venus me voir à cet effet. 2) Que Kanazoé avant de voyager aurait dit que deux fois de suite, il m’a demandé de tenir le congrès et que je n’aurais pas prêté une oreille attentive à ses vœux. C’est ainsi qu’El hadj Issa Tapsoba par trois fois a demandé aux participants si oui ou non ils voulaient d’un congrès, et ils ont répondu par un "oui". Et Issa Tapsoba m’a alors demandé l’autorisation de tenir le congrès.

Lorsque j’ai pris la parole, j’ai démontré que leurs dires n’étaient pas justes et ils n’ont pas répliqué. Je leur ai dit que j’étais partant même si ce congrès se tenait aujourd’hui. Après cela, ç’a a été une vive discussion en notre sein pour la date de la tenue du congrès. Ils voulaient qu’on tienne le congrès avant le jeûne musulman. Je leur ai dit de m’envoyer un calendrier. Et comme d’habitude, nos congrès se tiennent vendredi, samedi et dimanche, je leur ai proposé la date du vendredi 1er, samedi 2 et dimanche 3 octobre 2004 ou les 8, 9 et 10 octobre prochains. C’est ainsi que les dernières dates ont été choisies.

Dans la même nuit, Tall Yéro, le SG de la CMBF, Sas Naaba et El hadj Kouanda sont venus me voir chez moi pour que je signe des papiers. C’était, selon eux, le procès-verbal de notre rencontre de ce jour. J’ai refusé de signer car jamais à l’issue de nos réunions, on ne m’a proposé de signer des procès-verbaux. Pour moi, il fallait attendre la décision d’El hadj Kanazoé pour la tenue du congrès. Après, ils se sont réunis à mon insu chez El hadj Kanazoé. Et ils voulaient me faire passer pour quelqu’un qui ne voulait pas de ce congrès.

C’est ainsi que Kanazoé m’a appelé pour me dire qu’on lui demande de prendre la présidence de la CMBF. Je lui ai dit que c’était conforme à la norme car c’est lui le principal soutien de la CMBF. Kanazoé m’a dit que lui c’est la cohésion qu’il cherche pour la CMBF. Pour moi, c’était une bonne chose que Kanazoé prenne la tête de la CMBF.

Dans la presse, il est fait cas de détournement de sous, notamment 12 millions qu’aurait donnés le président libyen Kadhafi en 2000 et autre mal gouvernance. Qu’en dites-vous ?

• Moi je suis le président, mais nous avons un secrétaire général et un trésorier. Vous savez bien qu’un président peut difficilement détourner de l’argent sans leur accord. Nous avons 125 membres au sein du bureau et seul, je ne pourrais rien faire. Si j’ai détourné, c’est que tous en ont bénéficié.

S’agissant de l’argent donné par Kadhafi, c’était à son arrivée au Burkina en 2000. Le gouvernement nous avait demandé de mobiliser les Musulmans pour l’accueil. C’est moi-même qui ai prononcé le discours de bienvenue. Ce n’est qu’après que le Dr Ahmed Sarim, un des collaborateurs de Kadhafi nous a remis une enveloppe. Elle contenait 50 000 dollars US. Mais il s’est trouvé qu’on avait convié à l’accueil toutes les associations musulmanes représentatives. Je leur ai demandé de définir une clé de répartition des 50 000 $ qui faisaient au change (32,5 millions FCFA).

Après cela, ils m’ont dit que 12 millions revenaient à la CMBF. Sur les 12 millions, Oumar Kouanda m’a dit qu’il a invité les membres de Bobo et de Banfora et que les frais de séjour faisaient 300 000 FCFA et il m’a dit qu’il souhaitait leur donner l’argent de poche. Je lui ai dit de leur donner. Ils leur a donné 500 000 FCFA qu’ils ont jugé ridicules, selon Kouanda. C’est ainsi que je lui ai dit de leur donner 1 million de FCFA. Et c’est Kouanda qui gérait l’argent et je n’ai touché aucun kopeck. J’ai demandé à Kouanda de débloquer un million cent mille FCFA pour les Imams du Kadiogo. Chacun d’eux a reçu au moins 5000 FCFA. Le reste est resté entre les mains de Kouanda.

Après cela, Kouanda est venu me dire qu’il a distribué à 6 anciens de la CMBF, 300 000 FCFA chacun. Je lui ai dit que cet argent ne devrait pas être ainsi distribué car cela peut être source de problèmes. Après avoir fait ces libéralités, il ne reste plus que 5,5 millions FCFA avec Kouanda. J’ai pris les 5,5 millions et j’ai acheté un mini-bus à Lomé avec Kouanda Wahab. Ce car est celui que nous utilisons pour nos missions car hormis cela, nous n’avons qu’une vieille Peugeot 504. Lorsque Oumar Kouanda et ses amis m’accusent de détournement, ils savent bien qui est détourneur des biens de la CMBF.

Parlant de l’argent donné par le président soudanais, il est venu prier un vendredi avec nous à la grande mosquée. A la fin de la prière, il nous a donné 1000 dollars (environ 500 000 FCFA) et chacun de nous en a bénéficié car nous avons procédé à un partage équitable. Véritablement je pense qu’ils se trompent de cible en m’accusant de détournement.

Entretien réalisé par Boureima Diallo & Bernard Zangré

L’Observateur

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