Actualités :: Licenciement de comptables à la CNSS : Travailleurs et patron se rejettent (...)

Des comptables de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) sont entrés en "dissidence" avec la direction de leur société. Une histoire de reclassement à une catégorie supérieure induisant une reconstitution de carrière est à l’origine de cette brouille. Pour mettre un terme à cet "imbroglio", la direction de la CNSS a décidé purement et simplement de licencier Tankoano S. Emile et six (6) autres malgré le jugement rendu par la Cour d’appel de Ouagadougou qui avait tranché le litige en faveur des travailleurs.

Comment en est-on arrivé là ?

De procès en procès, de rebondissement en rebondissement, l’affaire Tankoano S. Emile et treize (13) autres, devenue par la suite Tankoano S. Emile et six (6) autres contre la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) n’est pas prête de connaître dans un bref délai un dénouement. Ces comptables de la CNSS n’entendent pas lâcher prise suite à leur licenciement qu’ils qualifient "d’abusif". Que s’est-il passé pour que la direction de la CNSS rompt le contrat de travail de sept (7) comptables pourtant sortis "vainqueurs" du procès qui les opposait et qui ordonnait à l’employeur de reclasser les travailleurs dans une catégorie supérieure.

La revendication des travailleurs

Quatorze employés de la CNSS, titulaires du BAC G2 avaient été recrutés entre 1982 et 1999 comme comptables et classés en 4e catégorie échelle B du statut du personnel de la CNSS. Affectés au service financier ou comptable, ceux-ci se rendent compte qu’ils accomplissent les mêmes tâches (au quotidien et en fin d’exercice financier et comptable) que des comptables titulaires du diplôme universitaire de technologie (DUT) pourtant classés à un niveau supérieur (catégorie 5, échelle A). Se fondant sur le principe général de droit, énoncé par l’article 41 alinéa 2 de la convention collective de la CNSS de 1974 qui stipule que : "Le classement du travailleur est fonction de l’emploi qu’il occupe au sein de l’entreprise", ils veulent être alignés sur la même base que ceux titulaires du DUT. "A travail égal, salaire égal" soutient Tankoano Emile et ses collègues titulaires du BAC G2.

Pour régler cette "injustice" et les rétablir dans leur droit, ils demandent à être reclassés dans la catégorie 5 échelle A avec incidence financière. Ce qui n’est pas du goût de leur employeur.

L’évolution du problème...

Le 12 mars 2001, ces travailleurs de la CNSS ont saisi l’inspection du travail pour un règlement à l’amiable du problème. Mais chaque camp campait sur sa position si bien qu’aucune solution n’a été trouvée. Un procès-verbal de non conciliation a été délivré à cet effet par M. Jean-Paul Kaboré, inspecteur du travail et des lois sociales. Arrive le 30 octobre 2001 où l’affaire passe devant le Tribunal du travail de Ouagadougou. Statuant publiquement, contradictoirement en matière sociale et en premier ressort, le Tribunal du travail dans son délibéré du 27 novembre 2003 a débouté les travailleurs de leurs prétentions au motif qu’elles sont mal fondées. Convaincus pourtant de la lutte juste qu’ils mènent, les travailleurs font appel et l’affaire "atterrit" devant la Chambre sociale de la Cour d’appel de Ouagadougou. Le 04 novembre 2003, les deux parties en conflit sont entendues et à la délibération du 16 décembre 2003, la Cour d’appel infirme le jugement rendu par le Tribunal du travail et "ordonne le reclassement de Tankoano S. Emile et treize (13) autres en 5e catégorie échelle A du statut de la CNSS, à compter de leurs dates de prise de service respective avec incidence financière liée à la reconstitution de leur carrière". C’était gagné pour les travailleurs qui pensaient que leur employeur allait tout de suite s’exécuter. Mais tel ne fut pas le cas. Leur conseil Me Seydou Traoré, avocat à la cour, voyant les choses traîner a adressé trois écrits à la direction de la CNSS lui demandant d’exécuter le jugement rendu par la chambre sociale de la Cour d’appel de Ouagadougou. Dans sa dernière "injonction" en date du 25 mai 2004, Me Seydou Traoré informait la CNSS qu’il serait "contraint d’entreprendre des mesures d’exécutions forcées si rien n’est fait, dans un délai de 8 jours". C’est suite à cette lettre et après l’expiration du délai, qu’un huissier a procédé au saisi de certains comptes de la CNSS notamment ceux domiciliés à la Banque international du Burkina (BIB) et à la Banque internationale pour le commerce et l’agriculture du Burkina Faso (BICIA-B).

Le 1er juillet 2004, le groupe Tankoano S. Emile est reçu par le directeur général de la CNSS, M. Idrissa Zampalégré entouré pour la circonstance de ses plus proches collaborateurs. Lors de cette rencontre, le DG, selon les plaignants, aurait dit qu’il ne remettait pas en cause la décision de justice rendue par la Cour d’appel de Ouagadougou. Mais s’il devait les reclasser à une catégorie supérieure, il va procéder à leur licenciement. Raison invoquée ? "Vous avez été engagé par décision n°98/1277 du 09/12/1998 en qualité de comptable titulaire du BAC G2 et classé en 4e catégorie, échelle B du statut du personnel.

L’arrêt n°101 du 16 décembre 2003 de la chambre sociale de la Cour d’appel ayant ordonné votre reclassement en 5e catégorie, échelle A, la logique de la gestion des ressources humaines aurait voulu que je vous nomme dans un emploi de niveau supérieur correspondant à cette classification.

Mais, il se trouve d’une part, que la Caisse nationale de sécurité sociale n’est pas dans un tel besoin et ne dispose pas de poste de comptable BAC G2 classé en 5e catégorie, échelle A, et d’autre part, que vous n’avez pas le diplôme et la qualification requis pour vous prévaloir de cette catégorie.

Par ces motifs, je suis au regret de mettre fin à votre contrat, avec paiement de tous vos droits légaux, à compter du 03 août 2004". Tel est mot à mot le contenu de la lettre de rupture de contrat adressé aux plaignants. Cette lettre signée par Marie Joseph Yanogo (intérimaire du DG en mission) est datée du 2 août 2004. Depuis le 03 août donc, Emile Tankoano, Idrissa Ouédraogo, Moctar Dakissaga, Issa Zerbo, Ousmane Hien, Guillaume Euloge Ouédraogo, Seydou Sié Ouattara ne font plus partie du personnel de la CNSS.

Tentative de conciliation avant le divorce

Avant que le divorce ne soit prononcé, les travailleurs ont été invités à écrire chacun une lettre individuelle dans laquelle il renonce à l’application de la décision de justice. Dès le 02 juillet 2004, le lendemain de la rencontre avec le directeur général de la CNSS, une annonce parue dans le quotidien Sidwaya indiquait que la CNSS allait procéder au recrutement de 4 comptables niveau BAC G2 et de 7 autres comptables niveau DUT. Devant cette "pression" et face à l’attitude des délégués du personnel qui avaient souhaité que "les travailleurs sursoient à l’application du verdict de la Cour d’appel pour éviter leurs licenciements", 7 travailleurs ont préféré renoncer à la lutte en écrivant des lettres individuelles. Les sept (7) autres se sont engagés en rangs serrés "pour que justice soit faite". "Trop, c’est trop" crient les travailleurs. Ils ne comprennent pas pourquoi la CNSS n’applique pas le verdict du Tribunal alors qu’elle a auparavant donné une suite favorable à plusieurs décisions de justice la condamnant. Ils prennent également pour preuve l’affaire Edith Tapsoba et 9 autres toutes du service social de la CNSS qui ont esté en justice contre leur employeur selon le motif "A travail égal, salaire égal". Ces femmes ont été entièrement satisfaites en 1999. "Pourquoi à notre tour, on refuse de nous satisfaire et on procède à notre licenciement", s’interrogent les sept (7) travailleurs.

La réponse de la direction générale

Du côté de la direction générale de la CNSS, (le DG nous a reçus dans son bureau en présence du secrétaire général, Sidiki Séréné, du directeur des Ressources humaines, Soumaïla Sanou, du responsable de la cellule juridique et du contentieux, Abdou Zerbo) une toute autre lecture de la situation est faite. "En deux ans, souligne le directeur général de la CNSS M. Idrissa Zampalégré, nous avons dépensé environ 2,5 milliards de F CFA au titre des réparations et des reconstitutions des carrières des agents de la CNSS. C’est trop ! Je ne connais pas une seule institution capable de le faire (...)".

Pour le DG, les plaintes et autres réclamations, à la longue, allaient mettre à mal l’équilibre de la maison en créant un "trouble structurel". Alors martèle-t-il, "il fallait mettre le hola". M. Zampalégré d’ajouter que la mission de son institution, c’est de rassembler de l’argent pour payer des pensions à des travailleurs. Pour lui, si la "dérive" devait se poursuivre, viendra un moment où la CNSS ne pourra plus faire face à ses obligations vu que l’argent sera plutôt utilisé pour la reconstitution de carrières. C’est pour éviter de plonger la CNSS dans une apathie, que décision a été prise par la direction générale, conformément à la décision de la chambre sociale de la Cour d’appel de Ouagadougou, de procéder au reclassement des plaignants. Aux dires du DG de la CNSS, "bien avant leur licenciement, on a procédé à l’application de la décision de justice (...) Nous sommes trop petits pour contester les décisions de justice".

Après le reclassement, la direction générale de la CNSS a estimé que le nouveau profil des agents ne correspondait plus au besoin de la maison : "Le contrat qui nous liait a été dénoncé". Alors, il fallait s’en séparer et procéder à de nouveaux recrutements : "Nous voulons des comptables qui ont réellement le niveau DUT mais pas des niveaux BAC qui se prennent pour des niveaux DUT. Un bachelier-classé dans une catégorie de licencié, ça n’existe pas", a précisé M. Zampalégré. Le DG de la CNSS ne cache pas sa désapprobation vis-à-vis de l’attitude de ses agents plaignants. "Nous avons voulu sonner l’arrêt de la dérive au sein de l’institution et réinstaurer une atmosphère saine de travail. Dorénavant, tous les cas seront traités de cette manière. C’est valable pour tout le monde".

Au-delà du cas des comptables, la direction générale de la CNSS dit être confrontée à l’heure actuelle à une grande vague de réclamations. Idrissa Zampalégré nous a cité le cas des chauffeurs de catégorie poids léger qui veulent se faire reclasser dans la catégorie poids lourds. Le principal argument avancé par les chauffeurs plaignants est que depuis que la CNSS n’a plus de véhicules poids lourds, ils conduisent les mêmes véhicules que leurs camarades de catégorie supérieure. Le premier responsable de la CNSS estime que c’est une aberration car lui, n’a pas le pouvoir de "délivrer un permis poids lourd à qui que ce soit".

En définitive, il avance que malgré le bras de fer, la porte n’est pas définitivement fermée au dialogue. Serait-ce un bras tendu aux travailleurs licenciés ?

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi @ yahoo. fr)
Romaric DOULKOM (romarikom @ yahoo. fr)
Sidwaya

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