Actualités :: Triche au Pays des hommes intègres

Ainsi le « pétrole » a coulé à la session de juin 2004 du Brevet d’études du premier cycle (BEPC) au Burkina Faso, « Pays des hommes intègres ». A la date du vendredi 18 juin 2004, comme nous l’annoncions dans notre édition du week-end, une soixantaine de candidats avaient été interpellés pour détention de corrigés des épreuves de mathématiques et de physique-chimie, que nombre d’élèves redoutent. Ce qui a inéluctablement conduit à une reprise des deux matières incriminées le samedi 19 juin, uniquement à Ouagadougou où les irrégularités ont été constatées.

C’est maintenant connu au Faso, lors des concours d’entrée à la Fonction publique, ils sont nombreux les prétendants à privilégier « la défense en ligne », alors qu’aux différents examens, les stratégies sont entre autres le pétrole, les moyennes, voire les diplômes sexuellement transmissibles, ainsi appelés dans les établissements secondaires et universitaires lorsqu’un professeur attribue une note de complaisance à son élève ou à son étudiante après avoir couché avec elle dans un marché sordide où les appas ont valeur de matière grise.

Ces fraudes au BEPC surviennent à un moment où les Burkinabé, dans leur majorité, ont encore en mémoire le scénario de 2003 avec à l’affiche « la défense en ligne », que beaucoup de candidats au concours de recrutement des instituteurs-adjoints certifiés (IAC) avaient réussi à mettre en pratique. Apparemment rien ne semble perturber la quiétude de ces « Burkinabè », piqués par le virus du raccourci et de la facilité, qui font la pluie et le beau temps puisque, sauf erreur ou omission, il faut remonter dans les années 90 pour voir une correction exemplaire, à savoir l’incarcération à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) de l’instituteur Joseph Guigma et d’élèves fraudeurs.

Mais autres temps, autres mesures. Ce n’est pas le ministre en charge des examens du secondaire, le professeur Laya Sawadogo, qui dira le contraire, lui, qui lors du dernier point de presse du gouvernement, s’évertuera à justifier l’injustifiable, en laissant entendre que « Malgré les quelques cas de fraudes enregistrées, nos examens demeurent 200 à 300% plus crédibles que ceux organisés dans des pays qui nous entourent ». Cette comparaison au pire, si chère aux responsables burkinabè là où il faut prendre les bons exemples, a surpris plus d’un.

Certes, même si le Burkina Faso n’a pas encore franchi le seuil du chaos, il est plus qu’indécent pour le gouvernement de tenir de tels propos qui, loin de dissuader d’éventuels fraudeurs agrippés à leur poste télévisuel, aiguisent davantage l’envie de ces esprits machiavéliques. Puisque ces champions de l’anarchie et de la courte échelle chanteront à qui veut les entendre que même le pouvoir a comparé la fraude au banditisme, un phénomène qu’on ne peut enrayer totalement ou éviter. Voilà autant de clichés que des personnes sans probité transforment en vertus pour légitimer leurs pratiques malsaines.

Monsieur le ministre, le pauvre citoyen honnête dont le fils ou la fille a cravaché dur voire très dur pendant toute l’année pour dégoter son papier aurait eu un peu de réconfort (même si d’aucuns estiment que les vrais fautifs échappent toujours aux sanctions) si votre réaction avait été des plus énergiques lors de ce rendez-vous avec les professionnels de l’information. Le pétrole, ce qui est sûr, comme vous l’avez si bien dit en décrivant le processus de sélection des épreuves, de leur proposition par les enseignants à la mise sous enveloppes scellées, n’est pas sorti du sous-sol ou du sahel burkinabé ou d’un gisement off-shore aux larges du Nakambé.

La fuite, disons-le, est partie d’un niveau supérieur pour se répandre à la base. Ce qui veut dire qu’au-delà des enfants interpellés, il y a de gros poissons à pêcher quelque part. A moins que ce ne soit les fils de Tindaogo et de Timpoko qui doivent encore porter le fardeau des autres. Ces fraudes montrent malheureusement encore comment beaucoup de parents d’élèves sont irresponsables et contribuent ainsi à tuer notre système éducatif.

En effet, on achète tout (même le diplôme) à l’enfant, qui est plus un grand abonné de boîtes de nuit, des maquis et des kermesses que des salles de classes, où il ne se rend que quand il s’ennuie à la maison. Sans oublier le jeu favori des « mineurs dans les bras de non-majeurs » pour reprendre les mots de Thomas Sankara. Résultat : l’enfant, tant bien que mal, à grand renfort d’artifices scolaires, arrive à l’université pour faire carrière. Avec quelques coups de piston encore, ce dernier, souffrant d’un grand handicap intellectuel, est porté à la tête d’une société publique importante, qu’il terrasse en un temps record.

Loin d’arrêter un tel destructeur, on lui donne une promotion. Tels peuvent être caricaturés les dangers du raccourci pour un pays pauvre comme le nôtre. Et que dire lorsque l’on se plaint qu’il y a un manque de ressources humaines dans certains secteurs sensibles pour développer le Burkina Faso alors qu’on cultive la fraude ? D’ailleurs, même si les premiers responsables de l’éducation ont voulu banaliser le phénomène cette année en le circonscrivant à Ouaga, rien ne dit qu’avec les nouvelles technologies (internet, portables avec le développement des SMS, etc.) les autres provinces ont été épargnées par le pétrole.

Il est vrai que si tout le pays a été arrosé, le reconnaître serait désastreux, sans oublier que reprendre des épreuves, ça coûte de l’argent. On se demande combien de personnes ont pu se sucrer dans cette affaire puisqu’il semblerait que les épreuves s’achetaient à 50 000 FCFA, 25 000 FCFA et même à 1500 et 2500 FCFA ? S’il faut perdre son boulot et faire la prison pour le prix de 5 bouteilles de bière qui ont vite fait d’être englouties...

Cyr Payim Ouédraogo
L’Observateur

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