La société est en train de perdre certaines de ses valeurs. Ceux qui évoluent en ville, ont perdu leurs repères. Attirés par la ville comme les lucioles par la lumière, ils créent souvent des problèmes quand ils viennent au village pour un bref passage car ne respectant plus rien.
Envoyé au village pour annoncer le décès de Jules, suite à un accident de la circulation, Victor a été cause de la mort de la mère de ce dernier.
Au village, pour annoncer un décès, on prend des précautions. On parlera des forces qui ont abandonné, d’avoir reçu l’appel des ancêtres, du voyage etc. Selon certaines ethnies, les proches se verront mettre de la cendre sur la tête.
Ainsi, avec la concentration dense que connaît Ouagadougou, Jules était arrêté aux feux attendant qu’ils passent au vert. Il ne saura jamais ce qui lui est arrivé car il fut écrasé par un véhicule qui est venu de l’arrière. Après le constat d’usage, le corps fut évacué à la morgue. Possédant sur lui sa pièce d’identité, il fut facile d’aviser la personne en cas de besoin. Ainsi, Victor était au service quand il reçut un coup de fil l’informant de passer à la police de toute urgence, ce qu’il fit. C’est ainsi qu’il fut informé que son cousin venait d’être victime d’un accident de la circulation et que le corps se trouvait à la morgue. En s’y rendant, Victor croisa un oncle qui roulait en sens inverse. Il le héla et lui donna l’information. Ainsi, ils allèrent ensemble reconnaître le corps à la morgue.
L’oncle qui n’était pas à son premier macchabée demanda à Victor d’aller aviser certains de la famille qui étaient à Ouagadougou et d’aller porter l’information au village qui était à peine distant d’une trentaine de kilomètres. L’oncle restait à la morgue pour veiller sur le mort. Ainsi, Victor passa dans certaines familles porter la nouvelle. A certains endroits, il fut gratifié d’une bouteille bien fraîche. Quand il emprunta la voie qui mène au village il était « rond ».
Jules était le fils unique de sa mère et son seul soutien. Après le décès du père, sa mère avait élu domicile chez le petit frère. Pour un accident qui s’était produit vers dix heures, Victor arrivait au village vers quatorze heures. Il faisait chaud et au village, l’ombre des arbres sert de refuge pour les gens. A la lisière du village, se trouvait la maison de l’oncle à Jules. Les gens furent étonnés de le voir arriver à pareille heure. Sans boire l’eau de l’étranger, Victor demanda où était l’oncle.
La mère de Jules lui répondit qu’il devait être vers le marché. Alors, Victor lâcha « prépare-toi alors, Jules est mort par suite d’accident ce matin ». La vieille cria et tomba. Les autres femmes qui étaient là se mirent à crier et à soulever la vieille. Ce tumulte se répercute et bientôt la cour fut envahie. C’est dans ces conditions que l’oncle vint trouver Victor qui lui raconta la scène. Pour les villageois, il fallait parer au plus pressé, c’est-à-dire s’occuper du cas de la vieille. Des gens furent désignés pour aller porter la nouvelle dans sa famille.
C’est plus tard, alors qu’il commençait à faire nuit, qu’une délégation de trois personnes quitta le village pour aller accomplir les rites de l’enterrement de Jules. Ce ne fut que bien plus tard, que Victor fut convoqué pour lui remonter les bretelles. Pour annoncer un décès, on prend des gants. Voilà que par son ignorance, il a tué la mère de Jules. Triste histoire.
Rakissé
Sidwaya
