Actualités :: 8-mars 2006 : Etre femme à la MACO

Le samedi 4 mars 2006, soit quelques jours avant la Journée internationale de la femme, nous avons rendu visite aux détenues de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Incarcérées pendant longtemps sans jugement, beaucoup d’entre elles souffrent plus du rejet de leurs proches que des conditions de détention, pourtant souvent atroces.

Samedi 4 mars. C’est jour de visite comme le dimanche et les jours fériés. De nombreux parents et amis attendent, alignés devant l’entrée de la prison. L’accès nous est prioritairement accordé, sous un grand bruissement du portail.

Après les formalités d’usage, cap sur le quartier des femmes. L’environnement est d’une simplicité étonnante. Aucune clôture, et le dispositif sécuritaire, assuré par des femmes gardes de sécurité pénitentiaire, est discret.

Rien à voir avec la vie de galérien des bagnes. Une bonne humeur règne au sein des détenues, qui devisent tranquillement par petits groupes à l’ombre de la bâtisse.

A côté, des fourneaux, des seaux et des plats éparpillés au soleil. Actuellement au nombre de 17, seulement trois détenues ont déjà été jugées et condamnées, à des peines allant de 12 à 24 mois ferme.

Lenteur de la machine judiciaire sans doute. Mais, pour l’inspecteur de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP), Adama Rouamba, cela reste conforme à la loi : "La loi donne la possibilité au juge d’instruction de les garder aussi longtemps qu’il faut en attendant de rechercher la vérité".

Du côté des détenues préventives, l’attente est cependant jugée très longue, et c’est avec une précision d’horloge qu’elles retiennent le nombre de jours déjà passés en prison : "Je suis là depuis 8 mois et 13 jours" , nous apprend Aminata Zoungrana, 19 ans.

Transférée de Léo à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou pour avortement, elle attend toujours son jugement.

"Quant à moi, je suis ici depuis 6 mois et 12 jours pour homicide sur la personne d’un jeune de mon quartier, Wemtenga.

Des prisonnières au bord de la dépression

Au cours d’une bagarre et devant plusieurs témoins, la victime a été la première à me donner un coup à l’aide d’une bouteille. J’ai répliqué en faisant autant. Blessée, elle a été évacuée à l’hôpital, où elle trouvera la mort trois jours plus tard", relate une autre détenue, de 23 ans (qui a souhaité garder l’anonymat).

Grande admiratrice du président Blaise Compaoré, dont elle arborait un tee-shirt de la dernière campagne au moment de l’entretien, elle exprime du "fond du cœur" une doléance à l’endroit de son idole : "Je demande au président de tout faire pour l’amélioration des conditions de santé des détenues. On rencontre ici des cas de maladies insupportables".

En attendant son jugement, dont la date n’est pas encore fixée, elle exprime ses regrets et implore le pardon de la famille de la victime. La promiscuité, l’entassement et l’insalubrité des toilettes sont sources de désagréments pour ces "locataires" de la MACO, réparties dans deux cellules.

"Dans notre cellule, nous sommes actuellement 7. Il y a beaucoup d’odeur, et parfois l’eau des W.-C. coule jusqu’à nos nattes" , déplore Célestine Poda, 43 ans, qui vient d’apprendre l’hospitalisation de sa fille de 18 ans.

Jugée et condamnée à 18 mois ferme pour avoir servi d’intermédiaire dans une vente de fonio avarié, elle est aujourd’hui abandonnée par son mari.

Les visites des proches aux détenues sont rares et furtives, et seules quelques privilégiées en bénéficient comme la Togolaise Pascaline Atta, 28 ans, qui a écopé de 24 mois dans une affaire de trafic de statuettes.

Coquette, toujours richement mise (au cours du reportage, elle s’est changée en enfilant une tenue sexy), Pascaline bénéficie-t-elle d’une certaine indulgence de ses gardes ? "Les agents ne me font pas la cour, et je ne cherche à séduire personne. J’essaie seulement de rester moi-même", a-t-elle rétorqué lorsque nous avons insisté sur son choix vestimentaire.

Leurs liens familiaux brisés, certaines détenues se trouvent au bord de la dépression. C’est le cas de Jeanne Soré, 22 ans, qui porte un bébé de 8 mois. Incarcérée pour avoir vendu de la drogue pour, dit-elle, subvenir aux besoins de ses trois enfants, elle est aujourd’hui sans aucune nouvelle de son mari, malade au moment de son arrestation.

Dans la déchéance, naissent des formes de solidarité

Quant au sort de ses enfants, elle force l’optimisme : "Ils sont certainement en vie. Sinon, au moins, quelqu’un serait venu m’annoncer une triste nouvelle", se console-t-elle.

Le même déchirement moral chagrine Ami Bamogo (40 ans et mère d’une fillette laissée au village), accusée du vol d’une somme de 17 500 FCFA ; Justine Kaboré, 27 ans, portant une grossesse de cinq mois, détenue pour s’être vengée d’un mari tortionnaire (elle porte toujours des traces de violence aux pieds) en lui brûlant les habits ; et Yvette Zongo, traînée à la MACO pour avoir confisqué le poste de radio de son ex-mari en compensation d’une somme d’argent que celui-ci lui devait.

Toutes sont actuellement tourmentées par le rejet de leurs proches pour, parfois, des délits que peu de gens pourraient se vanter de n’avoir jamais commis. La similitude des destins et l’identité des sentiments fondent des solidarités nouvelles et imposent le sens communautaire.

"Nous nous coiffons entre nous et nous prêtons des habits à celles qui n’en ont pas. Entre coreligionnaires, nous prions toujours en groupe", note, admirative, Célestine Poda.

Sur le plan alimentaire, la situation n’est pas plus reluisante : une seule ration par jour, dont, par ailleurs, la qualité nutritive laisse à désirer ; du "sagbo" de maïs ou de sorgho rouge, servi sans sauce et préparé dans des marmites géantes, dans des conditions hygiéniques douteuses.

"Chaque jour on nous donne à manger, mais la prison reste la prison", laisse échapper Pascaline Atta, qui vient de recevoir un emballage de poisson frais qu’elle s’apprêtait à passer à la casserole.

Ce régime alimentaire connaît néanmoins une légère amélioration grâce aux dons en vivres apportés par certaines associations féminines.

Faute d’argent pour s’approvisionner en condiments, certaines détenues ne font pas de cuisine privée. "Face à l’état de dénuement total de certaines de nos copensionnaires, nous partageons avec elles les condiments ou les repas de notre cuisine privée" , raconte Chantal Terry, 23 ans, condamnée à douze mois ferme pour le vol de 2,5 millions de FCFA, qu’elle ne reconnaît toujours pas.

A sa libération, elle souhaiterait se lancer dans le métier de coiffeuse, et fonder une famille. Quid des conditions sanitaires ?

A l’infirmerie, située au quartier des hommes, le matériel médical est vétuste, et les produits pour les soins sont quasi indisponibles. La salle d’hospitalisations ne comporte que deux lits (pour une population carcérale totale de plus de 1000 détenus), et plusieurs malades sont assis à même le sol de la cour de l’infirmerie.

"Les pathologies les plus fréquentes chez les femmes détenues sont les maladies gynécologiques et les infections sexuellement transmissibles, contractées avant la détention (Ndlr : selon l’administration pénitentiaire, les femmes n’ont pas de relations sexuelles en prison)", raconte l’infirmier-chef, Souleymane Bamogo, assis dans son bureau, tout aussi vétuste.

La qualité des soins laisse à désirer, faute de moyens, et la prise en charge se limite aux maladies bénignes comme le palu et la diarrhée. "Lorsque nous rencontrons un cas compliqué, nous sommes obligés de tourner le regard vers les bonnes volontés", ajoute l’infirmier en chef.

Conséquence : de nombreux malades sont évacués vers les centres sanitaires de la ville, notamment vers Yalgado, pour une meilleure prise en charge des soins, mais aussi "pour éviter les décès dans la prison, qui pourraient nous être reprochés par les associations de défenses des droits de l’homme", a laissé entendre M. Bamogo.

A deux jours de la Journée mondiale de la femme, un cadeau de fête venu de l’Amicale des femmes de la Caisse nationale de sécurité sociale : du riz et du savon.

A en croire l’inspecteur de la GSP, Adama Rouamba (voir encadré), le 08-Mars est aussi fêté à la MACO, à travers la préparation d’un repas spécial et la tenue d’activités récréatives comme le théâtre et le sport.

Bonne fête à toutes les détenues de la MACO et des autres Maisons d’arrêt et de correction, car, quel que soit ce qui peut être retenu contre elles, elles n’en demeurent pas moins des femmes qui ont besoin, comme les autres, de toute l’attention de la communauté nationale.

par Alain Saint Robespierre


Inspecteur Adama Rouamba, régisseur de la MACO « Les détenues ont droit à toutes les commodités reconnues par la loi »

Les pensionnaires femmes de la MACO bénéficient-elles d’un régime particulier à l’occasion du 8-Mars ?

• Chaque année, en pareille occasion, nous bénéficions du soutien de certaines associations, surtout féminines. Il y a également des bonnes volontés qui nous apportent leurs contributions à l’occasion des festivités de cette journée. Déjà, en notre sein, les femmes du service social ont déposé l’état de leurs besoins pour le repas du 8-Mars.

En dehors de ce repas spécial, y a-t-il des activités qui sont souvent organisées ?

• Oui, il y a du théâtre, d’autres animations culturelles, sans oublier le sport. C’est à elles de choisir quel type de sport, en fonction de la santé physique. Comme la majeure partie est vieille, on ne peut pas leur imposer de jouer au football contre le personnel féminin ! On leur dit : vous allez choisir l’activité sportive en fonction de la santé physique des détenues femmes.

Quels sont les principaux délits qui amènent les femmes à la MACO ?

• On retrouve pratiquement les mêmes délits que chez les hommes, sauf l’excision, pratiquée surtout par les femmes. Autrement, ce sont des infractions communes comme l’assassinat, l’infanticide, l’empoisonnement, l’escroquerie, l’abus de confiance, etc.

Rencontrez-vous des difficultés particulières pour gérer ces femmes ?

• Dans tous les cas, les femmes détenues sont gérées dans un quartier de femmes, par le personnel féminin de la sécurité pénitentiaire et de l’action sociale. Elles bénéficient de tous les régimes de sécurité et de couverture sociale auxquels ont droit tous les détenus dans la prison. Toutes les commodités que l’on peut accorder à la femme, reconnues par la loi, leur sont accordées.

Elles ont un matériel de couchage, elles sont dotées régulièrement en vivres et en condiments pour faire leur cuisine. Lorsqu’elles souffrent et que leur état de santé nécessite un traitement qui dépasse les capacités de notre infirmerie, elles sont évacuées à l’hôpital et suivie par une femme agent de sécurité pénitentiaire.

Lorsque la femme est détenue avec son enfant, la loi permet qu’elle puisse garder auprès d’elle son enfant jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de deux ans. La seule difficulté, c’est peut-être quand elle est enceinte. Dans un milieu fermé, c’est difficile, surtout la nuit.

Vous connaissez l’état d’une femme enceinte : à tout moment, elle a besoin de soins et d’affection particuliers, peu compatibles avec le régime carcéral. Souvent, tard dans la nuit, il faut mobiliser une ambulance, on la ramène au motif que ce sont des douleurs passagères. Mais et, parfois, vous ne pouvez pas rester là à ne rien faire !

Côté alimentation, combien de repas reçoivent-elles par jour ?

• La ration alimentaire journalière à la maison d’arrêt est unique. Mais c’est difficile de dire combien de fois les détenues mangent par jour, puisque la loi autorise que leurs parents, amis ou connaissances leur apportent à manger ; d’autre part, il y a des contributions alimentaires d’associations ou de structures ; en outre, quand elles ont de l’argent, elle peuvent s’acheter même de la boisson dans les kiosques, sauf, bien entendu, l’alcool, qui n’est pas autorisé.

Propos recueillis par Issa K. Barry


Les femmes de la Caisse pensent à leurs sœurs

L’Amicale des femmes de la Caisse nationale de sécurité sociale du Burkina (CNSS) est allée offrir aux détenues de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) 4 sacs de riz et 2 cartons de savon. C’était le lundi 6 mars 2006.

Nous sommes à la veille de la célébration de la Journée mondiale des femmes, commémorée chaque 8 mars, dans plusieurs pays du monde. C’est une occasion de multiples manifestations.

Le thème retenu cette année par la communauté internationale pour marquer l’événement, c’est « Femme et prise de décisions ». Mais au Burkina Faso, ce 8-Mars est placé sous le signe de « Femme et lutte contre la pauvreté ». Un thème qui n’exclut pas le premier, au regard de l’idée de complémentarité qui semble les caractériser.

L’Amicale des femmes de la CNSS, qui n’entend pas faire de la figuration en cette fête du 8-Mars, a décidé de faire don de 4 sacs de riz et de 2 cartons de savon à leurs sœurs détenues à la MACO, au nombre de 17.

Une façon, selon la vice-présidente de l’Amicale, Marie Hélène Bouda, de se solidariser avec les femmes de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou.

En recevant ce cadeau du 8-Mars pour les pensionnaires femmes, le régisseur de la MACO, Adama Roamba, a félicité la délégation de l’Amicale des femmes de la CNSS, et les a remerciées pour leur contribution, qui améliorera davantage l’alimentation et l’hygiène des bénéficiaires.

Il a formulé le vœu de voir d’autres structures suivre l’exemple des donatrices du jour. La vice-présidente de l’Amicale a souhaité que les détenues puissent être réinsérées dans la société, très rapidement, afin qu’au prochain 8-Mars, il n’y ait plus de femmes détenues.

La cérémonie de remise de dons, du lundi 6 mars dernier a eu lieu en présence d’un représentant de la Direction de l’administration de la sécurité pénitentiaire, Etienne Yanogo. Celui-ci a rendu hommage aux membres de l’Amicale des femmes de la CNSS.

Agnan Kayorgo

Observateur Paalga

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