Actualités :: Mme Jocelyne Vokouma : “Nous déplorons le capitalisme sauvage autour des (...)
Jocelyne Vokouma

« Femmes et lutte contre la pauvreté ». C’est sous ce thème que sera célébrée le 8-Mars 2006, la Journée internationale de la femme. A quelques jours de cette commémoration, Sidwaya a rencontré le secrétaire générale du ministère de la Promotion de la femme, Mme Jocelyne Vokouma évoque les enjeux de cette journée.

Dans cet entretien, elle revient également sur la difficulté d’accès aux pagnes du 8-Mars et interpelle ses sœurs à plus de discipline.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce qui justifie le choix du thème « Femme et lutte contre la pauvreté » pour la célébration du 8-Mars 2006 ?

Mme Jocelyne Vokouma (J.V.) : Par ce thème, nous voulons interpeller l’opinion sur un mal spécifique qui ronge les femmes. Si la pauvreté est reconnue et combattue à travers le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), le cas de la pauvreté des femmes mérite une attention particulière. Lorsqu’un homme est pauvre, il n’est pas secoué dans les manifestations de la pauvreté comme la femme. C’est un contexte accru de pauvreté qui vient croiser le statut fragilisé de la femme.

Au-delà du thème, la problématique envisagée est l’émergence d’un pouvoir économique chez la femme.

S. : Concrètement que faut-il faire pour permettre à cette « majorité silencieuse » des femmes d’avoir le pouvoir économique ?

Mme J.V. : Au Burkina Faso, les femmes constituent plus de 52 % de la population. Il faut prendre en compte cette majorité dans les différentes approches et orientations. Dans le domaine agricole, elles représentent plus de 80 % mais elles travaillent la terre sous le couvert des hommes.

Ce qui constitue une inégalité qu’il va falloir corriger. Derrière la pauvreté des femmes, se cache leur inaccessibilité à la terre que nous dénonçons comme un des moyens de production essentiel en terme de rapport de forces au plan économique. Les femmes sont également confrontées au problème d’accès au crédit. Les structures existent certes, mais encore faut-il que les femme soient dotées de par leur profil éducationnel de compétences nécessaires pour gérer les crédits. Il y a donc lieu de renforcer leurs capacités pour qu’elles soient en mesure de se positionner comme des actrices au même titre que les hommes dans un espace de négociation.

S. : Quelles sont les activités qui vont ponctuer la célébration du 8-Mars ?

Mme J.V. : Il faut souligner d’abord son aspect décentralisé qui voudrait que cette année la journée soit célébrée au plan national à Kaya, mais aussi simultanément dans toutes les provinces et les départements du Burkina. En amont, nous organisons une table ronde télévisée pour sensibiliser l’opinion autour de la problématique. Une journée « portes ouvertes » sera également organisée avec les institutions de la microfinance pour définir les modalités d’octroi et d’accès au crédit.

Parce que les micro-crédits sont un volet à problème mais aussi une porte de sortie. L’intervention de ces institutions va permettre d’éclairer les femmes car l’analphabétisme, les barrières linguistiques rendent leur accès aux crédits difficile. Il est prévu également un défilé thématique. Les capacités productives des femmes, la transformation des produits locaux, la commercialisation et l’accès aux crédits sont les quatre thèmes qui seront mis en exergue à travers le défilé.

Toutes les structures sont d’accord pour nous accompagner jusqu’au niveau départemental afin d’apporter l’information à toutes les femmes. Le crédit est un engagement qu’il faut honorer ; on le prend quand on a accepté les clauses. Il faut alors sensibiliser les femmes à la gestion de ces crédits. Des émissions radiophoniques seront animées pour sensibiliser la jeunesse scolaire sur cette préoccupation. La plupart des activités sont prévues pour être célébrées en amont afin d’informer l’opinion publique car la difficulté se situe surtout dans la résistance des mentalités. Nous croyons que le canal de l’information peut jouer un rôle dans le changement des mentalités que nous recherchons.

S. : Les activités semblent mettre en marge la population féminine rurale alors qu’elles sont les premières concernées par le thème. Comment comptez-vous les toucher ?

J.V. : Cette critique, nous l’avons souvent entendue et je vous remercie de nous donner l’occasion d’en parler. Chacun de nous a un lien avec le village et nous ne vivons pas en marge des femmes rurales. Nous (les femmes du milieu urbain) n’avons fait qu’aller à l’école et avoir un plus qui doit nous permettre d’aider nos sœurs. Mais, j’ai l’impression que les femmes citadines pour la grande majorité ont tort d’avoir eu la chance d’être dans la voie qu’on veut dessiner pour le futur libérateur des femmes. Avec un tel entendement, on ne se comprend plus parce que c’est comme si c’est un drame que d’être mieux que ces femmes.

Alors qu’il devrait avoir une dynamique entre les femmes du monde rural et urbain. Dieu seul sait que tout ce que nous faisons, c’est pour les femmes rurales. Le problème qui se pose en fait, c’est la communication où la langue joue un rôle important. Mais ce problème n’est pas le propre des femmes, il est national. Nous essayons dans la mesure du possible de trouver une solution au niveau décentralisé pour faire passer les messages. Dans cette perspective, les radios communautaires ou locales seront mises à contribution. Les animations seront traduites par des experts en langue nationale lors de la célébration du 8-Mai.

Nous venons de traduire en mooré, djoula et fulfuldé la Convention sur la discrimination à l’égard des femmes (CDEF). Même à Beijing, les préoccupations des femmes rurales ont été prises en compte dans les conclusions des travaux. Nous qui sommes les produits hybrides de la symbiose tradition-modernité, nous ne pouvons que leur apporter notre secours parce que nous arrivons à nous en sortir par le savoir acquis.

Les femmes rurales ont aussi du savoir-faire mais qui n’intègre pas forcément la logique de la vision moderne de l’organisation de la société. Autant elles ont besoin de nous, autant nous avons besoin d’elles pour avancer. L’une des stratégies adoptées par le ministre depuis 2000, ce sont les tournées de terrain. Tout est mis en œuvre pour connaître les femmes rurales afin de mieux les aider. Nous avons treize régions au Burkina et les besoins des femmes divergent selon les régions. Comment planifier l’assistance à ces femmes ? Il faut un plan d’action régional parce que l’autonomie de la femme du Nord n’est pas par exemple la même que celle de la femme du Plateau central. Le plan régional va donc permettre de prendre en compte les problèmes spécifiques des femmes afin d’aider, d’inculquer des valeurs là où c’est nécessaire.

S. : Ouaga la rumeur rapporte que les pagnes du 8-Mars manquent, que les prix sont surenchéris. Qu’en est-il exactement ?

J.V. : Nous sommes déçus par tout ce que nous apprenons sur les pagnes. C’est toujours dans un souci de bien faire que nous accompagnons la célébration du 8-Mars par des supports vestimentaires. Au-delà même de son aspect uniforme, les pagnes sont des canaux de véhicule de messages et de sensibilisation.

Mais au-delà, c’est l’occasion pour des gens d’en faire un gagne-pain. Malheureusement, malgré l’effort et l’art que nous y mettons, nous rencontrons des situations difficiles qui n’honorent pas les femmes elles-mêmes. Ce qui nous déçoit, c’est que la vente des pagnes prend un aspect mercantile. En 2003, les femmes ont décrié la qualité des pagnes. C’est ainsi qu’avec l’accord du cabinet, nous avons décidé d’accompagner la conception des motifs pour insérer des symboles dans lesquels les femmes se retrouvent. Le travail du ministère ne va pas au-delà de l’accompagnement technique dans la conception. Quand le pagne sort, les gens ignorent les étapes techniques avant la conception. Ils ne voient que le résultat, de sorte que nous ne comprenons pas les spéculations financières autour de ce pagne.

Au moment où le Réal coûtait 8 000 FCFA, nous avons négocié avec l’opérateur économique pour que le prix n’excède pas 4 250 F CFA au regard des capacités financières des femmes. Nous avons toujours travaillé en ne perdant pas de vue la priorité que chaque femme représente pour le ministère. Si le pagne n’est pas vendu à 4 250 FCFA par le repreneur, il faut donner le marché à quelqu’un d’autre, parce que sa portée est plus importante que la recherche du gain.

Malheureusement, les difficultés que nous rencontrons viennent, pour la plupart, des femmes. On peut comprendre qu’elles achètent les pagnes pour les revendre dans une autre localité.

Mais ces mêmes spéculateurs se retrouvent dans la queue des grossistes et des détaillants. Nous sommes confrontés à un problème d’indiscipline humaine qui fait que le ministère va devoir endosser des responsabilités qu’il a travaillées à éviter. Nous œuvrons à faciliter la tâche aux femmes, en retour, elles ne semblent pas nous la faciliter.

S : Pourquoi le ministère ne prend pas en main la distribution des pagnes étant donné que son image en prend un coût ?

J.V. : Le ministère ne le peut pas. Il ne revient aux directions régonales ni aux ministères de vendre des pagnes. Nous parlons de la concurrence, du problème de distribution, mais les impayés, on n’en parle pas. Dans un premier temps, le ministère a essayé d’assurer la distribution mais il s’est retrouvé confronté à des impayés. Les gens ont cru que les pagnes étaient gratuits parce que c’est pour l’Etat. Au jour d’aujourd’hui, il y a des gens qui sont redevables à hauteur du million. Nous avons essayé de faciliter la tâche aux femmes en coordonnant cette activité mais c’est difficile.

Parce que la compréhension qu’elles en font ne facilite pas le travail du ministère. Parmi celles qui se plaignent du manque de pagnes, certaines ont des impayés de l’an passé et qui n’osent pas aller affronter les commerçants. En outre, il est vrai que la vente des pagnes est une activité commerciale qui aide certaines femmes en situation difficile, mais il ne faut pas en abuser.

On voit des femmes après négociation du ministère qui a convaincu l’opérateur économique de vendre le pagne à 4250 FCFA, en train de le revendre sans pitié à leurs consœurs à 6 000, 7 000 FCFA. Les femmes se plaignent parce que le prix de revente est révoltant. C’est l’indiscipline qui est à la base de la situation que nous vivons aujourd’hui. Je souhaite que pour les 8-Mars à venir, les femmes nous aident en se disciplinant. Qu’elles acceptent d’être démocrates dans la vente des pagnes.

Ce que nous constatons, c’est qu’il y a des femmes qui s’alignent pour les grossistes et les détaillants à la fois, empêchant ainsi les autres d’avoir le pagne au prix normal. C’est à la limite un capitalisme sauvage.

S : Comment comptez-vous juguler le problème à la satisfaction des femmes brimées ?

J.V. : La directrice régionale du Centre a été interpellée et instruite pour développer des initiatives par rapport aux capacités organisationnelles des femmes. Le 8-Mars prend une allure festive comme le 31 décembre, le Noël et cela nécessite une réflexion à laquelle nous allons nous engager aussitôt.

Mais au-delà des difficultés, c’est ce qui fait aussi la beauté de la célébration.

Pabèbyam Pauline YAMEOGO
Sidwaya

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