Actualités :: Site aurifère de Namissiguima : les policiers wanted !

Le village de Namissiguima, à 25 km à l’est de Ouahigouya, était en ébullition le mardi 24 janvier 2006. Une brouille entre les orpailleurs et les agents de la Société minière Kindo Adama (SOMIKA) a dégénéré suite à l’intervention d’une équipe de la police venue de Ouahigouya et qui a embrasé tout le village.

Bilan : 4 agents de la SOMIKA blessés, un hangar brûlé au marché, les tentes servant d’habitations sur le site aurifère réduites en cendres.

Mercredi 26 janvier 2006. Il est 11h quand nous arrivons à Namissiguima. Premier point de chute, le marché du village. Quelques personnes accourent à notre rencontre. Elles nous font un bref bilan de ce qui s’est passé la veille. Premier constat au niveau du marché, un hangar en face d’un télécentre parti en fumée.

Ce hangar appartient à El Hadj Sidiki Ouédraogo, commerçant et responsable du comité de vigilance dénommé association Koglwéogo. « Je vends régulièrement de l’essence sous ce hangar, heureusement que le stock était épuisé, sinon tout le marché allait prendre feu », narre Sidiki Ouédraogo tout furieux. Selon les explications, ce sont les projectiles lancés par les policiers pour disperser la population qui seraient à l’origine de l’incendie.

Nous sommes invités sur le champ à participer à une rencontre chez le chef du village. Plus d’une centaine de personnes étaient effectivement entassées devant la cour du responsable coutumier : orpailleurs et acheteurs, vieux du village, jeunes commerçants. L’ambiance était délétère.

Tout le monde avait la mine grave, laissant sentir la colère et l’énervement. Fusait de toutes les lèvres des mots durs sur la police, la SOMIKA et le préfet du département. Tout le monde parlait en même temps, chacun voulant vomir ce qu’il avait en travers de la gorge.

Difficile dans ces circonstances d’avoir un interlocuteur sérieux. Après plusieurs appels au calme du délégué du village et de quelques notables, deux orpailleurs par qui les mésententes auraient commencé sont invités à prendre la parole.

Selon leur témoignage, ils ont réussi à quitter le site aurifère avec du minerai, mais ont été immédiatement rejoints par des agents de la SOMIKA, leur intimant de restituer le minerai emporté. Malgré leur refus, les agents de la SOMIKA sont restés intransigeants et ont récupéré de force le minerai.

S’estimant lésés, les deux orpailleurs retournent sur le site aurifère pour demander des comptes aux agents de la SOMIKA, avouent-ils. Après des échanges verbaux très tendus s’en sont suivi des coups de poing.

Aidés par d’autres orpailleurs mécontents, ils ont tabassé les agents de la SOMIKA, blessant quatre dont deux à la tête. Selon les témoignages, l’unique policier affecté sur le site a pris ses jambes au cou suite aux multiples coups reçus.

Un renfort de police pour prêter main-forte

Une équipe de six policiers effectue une descente sur les lieux pour prêter main-forte à la SOMIKA. Ils mettent la main sur les orpailleurs rebelles, perquisitionnent leur domicile, procèdent à des arrestations avant d’effectuer une descente au marché du village pour s’attaquer aux acheteurs indépendants (non reconnus par la SOMIKA).

Arouna Ouédraogo, qui se dit acheteur indépendant, déclare avoir été tabassé, fouillé et menotté par les policiers. « Quand ils l’ont arrêté, ils se sont introduits dans ma boutique, d’où ils ont emporté deux cartons de piles sous prétexte que ce sont des piles frauduleuses », vocifère Seydou Ouédraogo.

Une partie de la population regroupée au marché s’interpose pour s’opposer à l’embarquement des personnes interpellées. Ils se manifestent par des jets de pierres. La police riposte en larguant des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Selon les paysans, ce sont ces projectiles qui sont à l’origine de l’incendie du hangar au marché.

Un incendie venu envenimer une situation déjà tendue. La colère de la population monte davantage. Face aux menaces persistantes, les flics sont contraints de jeter l’éponge en relaxant séance tenante les quatre personnes interpellées.

« Nous pouvons comprendre les arrestations au site aurifère, mais pourchasser des gens dans tout le village pour profiter piller des boutiques, cela ne se fait pas à Namissiguima », en fulmine un vieux, la soixantaine bien sonnée. Salve d’applaudissements.

« Le préfet, la SOMIKA, les policiers sont complices » , hurle-t-on partout. El Hadj Sidiki explose : « Nous tuerons tout policier qui repasserait dans ce village durant tout ce mois.

Ils nous font la force et nous allons répliquer » , avant de révéler publiquement que « j’ai appelé le directeur régional de la police au téléphone pour lui signifier que ses agents sont des voleurs ».

C’est donc révoltés par les tracasseries et le mépris des policiers, selon eux, que les villageois ont décidé de mettre le feu au site d’or. Un acte, selon leur propre aveu, pour traduire leur ferme détermination à chasser définitivement la SOMIKA du site et aussi pour dissuader tout orpailleur qui ne voudrait pas respecter leur mot d’ordre.

Selon les syndicalistes du jour, plus rien ne peut les réconcilier avec la SOMIKA. « Ce sont des escrocs, ils sont contre le développement de notre département, nous ne pouvons pas accepter cette colonisation déguisée ». Les déclarations fusent de partout dans un français approximatif.

Visiblement remonté contre le préfet, Issa Tall Tamboura, les villageois l’accusent d’être de connivence avec la SOMIKA et d’avoir manigancé pour installer ladite société au détriment d’une autre, dont ils oublient le nom et qui se serait montrée plus compréhensive et plus offrante.

Ceux qui tirent les ficelles seront démasqués

Après avoir pris congé de nos irréductibles protestataires, nous nous rendons au site aurifère, situé à environ 3 km à l’est du village. Le décor est triste : on ne voit que des bois noirs éparpillés. Toutes les tentes installées en paille sont parties en fumée.

Par ci et par là sont étalés des restes de plusieurs objets calcinés. Venue de son Titao natal (province du Lorum) il y a de cela deux mois, Abibou Komi repartira chez elle les mains vides. Le feu a avalé tout son matériel. « Il ne me reste que ma carte d’identité », murmure-t-elle avec un air de désespoir.

Salam Maïga, lui, est venu de Youba avant la fête de Tabaski. Il ne lui reste que son vélo et les habits qu’il porte. Certains de ceux qui sont venus mettre le feu, ont profité du tohu-bohu pour piler. « Ils sont partis avec mes deux mortiers à piler le minerai, dont l’unité coûte 35 000 FCFA », marmonne piteusement Abibou.

Comme Salam et Abibou, les orpailleurs restés sur le site le lendemain des échauffourées ne sont pas ressortissants du village de Namissiguima. Eux ne semblent pas avoir la même vision des choses que les protestataires. Ils confessent être en bons termes avec la SOMIKA.

« La SOMIKA travaille au moins avec le comptoir burkinabé des métaux précieux. L’argent rentre dans les caisses de l’Etat. Les acheteurs parallèles sont de vulgaires trafiquants qui partent vendre l’or dans les pays voisins », révèle nerveusement une dame sur le site.

Rencontré à Ouahigouya, le préfet du département, Issa Tall Tamboura, mis en cause, réfute être de mèche avec la SOMIKA, mais confirme l’autorisation accordée à ladite société pour l’exploitation artisanale de l’or par une structure, "Riverstone ressource", chargée de la recherche minière dans la localité. Il conclut d’un air rassurant : « tout ceux qui tirent les ficelles en bas seront démasqués cette fois-ci ».

Nous avons voulu avoir la version de la police, mais son directeur régional n’était pas disponible. Du côté de la SOMIKA, le patron de la société Adama Kindo était sur le chemin du retour de la Mecque cependant que Malik Zallé, son coordonnateur, que nous avons contacté à maintes reprises au téléphone, dit ne pas être sur place à Ouahigouya pour nous entretenir. Affaire à suivre

Emery Albert Ouédraogo


C’est depuis le mois d’avril 2005 que la société minière Kindo Adama se serait installée sur le site aurifère de Namissiguima pour l’exploitation artisanale et l’achat du métal précieux.

Selon plusieurs observateurs, les problèmes vécus présentement seraient liés à un déficit de communication et à un mauvais management au départ. Les paysans accusent à tort ou à raison les responsables de la SOMIKA de s’être installés sans même le signifier au chef du village au moment de leur arrivée.

C’est au niveau du site aurifère que ces derniers auraient discuté avec les orpailleurs et les acheteurs locaux des conditions de travail. Les orpailleurs les reconnaissent. Tout le monde est accepté au niveau du site.

Tous les acheteurs devraient travailler pour le compte de la société. Il leur a été signifié également l’interdiction de quitter le site avec le minerai ou de vendre l’or ailleurs qu’au comptoir de la SOMIKA, où le gramme est acheté à 6 000 F. Les acteurs locaux avouent avoir eu à négocier l’augmentation du prix du gramme en vain.

A leur corps défendant, ils se seraient donc résignés tout en comptant récupérer le manque à gagner par les voies frauduleuse : les acheteurs parallèles achetant le gramme de 7 500 à 10 000 F. SOMIKA aussi montrait une certaine intransigeance à l’égard des esprits malins.

Selon les orpailleurs, toute personne soupçonnée de fraude est dépouillée de son minerai par les agents de la société sans aucune contre-partie. En juin 2005, la situation a fini par dégénérer : les acheteurs parallèles, pourchassés à l’intérieur du marché de Namissiguima, aidés par une bonne partie de la population, ont refusé de se laisser embarquer par les agents de la société.

Ces acheteurs travaillant sur le dos de la SOMIKA crient à l’injustice et brandissent des permis d’achat délivrés par le Comptoir burkinabè des métaux précieux. L’Observateur en avait fait largement écho à son temps. Après ce couac, le climat entre la SOMIKA et les orpailleurs est allé de mal en pis.

Ces derniers, se tirant d’affaire avec les acheteurs parallèles, forment un bloc et boudent pendant un bout de temps les travaux sur le site. Mais on est tenté de se poser certaines questions. Quel contrat lie les acheteurs au Comptoir burkinabé des métaux précieux ?

Comment se fait-il que ces acheteurs, qui passent pour être des débrouillards, parviennent à acheter le gramme d’or à un prix plus élevé que celui de la SOMIKA ? A quoi bon délivrer des permis d’achat à des particuliers si les sites aurifères sont gérés par des structures habilitées en la matière ?

La situation s’est d’autant plus aggravée qu’entre-temps, certains trous sur le site aurifère se sont effondrés. Des personnes y ont perdu la vie. Leurs corps n’ont jamais pu être dégagés. C’est à ce moment que les responsables de la SOMIKA auraient exécuté un sacrifice qu’on les aurait exhortés à faire bien avant sur les lieux, en donnant au responsable coutumier une somme de 200 000 F.

Cette somme aurait été utilisée pour l’achat d’un bœuf, de dolo pour calmer les mauvais esprits. Fort de ce malheureux accident les orpailleurs multiplient la pression pour l’augmentation du prix du gramme, refusant de se sacrifier au prix de leur vie pour des broutilles. Les responsables de la SOMIKA seraient restés de marbre.

Les choses étaient claires chez une bonne partie des habitants du village : « C’est chez nous, et quelqu’un d’autre ne peut pas venir dicter sa loi sur nos terres ». Voilà qui confirme un hiatus entre la réalité et les textes qui veulent que la terre appartiennent à l’Etat.

C’est tout dernièrement que les activités avaient repris sur les sites, suite à plusieurs rencontres de conciliation entreprises par le préfet, les notables du village, les orpailleurs avec les responsables de la SOMIKA sans que pour autant ces derniers révisent leurs prix.

On ne comprend donc pas que les orpailleurs et les acheteurs ayant accepté de se plier à la volonté de SOMIKA se remettent à vouloir la contourner. Faut-il croire, comme certains, que de gros bonnets, bailleurs de certains acheteurs, leurs permettant de dépasser le prix de la SOMIKA espèrent maintenir la crise pour pousser ladite société à plier bagages ? Rien n’est moins sûr.

E.A.O.


Comité de vigilance et forces de sécurité : deux poids deux mesures

C’est la deuxième fois que l’autorité policière est bafouée à Namissiguima. La première fois, c’était en juin 2005 : des agents d’une société de gardiennage engagés par la SOMIKA et des policiers, qui ont pourchassé et arrêté des acheteurs d’or indépendants sur la place du marché, ont été contraints de les relâcher.

Tout le village a dit niet

Le mardi 24 janvier dernier, six policiers du commissariat central de police de Ouahigouya ont été mis à rude épreuve. Ils furent forcés d’abandonner leur cible. Ne se cacherait-il pas une tentative de démonstration de force entre le comité de vigilance dénommée association Koglwéogo, jouissant d’une grande renommée dans l’arrestation des bandits de grands chemins, et les forces de l’ordre ?

Des personnes influentes du département sont initiatrices de cette association et s’en vantent. Il faut l’avouer, cette association, dont des structures sont installées dans plus d’une quarantaine de village du département a fortement contribué à la sécurisation de la zone, réputée auparavant être un haut lieu de vol.

Force est de constater cependant que les forces de sécurité ont joué à la gueule tapée face à certaines dérives. Par exemple, tout passant intercepté nuitamment serait soumis à une fouille pour être parfois gardé jusqu’au lever du jour. Un agent forestier en a fait les frais l’année passée.

Devant son refus d’exhiber sa pièce d’identité, il a été gardé par les paysans jusqu’au matin. Que se serait-il passé s’il avait opposé une forte résistance ? Peut-on refuser la liberté de circuler à une personne non prise en flagrant délit de vol ?

Les responsables de l’association Koglwéogo n’ont aucun égard pour les forces de sécurité et ne s’en cachent pas. Ils les accusent de complicité avec les voleurs. Ils disent ne pas comprendre pourquoi certains bandits qu’ils conduisent chez les forces de sécurité sont libérés quelque temps après.

Entre les habitants de Namissiguima et les forces de sécurité, celui qui mettrait le doigt s’y brûlerait. Est-il permis à n’importe quel quidam d’appeler au téléphone un directeur régional de la police pour lui signifier à haute et intelligible voix que ses agents sont des voleurs et de boire ensuite tranquillement son petit lait dans son coin ?

E.A.O

Observateur Paalga

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