Actualités :: Lutte anti-corruption au Burkina : « Notre attente est que les autorités (...)

Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) a annoncé lors de sa 22e assemblée générale, avoir enregistré et traité plus de 300 plaintes de corruption au Burkina Faso en 2021. Suite à cette sortie médiatique, Lefaso.net est allé à la rencontre de son secrétaire
exécutif, Sagado Nacanabo, pour en savoir davantage. Tout en soulignant des cas de corruption dans les secteurs comme l’éducation, la santé et bien d’autres, le REN-LAC dit attendre des autorités une franche collaboration avec les structures de contrôle.

Lefaso.net : Qu’en est-il concrètement des 300 plaintes de corruption que vous annonciez lors de votre dernière assemblée générale ?

Sagado Nacanabo : En effet, pendant l’année 2021, nous avons au total reçu 303 plaintes et dénonciations. Elles ont concerné divers domaine, notamment la Direction générale des transports terrestres et maritimes (DGTTM) pour laquelle nous avons enregistré 7 plaintes, 54 pour la santé, 64 pour les mairies, 2 pour la justice, 3 pour les impôts, 18 pour les forces de sécurité intérieure, 7 pour le foncier, 121 pour l’éducation, 15 sur la commande publique, 11 pour l’administration générale et 6 pour les autres divers.

C’est l’ensemble de ces plaintes-là qui donnent les 303 plaintes que nous avons reçues au siège à Ouagadougou et dans les comités régionaux anti-corruption comme Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Koudougou, Fada N’Gourma, Gaoua. Ces plaintes ont bien entendu été traitées selon leur qualité.
On peut dire qu’il y a 32 plaintes que nous avons dû abandonner sur les 303, ce qui représente environ 10% parce qu’on les a jugées infondées ou parce qu’elles n’étaient pas très pertinentes.

Il y a 25 plaintes que nous avons dû réorienter vers d’autres structures comme le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), la gendarmerie et la justice. Parce qu’en fait, certains en venant au Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) ne savaient pas qu’il y a des actes que l’institution ne peut pas prendre. Mais au total 131 plaintes ont été résolues sur les 303 et bien d’autres sont en cours de traitement.

Pouvez-vous nous citer des exemples de plaintes enregistrées ?

Le premier exemple que je peux donner est une plainte qui est venue suite à une conférence publique sur « La corruption dans les secteurs de l’éducation et la santé : le rôle des acteurs ». Une conférence initiée le 21 novembre 2021 à Sakoinsé. Au terme de cette conférence organisée par le Centre régional anti-corruption du Centre-Ouest (CRAC), le centre a reçu une plainte contre l’École A de Sakoinsé. Elle concernait les cotisations spéciales que l’école recevait des parents d’élèves.

Le président de l’association des parents d’élèves (APE) qui a été saisi, s’est senti offusqué et le directeur de l’école a demandé au plaignant de passer à son bureau pour une explication. Il est ressorti que les plaignants disent vouloir voir clair dans les cotisations que l’établissement a perçues au cours de l’année.

L’autre exemple concerne également une conférence que nous avons donnée à Koudougou, le 8 novembre 2021, dans le cadre des Journées nationales du refus de la corruption (JNFC). À la fin de cette conférence, des participants ont saisi le CRAC du Centre-ouest pour une plainte concernant l’exécution d’un marché de la commune de Gaoua. Il se trouve que le plaignant en question a eu le marché pour la construction de la salle des fêtes au profit de la mairie de Gaoua qui s’élève 64 300 728 francs CFA. Et pour faire le déblocage des fonds, on lui demande de payer.

La mairie refuse malheureusement de lui délivrer les documents lui permettant de démarrer le chantier. En conclusion, les pénalités sont entrées en ligne de compte avec le retard accusé. Alors le CRAC du Centre-ouest qui soupçonne qu’il y a une volonté de créer des difficultés au détenteur du marché avant même son exécution, s’est engagé à accompagner ce dernier pour l’aboutissement de sa plainte. C’est d’ailleurs un dossier qui est en cours.

On peut également citer le cas de la Direction générale de la Société burkinabè des fibres textiles (SOFITEX) concernant l’affaire d’attribution frauduleuse de coton graine de 2 000 tonnes à une entreprise, Belwet Biocarburant.
L’autre saisine concerne le médecin-chef du district de Garango pour racket, vol, détournement et vente de produits ou de médicaments des malades par des agents de santé du centre médical avec antenne chirurgicale.

Il y aussi celle du coordinateur national des forces de police pour racket au niveau du poste de contrôle de la gendarmerie située entre le carrefour de Kangala et Orodara (province du Kénédougou, région des Hauts-Bassins).

Comment se fait le traitement des plaintes que vous recevez ?

D’une façon générale, quand on reçoit une plainte, nous procédons d’abord à des vérifications pour savoir si elle fondée ou pas. Au cas où la plainte se trouve avérée, on saisit l’administration concernée. Si la saisine est fructueuse, c’est-à-dire que l’administration reçoit notre écrit, fait un accusé de réception et nous certifie qu’elle va prendre des dispositions nécessaires pour traiter ou nous demander des informations complémentaires, dans un tel contexte, nous collaborons.

Cependant, il peut arriver qu’en recevant notre saisine, l’administration fasse le muet et ne réagit pas. Nous procédons en ce moment à des relances et si nous voyons que l’administration ne veut pas collaborer pour la résolution de la plainte, nous pouvons rendre publique la dénonciation. Une fois publiée, l’administration peut toujours revenir vers nous pour coopérer afin de résoudre le problème.

Mais très fréquemment, les gens coopèrent et cela permet de traiter les dossiers. Sur les 303 plaintes en effet, nous avons fait 61 saisines administratives pour lesquelles nous avons eu 58 réactions des autorités. Ce qui a permis de résoudre 22 problèmes.

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Lire aussi Corruption au Burkina Faso : Plus de 300 plaintes enregistrées par le Réseau national de lutte anti-corruption en 2021

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Par contre, les cas pour lesquels nous n’avons pas eu de réaction sont par exemple dix plaintes pour détournements de fonds APE dans plusieurs établissements. Donc on regroupe ces plaintes-là et puis on va saisir l’autorité soit la Direction régionale pour lui demander de résoudre toutes les dénonciations qui concernent les APE de sa localité.

Comment menez-vous vos enquêtes pour épingler les auteurs de corruption ?

Tous les cas ne sont pas traités de la même manière. Je prends donc l’exemple du trafic de carburant. C’est depuis 2019 que le REN-LAC a reçu une dénonciation sur le trafic du carburant dans la région de l’Est et du Centre-est. Lors de la réception de la plainte, nous nous sommes concertés pour voir quelle va être la meilleure procédure pour obtenir les informations. Nous avons donc dû recourir, pour ce cas précis, à un journaliste d’investigation. Cela, en vue de vérifier sur la base de données qu’on avait, les faits sur le terrain.

Parce qu’on savait qu’il y avait des camions qui rentraient au Burkina Faso à travers les frontières du Togo, du Ghana avec de grosses quantités de carburant. Et ces camions-là réussissaient à passer sans contrôle. C’est donc de ce fait, que nous avons pu savoir, qu’il y avait en réalité des forces de sécurité intérieure qui étaient en complicité avec les trafiquants. Et lorsque ces forces-là étaient en place, les trafiquants savaient qu’ils pouvaient venir et passer sans inquiétude. C’est ainsi que les journalistes que nous avons sollicités, nous ont permis d’avoir un certain nombre d’informations.

Après avoir pris connaissance de celles-ci, nous avons compris qu’il s’agissait d’un dossier que nous ne pouvions résoudre par des saisines. C’est alors que nous avons saisi l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) qui pouvait approfondir les recherches. Parce que nous étions face à un grave problème. C’est donc de cette manière que nous avons refilé le dossier à l’ASCE-LC et le traitement qu’elle en a fait, a abouti en justice avec des procès dont la première phase achevée, a permis d’entamer la seconde en cours.

Voici donc un exemple de traitement de dossier. Et dans le cadre de notre collaboration avec l’ASCE-LC, il y a eu plusieurs dossiers qu’on a dû traiter de la sorte. Parce que n’ayant pas qualité d’officier de police judiciaire (OPJ) ou d’auditeur, c’est comme une sorte d’instruction que nous faisions avant de passer le dossier aux autorités compétentes. Bon bien sûr, pour certains cas de violation des droits humains, là, on transfert le dossier au MBDHP qui a aussi sa façon de traiter les dossiers.

Qui sont les auteurs des différentes plaintes que vous recevez ?

Malheureusement nous n’avons pas le droit de révéler l’identité des plaignants. Parce qu’une fois que quelqu’un a déposé sa plainte et qu’il requiert l’anonymat, nous sommes obligés de protéger cette source-là et nous la prenons à notre compte. Mais dans notre base de données, nous avons évidement toutes ces informations-là. Et même si on doit ester en justice, ce ne sont pas les auteurs qui le font mais le REN-LAC, qui ayant documenté le dossier, va le porter et déposer plainte jusqu’à son aboutissement.

La loi n°004-2015/CNT portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso, nous permet d’ester en justice et de nous constituer partie civile lorsque le dossier concerne la corruption ou la mal gouvernance. Donc si une personne se plaint et que nous arrivons à obtenir les preuves, même si cette dernière décide de garder l’anonymat, nous pouvons conduire le dossier en justice et nous constituer partie civile. Et dans ce cadre-là, courant l’année 2021, la somme des dossiers judiciaires que nous suivons actuellement est de 34.

Il arrive cependant, que quelqu’un dépose une plainte et ne veut pas être anonyme. En ce moment-là, bien sûr, nous ne sommes pas tenus de garder secrète son identité. C’est par exemple le cas de monsieur Maxime Compaoré qui a déposé une plainte contre le secrétaire permanent des engagements nationaux, monsieur Boukari Compaoré. C’est un dossier qui a connu son dénouement en justice. À l’issue du procès, Boukari Compaoré a été démis de ses fonctions en plus d’avoir été condamné à 24 mois de prison et 60 millions d’amende.

Qu’est-ce qui était reproché à l’ex secrétaire permanent des engagements nationaux, Boukari Compaoré ?

En fait le plaignant a eu un marché des engagements nationaux pour construire une école dans une localité. Et comme il devait recevoir une avance pour commencer les travaux, le secrétaire permanent des engagements nationaux a exigé en dessous de table que Maxime Compaoré lui donne quelque chose au risque de se voir arracher le marché en question. C’était donc un peu plus de 15 000 000 de francs CFA que devait reverser l’acquéreur du marché d’une valeur d’un peu plus de 100 000 000 de francs CFA à Boukari Compaoré.

Après avoir donc effectivement coopéré en versant les 15 000 000 de francs CFA, Maxime Compaoré s’est rendu compte qu’il ne pouvait plus mener les travaux jusqu’au bout avec ce manque à gagner. C’est ainsi qu’il est venu à nous pour dénoncer cette malversation. Et nous lui avons fait savoir qu’opter pour l’anonymat donnera des limites au traitement de son dossier.

Ainsi, nous l’avons conseillé à s’engager pour résoudre ce problème tout en l’invitant à écrire au secrétaire permanent des engagements nationaux pour exiger le remboursement de cette somme qui lui a été extorqué par contrainte. Parce qu’il avait déjà lui-même commis un acte de corruption en cédant à la proposition qui lui a été faite. Car en remettant le chèque, il est d’office considéré comme corrupteur.

Mais la loi a des dispositions qui lui permettent des circonstances atténuantes pour alléger ou même supprimer sa peine. Et dans ces conditions-là, le REN-LAC l’a accompagné. C’est un dossier qui a connu plus de quatorze séances de jugement avant que le dossier n’ait son dénouement en première instance. Puis s’en est suivi l’appel et autre. Voici un exemple de plainte, où on peut donner le nom des concernés parce que le dossier a déjà connu son épilogue.

Qu’en est-il du dossier de l’ancien ministre Jean Claude Bouda ?

Pour monsieur Bouda, certains pensent que le dossier est terminé alors que non. Nous avons été tous auditionnés par le juge d’instruction et c’est suite à cela qu’il a bénéficié d’une liberté provisoire. Cependant, le juge a dit qu’il poursuivrait l’instruction et quand le dossier serait prêt à être jugé, certainement que nous serons convoqués.

Nous avons aussi suivi le dossier du magistrat Narcisse Sawadogo dont vous avez vu l’évolution. Il a été condamné en première instance où il avait reconnu sa faute et demandé pardon. Mais certains de ses collègues faisant appel en deuxième instance, ont considéré que l’infraction n’avait pas été constituée. C’est ainsi que Narcisse Sawadogo a été relaxé.

Monsieur Sawadogo était poursuivi pour tentative de corruption et d’escroquerie vis-à-vis du maire de Ouagadougou, Pierre Armand Béouindé. Il avait en effet, proposé au maire moyennant la somme d’argent de 70 millions de francs CFA, de l’aider à se tirer d’affaire d’un dossier judiciaire. Le REN-LAC avait voulu lors du procès relever d’autres infractions notamment le trafic d’influence, mais les juges ne l’ont pas reconnu comme telle.

À cela s’ajoute le gros dossier du recrutement frauduleux de 85 agents à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) depuis l’an 2018 qui est toujours en cours. Le jugement de ce dossier en première instance a duré toute l’année 2020-2021 et aujourd’hui le verdict est tombé.

Les personnes que nous avons accusé ont été reconnus coupables des faits qui leur étaient reprochés parce qu’ils ont fraudé pour recruter des gens et ont été condamnés. Selon leur peine, certains ont deux ans, d’autres quinze mois etc. Mas ils ont fait appel et nous sommes actuellement au niveau de la Cour d’appel de Ouagadougou où les dossiers traînent. Et c’est pendant qu’on est en appel que ces messieurs-là (au nombre de cinq ou sept) ont eu droit à des libertés provisoires.

Nous avons aussi le dossier d’un agent de santé du nom de Léger Sandwidi exerçant au CHR de Koudougou qui a opéré clandestinement une dame. Décédée à l’issue de l’intervention, les ayants-droit de la victime ont saisi notre comité régional anti-corruption de la localité. La procédure a ainsi suivi son cours jusqu’à ce que le fautif soit jugé et condamné.

Quelles conséquences tirez-vous des dossiers traités jusqu’à ce jour ?

Les conséquences les plus immédiates des dossiers que nous traitons, se matérialisent par le fait que beaucoup de gens commencent à prendre conscience du danger du phénomène. Parce que je vous avais cité des exemples où on a fait juger et condamner des agents de santé. Il y en a eu à Koudougou (Centre-ouest), Dori (Sahel), Toussiana (région des Hauts-Bassins). Et depuis, de nombreux agents prennent désormais conscience que pratiquer la corruption dans les services de santé peut conduire très loin.

Du retour que nous avons, les actions du REN-LAC ont permis de réduire le phénomène, voire de mettre fin à certaines pratiques illicites auxquelles se livrent des agents de santé. Il s’agit notamment d’interventions chirurgicales réalisées sur des patients en dehors du circuit normal moyennant une somme d’argent.

Parmi ces cas d’interventions chirurgicales illicites, y a-t-il eu des cas d’interruption de grossesse ?

C’est possible. Mais dans les dossiers surtout que nous avons traité, il y a eu beaucoup de cas d’intervention pour hernie et bien d’autres dont on n’a pas de précision. Mais je ne me souviens pas d’un cas d’interruption de grossesse qui aurait mal tourné. Cependant, si le cas devait arriver et que les plaignants nous saisissaient, tout en gardant l’anonymat, nous pourrions nous charger de traiter leurs dossiers sans divulguer leurs identités.

La prise de conscience du danger de la corruption s’étend-elle aux autres secteurs d’activités que la santé ?

Nos actions ont également eu un impact sur le secteur de l’éducation avec les jugements à Koudougou, à Bobo-Dioulasso (Hauts-Bassins) et à Fada N’Gourma (région de l’Est). Car de ce qui nous revient, certains ont commencé à avoir peur et à ralentir leurs opérations ou à les faire beaucoup plus discrètement.

Pour les plaintes où nous ne sommes pas allés jusqu’en procédure judiciaire, nous avons résolu les contentieux à l’amiable. C’est par exemple ce qui est arrivé à Koudougou et dans le Nord où du personnel de l’éducation (enseignants comme personnel administratif) a pris de l’argent avec des parents d’élèves pour l’inscription de leurs enfants : ce que l’on appelle la vente des places. Et lorsque cela n’a pas marché, nous avons fait rembourser ces parents d’élèves. Il y a également eu des agents de santé qui ont pris de l’argent qui ne correspondaient à rien pour traiter des malades qui les ont remboursés.

Ce sont des cas où le plaignant n’a pas requis l’anonymat parce que tout ce qu’il voulait c’est qu’il soit remboursé. Et les sommes d’argent exigées pour les interventions chirurgicales clandestines varient de 5 000 à 200 000 francs CFA. À Dori, même si les auteurs de corruption ont remboursé les montants, ils ont été poursuivis et condamnés.

Le REN-LAC n’est-il pas d’une certaine manière influencé dans le traitement des dossiers de corruption ?

Non pas du tout ! Parce que moi-même qui vous parle en tant que secrétaire exécutif du réseau, lorsque les agents reçoivent les plaintes et les dénonciations pour traitement, je ne suis au courant de rien jusqu’à ce qu’elles aient un certain dénouement. C’est-à-dire que je ne prends connaissance du dossier que lorsqu’il faut signer une lettre de saisine par exemple. Mais rassurez-vous que personne ne peut venir nous influencer dans le traitement d’un dossier. Nous n’avons jamais reçu de contrainte de la part des autorités ni de nos partenaires financiers pour traiter un dossier dans un sens qui ne soit pas conforme à nos convictions.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’accomplissement de votre mission ?

Notre première difficulté, c’est notre faiblesse en ressource financière parce que nous n’avons pas assez de moyens financiers pour mener nos activités. Et cela induit aussi une insuffisance en ressources humaine parce que quand vous n’avez pas assez de moyens vous ne pouvez recruter suffisamment d’agents afin de les envoyer sur le terrain pour mener des enquêtes.

La deuxième difficulté, c’est qu’au Burkina Faso, les gens n’ont pas la culture de la dénonciation. Bien que de nombreuses personnes savent que le numéro vert 80 00 11 22 n’est pas payant. Je pense que ce qui freine l’élan des citoyens dans ce sens, c’est qu’ils sont gênés de voir la personne dénoncée faire face à des difficultés voire perdre son emploi. Et nous travaillons à ce que cette tendance s’inverse. Les gens confondent la dénonciation calomnieuse à celle que nous recommandons.

Car lorsque vous dénoncez quelqu’un qui fait des malversations, vous rendez service à toute la nation. Et de ce fait, les gens devaient être prompts à dénoncer. Mais nous notons tout de même un effort des Burkinabè à ce niveau car les chiffres sont croissants. Nous avons enregistré 345 dénonciations et plaintes de corruption en 2019, 550 en 2020 et 303 en 2021.

Cependant, il y a eu des années où le REN-LAC n’a enregistré que 10 à 15 plaintes en une année pour l’ensemble de notre réseau.
Toutefois, nous trouvons que les récents chiffres que nous avons obtenus sont encore insuffisants. Car à entendre les réactions des uns et des autres lors des émissions interactives, l’on constate que le phénomène à beaucoup plus d’ampleur que les dénonciations que nous recevons.

Qu’attendez-vous des autorités ?

Notre première attente vis-à-vis des autorités, c’est qu’elles aient d’abord elles-mêmes la volonté de lutter contre la corruption. Car les tous premiers bénéficiaires de cette lutte sont les gouvernants eux-mêmes. Parce que si le pays est exempt de corruption, cela constitue un atout pour son développement économique. Nous attendons aussi qu’il y ait une bonne collaboration avec les structures de contrôle ainsi qu’avec la nôtre parce qu’il nous est arrivé d’avoir besoin de signer des conventions avec certains ministères pour faciliter notre travail.

À cet effet, nous avons signé une convention avec le ministère de la Justice, puis de l’Éducation, et avec celui des Infrastructures. Dans cette dynamique, nous avons tenté de signer également une convention avec le ministère de la Santé mais cela n’a pas prospéré. Donc notre souhait est que ces autorités-là soient réceptives.

Ensuite, notre attente est orientée vers la protection des lanceurs d’alerte. Nous avons noté que très souvent sous couvert de diffamation, les autorités veulent réprimer les cyberactivistes et les lanceurs d’alerte pour les réduire au silence. Or la loi n°51 de notre pays donne droit d’accès du citoyen à l’information. Nous n’en demandons pas plus. L’on doit permettre au citoyen d’accéder à l’information publique.

Le REN-LAC vient aussi d’avoir le statut d’association reconnue d’utilité publique, et j’estime qu’il est temps que les pouvoirs publics pensent à créer des subventions pour la lutte contre la corruption. Parce qu’il ne revient pas à l’institution d’aller demander des sommes d’argent. Mais s’il y a des subventions à cet effet et des critères publics d’accès bien définis, le REN-LAC pourrait en ce moment s’y engager en vue de réduire ses difficultés financières. Car nous refusons d’être dans la logique d’aller faire des demandes d’appui ou d’aide à travers les caisses noires et autres systèmes de financement dont certaines organisations de la société civile bénéficient.

Quel est votre mot de fin ?

L’appel que je voudrais lancer est à l’endroit des populations. Parce que nous pensons que la lutte contre la corruption ne réussira qu’avec l’ensemble des populations engagées dans cette lutte-là. Et comme la devise du REN-LAC l’indique très bien, nous rêvons d’une société burkinabè où l’ensemble des citoyens sont engagés pour la transparence et la bonne gouvernance. Et c’est seulement qu’à ce prix que nous parviendrons à vaincre la corruption.

Par conséquent, j’estime que tous ceux qui sont considérés comme des gens biens, doivent se souvenir de l’appel de feu Norbert Zongo qui disait : qu’il n’a pas peur de la méchanceté des gens mauvais mais qu’il a peur du silence des gens biens.
Propos recueillis par Hamed NANEMA

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