Actualités :: Accès aux ARV : Une séropositive supplie le président du Faso
B. Compaoré pose avec une séropositive pour une campagne de sensibilisation

"Une séropositive burkinabè qui supplie le président du Faso pour avoir des
antirétroviraux gratuitement afin de pouvoir vivre les deux ans du financement
actuel. L’Etat du personnage s’est dégradé pendant son adresse au président
du Faso.

A sa dernière phrase, elle ne pouvait plus tenir debout et s’est
écroulée. Elle supplie le président de lui donner deux ans de vie
supplémentaire".

Le Réseau d’accès aux médicaments essentiels (RAME)
interpelle ainsi le nouvel élu à la magistrature suprême par des affiches dans
certaines rues de Ouagadougou. Sa correspondance adressée au président
du Faso depuis un an, est restée, sans réponse, rappelle-t-il dans cette lettre
adressée au vainqueur du scrutin du 13 novembre dernier.

Le Burkina Faso a des raisons d’être fier de sa démocratie, vu la manière
dont se sont déroulées les opérations électorales, malgré les quelques
insuffisances relevées ici et là. C’est au nom de cette démocratie que nous
nous adressons à vous.

La valeur d’une démocratie ne doit pas se mesurer
seulement dans l’organisation des élections, elle se mesure aussi dans la
disponibilité des gouvernants à écouter la population et à considérer ses
revendications.
Cela fait deux ans que le RAME a lancé sa campagne pour la gratuité des
ARV au Burkina.

Nous avons épuisé des batteries d’arguments pour réveiller
la conscience des autorités sur la pertinence et le bénéfice de l’adoption de la
gratuité des ARV. Cependant, notre revendication n’a pas encore été
satisfaite, pas parce que nos arguments ont manqué de réalisme ou de
pertinence, mais simplement à cause de l’expression d’un sentiment
d’adversité. Le RAME n’a jamais pourtant cherché à vaincre quiconque, il a
seulement cherché à convaincre.

Comme moyen de plaidoyer, nous avons suscité la mise en place de l’Union
Sacrée pour le traitement gratuit des malades du SIDA (US-SIDA) qui
regroupe presque toutes les sensibilités de la société civile au Burkina Faso.
La Charte de l’US-SIDA a recueilli plus de 200 signatures d’organisations
nationales et internationales.

Parmi ces signatures, nous pouvons signaler
celles du Réseau pour une Grande Implication des PVVIH au Burkina
(REGIPIV), de comités ministériels de lutte contre le SIDA, de l’Union
Interafricaine des Droits de l’Homme (UIDH), de Hélène Rossert (à l’époque
vice-présidente du Fonds Global de lutte contre le VIH/SIDA). En novembre
2004, nous avons transmis une correspondance à la présidence du Faso
sollicitant une audience pour la remise des signatures de la Charte. Nous
n’avons eu aucune réponse jusqu’à présent. Il en est de même des
correspondances que nous avons adressées au ministre de la Santé et au
président de l’Assemblée nationale.

"Que les ARV soient subventionnés à 100% !"

Quand le président du Faso, dans son discours à la nation le 11 décembre
2004, a promis que "des mobilisations sociales plus incisives seront
conduites à l’avenir contre cette maladie pour laquelle les moyens de prise
en charge des personnes atteintes seront par ailleurs renforcés", nous avons
cru que cela était sur la base de la revendication de l’US-SIDA.

Nous nous
attendions alors que dès janvier 2005, le président déclare un "Etat d’urgence
sanitaire" au Burkina Faso et adopte des mesures exceptionnelles telles que
la gratuité des ARV, contre le VIH/SIDA. Cela n’a pas été le cas, même lors
des rencontres extraordinaires du Conseil national de lutte contre le SIDA et
les IST (CNLS) qu’il a présidées.

Le président du Faso, à la tête du CNLS doit comprendre que nous,
personnes vivant avec le VIH, nos familles et les réseaux de soutien, sommes
plus indiqués que ses techniciens pour exprimer nos aspirations et les
mesures adéquates à mettre en place. Si une ouverture réelle n’est pas faite
pour considérer nos propositions, on court le risque de mettre en place "des
chemins de croix" qui ne conduisent à aucun "salut". C’est le cas aujourd’hui
du système d’accès aux ARV au Burkina.

Monsieur le Président, jugez-en
vous-même.

Pour contourner l’adoption de la gratuité, les autorités sanitaires ont intégré
des notions telles que l’"indigence", seule condition pour avoir accès à des
ARV subventionnés premièrement à 100% par le Fonds global contre le SIDA
et deuxièmement encore à 100% par le Fonds de Soutien aux Malades et
Orphelins du SIDA (FSMO). Excusez-nous si la phrase est complexe, c’est la
situation qu’elle décrit qui l’est surtout.

Essayons tout de même de suivre le
raisonnement.
Selon les autorités sanitaires, les ARV ne peuvent jamais être gratuits,
quelqu’un a quelque part payé le prix. Cela, nous le savions et la
communauté internationale aussi, avant que ces autorités ne le disent. Pour
répondre à cette évidence universelle, il a été créé le Fonds mondial de lutte
contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose (FG), qui paie à 100% les ARV
des malades du Sud, dont ceux du Burkina. Pour le Burkina Faso, cela ne
suffit pas, quelqu’un doit encore payer pour que le malade accède
gratuitement à ses ARV. Mais comment faire payer un produit gratuit ?

Il faut
nécessairement lui donner encore un coût, par exemple 5 000 F CFA pour les
ARV et 3 000 pour les examens biologiques par mois. Ainsi, comme les ARV
et réactifs arrivés gratuitement au Burkina ont à nouveau un coût, il faut
chercher à nouveau quelqu’un qui va payer. On va faire appel alors à la
solidarité nationale, pas celle pour la participation du Burkina Faso à la CAN
2004, mais une, inopérante et sans initiative.

Avec les maigres ressources
constituées par le FSMO, le secrétariat permanent du Conseil national de
lutte contre le VIH/SIDA "paie" les ARV du FG, au niveau des structures de
santé, qui sont approvisionnées par le Comité ministériel de lutte contre le
SIDA du ministère de la Santé. L’argent versé par le SP/CNLS à la formation
sanitaire est ensuite reversé par celle-ci dans un compte du trésor public
ouvert par le SP/CNLS.

Une épreuve humiliante

En résumé, les ARV arrivent gratuitement au Burkina, les autorités sanitaires
y mettent un prix, elles mobilisent des ressources pour subventionner ces
ARV et récupèrent à la fin les produits de la vente, c’est-à-dire l’argent
qu’elles ont mobilisé. Au delà du caractère rocambolesque (excusez-nous du
mot) de ce système, vous imaginez aisément l’impact de son poids inutile et
nuisible sur l’accélération de l’accès aux ARV au Burkina Faso.

Il a bien fallu mettre en place tout un département chargé de la gestion du
FSMO au sein du SP/CNLS, qui fonctionne peut-être avec un budget
dépassant le montant du Fonds lui-même, et qui aurait pu servir pour des
dépenses opérationnelles (achat de médicaments, formation de médecins,
équipement des formations sanitaires, ....). La notion d’indigence fait
nécessairement appel à des agents sociaux pour la définition et la validation
des cas d’indigence alors que ces agents auraient pu renforcer le système
d’observance et de recherche des perdus de vue.

Les patients déjà marqués
par la maladie, devront subir cette épreuve humiliante de démonstration de
leur pauvreté et se prêter à des questions et des suspicions éprouvantes pour
la dignité d’un homme. Le médecin traitant est souvent alors confronté à un
choix douloureux : arrêter le traitement d’un patient ou violer la mesure
gouvernementale quand l’agent social décrète qu’un malade n’est pas
indigent.

Très souvent, il décide d’être l’avocat du malade auprès du service
social, en plus de la charge insupportable de travail qu’il a déjà.
Résultat, sur plus de 60 000 personnes dans la salle d’attente, seulement un
maximum de 5 000 reçoivent un traitement ARV soit un taux de 8,5%. Le
comble est qu’on en est fier.

Monsieur le président,

Pour nous, aucune structure, aucune personne n’a le monopole de la lutte
contre le VIH/SIDA au Burkina Faso : c’est le sens du caractère
pluridisciplinaire et multisectoriel de la lutte adoptée par le Burkina et
cautionné par la présidence du Faso. Sur le plan de l’accès aux ARV, les
personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont les plus indiquées pour prendre
les décisions les concernant.

Avant de décider de réclamer une contribution
de 8000 F CFA par mois à chaque malade parce que le traitement n’est pas
garanti au-delà de deux ans, a-t-on seulement demandé leur avis ?
Leur a-t-on demandé de choisir entre mourir maintenant sans traitement ou
prendre un traitement qui peut les faire vivre deux ans, mais qui n’est pas
garanti au-delà de ces deux ans ? Si chacun de nous devait répondre à cette
question, qu’elle réponse donnerait-il ?

Course contre la mort

Une année après sa correspondance restée sans réponse à la présidence
du Faso, le RAME a décidé d’exprimer la réponse des PVVIH à travers des
affiches « je m’adresse au président du Faso » affichées dans certaines rues
à travers la ville de Ouagadougou, noyées dans les affiches des candidats à
la présidentielle.

Cette affiche présente une séropositive burkinabè qui
supplie le président du Faso pour avoir ses ARV gratuitement afin de pouvoir
vivre au moins les deux ans du financement actuel. L’état de santé du
personnage a continué à se dégrader pendant son adresse au président du
Faso. A sa dernière phrase, elle ne pouvait plus tenir débout et s’est couchée
 ; elle supplie le président de lui donner deux ans de vie supplémentaire.

Nous avons transmis des exemplaires de ces affiches à tous les partis
présentant un candidat à la présidentielle pour qu’ils n’oublient pas dans leur
course au pouvoir, ces milliers de Burkinabè engagés plutôt dans la course
contre la mort.
Monsieur le président,
Le premier acte historique que vous devrez poser après votre élection, c’est
de sauver cette Burkinabè en déclarant officiellement la gratuité des ARV au
Burkina Faso.

L’affiche qui vous est aujourd’hui adressée est le premier
épisode d’un feuilleton à deux épisodes. Le deuxième épisode se jouera en
janvier 2006 après votre investiture. Elle pourra concerner l’enterrement de la
malheureuse victime par faute d’ARV ou sa gratitude à votre endroit parce
que vous lui auriez sauvé la vie.
Nous nous engageons à vous transmettre cet épisode quelle que soit sa
version, mais nous vous en prions... sauvez-la !

P.J : exemplaires de l’affiche

Pour la Coordination Nationale,
Simon KABORE

Le Pays

Burkina/Affaire “escroquerie de commerçants” : Roch (...)
Burkina/Arrestation de Me Guy Hervé Kam : Le délibéré de (...)
Burkina Faso : Acquisition de 75 véhicules militaires (...)
Burkina : La 53e promotion de l’École nationale de police (...)
Burkina : La douane rend hommage à une soixantaine de (...)
Burkina : Le Programme de développement d’urgence a (...)
Mise en œuvre du projet "Développement circulaire de bio (...)
Burkina/Police nationale : La question du management (...)
Burkina/Région du Centre-sud : L’UNFPA veut réduire le (...)
Lycée mixte de Gounghin : Les promotions 1998 à 2007 (...)
Burkina : Le syndicat des inspecteurs de l’enseignement (...)
Burkina : « Il serait bon que tous ceux qui sont (...)
Koudougou / Conduite de taxi-moto : Plusieurs jeunes en (...)
Burkina/Enseignement : Le gouvernement s’active pour (...)
Burkina / Santé communautaire : La stratégie nationale (...)
Burkina/ Gestion des risques agricoles : L’AP/SFD-BF (...)
Ouagadougou : La Coordination Nationale de Lutte contre (...)
Burkina : Le tableau de bord du commerce et des marchés (...)
Ouagadougou : Des voleurs appréhendés au quartier (...)
Burkina : 1 295 structures éducatives ont rouvert à la (...)
Ouagadougou : Poko libérée d’une grosse tumeur du nez (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36435



LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés