Actualités :: Trafic d’enfants : “Wambra to mea” : C’est à cause de la pauvreté

La scène se déroule dans un quartier de Ouagadougou. Awa Sawadogo (15 ans au moment des faits), l’a échappé belle, ce jour-là. Un homme venait de lui acheter pour cent francs de bananes et lui avait gentiment demandé de les lui déposer dans sa maison.

Ne se doutant de rien, Awa s’exécuta, mais l’homme se précipita dans la maison et referma la porte derrière lui. Awa eut la frayeur de sa vie. Elle cria de toutes ces forces. « Fort heureusement pour moi, nous étions deux et celle qui vendait l’eau glacée a relayé mes cris et les gens ont accouru », raconte Awa Sawadogo. « Elle m’a sauvée ce jour-là, sinon, je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé », soutient-elle.

Lorsqu’elle a tout raconté à sa patronne, pour seule réponse, celle-ci lui dit : « C’est parce que cela te plaît que tu es allée là-bas, chez l’homme-là ». En plus des brimades, elle faisait la vaisselle, la lessive et la cuisine. C’est encore elle qui nettoyait la maison, mais elle était la seule à ne pas manger à sa faim. Parfois certains hommes prenaient les bananes et refusaient de payer.

Mariam Sanguisso, elle, avait 14 ans lorsqu’elle est allée travailler dans la capitale. Elle aussi jure de ne plus recommencer. « J’étais dans une famille au secteur 3 de Ouagadougou. Je faisais la cuisine et le ménage et vendais l’eau glacée. C’était dur, très dur »

Rapide métamorphose

Recueillies par l’Action sociale, Awa et Mariam ont été placées dans un centre de formation. Depuis, Awa a « évolué », selon ses propres termes. Elle est devenue une très belle fille qui sourit enfin à la vie. « Ici, j’apprends la couture, le tissage, la fabrication de savon et je suis heureuse », dit-elle. ». De plus, nous suivons une formation en alphabétisation ». Tout en parlant, Awa hoche de temps en temps la tête, pour mettre en évidence son beau visage que cachent ses nouvelles tresses. « Avant de venir au centre, je ne pouvais ni me chausser, ni me coiffer comme les autres filles. Maintenant, je porte même des mèches ».

En plus d’un petit pécule que leur apporte l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance), la direction du centre donne un peu d’argent aux jeunes filles, à chaque fois que la maison fait des recettes.

Le centre d’apprentissage de l’Action sociale compte aujourd’hui 34 filles. Il a été réhabilité grâce à la contribution de l’ONG FAWE et de l’UNICEF, selon Boukari Zabsonré, directeur provincial de l’Action sociale du Sourou.

Les filles interceptées y sont placées, de même que celles qui vivent une situation de vulnérabilité. En plus des activités sus-citées, elles sont éduquées à la vie familiale. Grâce à un autre appui de l’UNICEF, ces actions ont été appuyées par un stage de terrain de deux semaines auprès du centre Baasnéré des Groupements Naam à Ouahigouya. « Ces activités ont également touché les mères pour les aider à mieux gérer leurs activités génératrices de revenus », dit Zabsonré.

Boukari Zabsonré et ses agents ont cependant conscience que ce n’est pas du jour au lendemain que l’on mettra un terme à la traite des enfants au Sourou. Ici, il s’agit surtout de trafic interne, les principales victimes étant les filles. « Les trafiquants changent souvent de stratégie », indique Zabsonré. « Une fois six filles du village de Domandé, dans le département de Toéni ont été interceptées par le syndicat des transporteurs, qui est membre du CVS. Nous sommes allés sur place avec les forces de l’ordre. Les filles semblaient être seules, mais apparemment, quelqu’un les suivait à distance ».

« Mon enfant ira à l’aventure »

Le pire est que certaines personnes ne veulent rien y entendre. Une femme d’un village appelé Kuy en pays bwamu, n’a-t-elle pas rétorqué au noyau relais : « Mon enfant partira à l’aventure, sinon comment vais-je me débrouiller « Ko Drabo est du noyau relais de Dagalé. Pour lui, la lutte sera rude car certaines personnes vivent dans le dénuement total et sans perspectives. Selon lui, les plus réfractaires seraient les jeunes garçons. Ainsi certains lui ont dit : « ...Il est beaucoup plus douloureux de vivre dans la misère chez soi, sans espoir de pouvoir améliorer sa situation. ». Aussi, c’est devenu un leitmotiv chez les populations ; demandez à un ressortissant de Tougan ou de Toma, la principale cause de cet exode des jeunes vers les grandes agglomérations, il répondra immanquablement : « Wambra to méa » (« C’est à cause de la pauvreté » en langue nationale san).
En effet, 46,4% de la population burkinabè vit en dessous du seuil de pauvreté estimé à 82 672 FCFA par adulte et par an.La pauvreté, indique l’UNICEF, est la cause fondamentale de plusieurs maux dont souffrent les enfants : taux élevés de mortalité et de morbidité, privation de l’un au moins des biens et services de base dont ils ont besoin pour survivre, se développer et s’épanouir.

Ainsi, dans les pays en voie de développement, plus d’un enfant sur cinq n’a pas accès à l’eau salubre et un sur sept n’a aucun accès aux services de santé essentiels. Voilà qui rend la lutte un peu plus compliquée au Sourou, l’une des provinces les plus frappées par le phénomène. Cela témoigne aussi de la faiblesse du tissu économique de cette province qui pourtant ne manque pas de potentialités, à l’image des vastes plaines inexploitées du Sourou.

« Quand mes parents retrouveront mon acte de naissance... »

De plus, le manque d’infrastructures scolaires favorise l’analphabétisme, l’irresponsabilité parentale faisant le reste. Ainsi, Adéline Kantiono, 13 ans, vêtue d’une camisole rouge et noire, n’a pas pu passer l’examen du CEP l’année écoulée. « Mes parents ont égaré mon acte de naissance », dit la petite, sans savoir que cette grossière faute parentale aura des conséquences possiblement irréparables pour sa vie. En attendant une hypothétique pièce d’état civil, Adéline est sortie de l’école et personne ne semble s’en préoccuper. « Quand mes parents retrouveront mon acte de naissance, je retournerai au CM2 », dit-elle, naïve.

En matière de lutte contre le trafic d’enfants, la responsabilité des parents est fortement déterminante. Aussi, si les comités de vigilance et de surveillance (CVS) et les noyaux relais doivent redoubler d’effort, les populations se doivent d’adopter un nouveau comportement en protégeant et en surveillant leurs progénitures. C’est là le sens du combat engagé depuis 2001 par le gouvernement à travers le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale et l’UNICEF, à travers la création des noyaux relais et des CVS. Il semble qu’en la matière, les femmes se sont montrées plus réceptives aux messages que les hommes.

Tara Yaro est membre du noyau relais de Dagalé, a elle-même été trafiquée, alors qu’elle n’avait que 15 ans. “Quand j’étais jeune, je suis allée à l’aventure à Tougan. Ça vaut 20 ans aujourd’hui. Je ne veux pas que mes enfants aillent à l’aventure à cause des maladies et des séquelles qu’elles risquent de garder toute leur vie ».

Et Tara Yaro de citer le cas de sa voisine revenue de Ouagadougou avec une grossesse indésirable dont l’auteur n’est même pas connu.

« Après trois ans elle a retrouvé ses parents dans le même dénuement qu’avant son départ. Avec une femme en grossesse à entretenir, leur situation a empiré ».

Un air pour changer d’air

Dans la région de la boucle du Mouhoun, la coordination des activités du PIC (Plan intégré de communication) a été confiée à la radio Fréquence espoir basée à Dédougou. Les villageois, en quête d’activités surtout en période sèche, ne se font pas prier pour prendre d’assaut ces aires réservées aux événements majeurs. Ces ciné-débats, jeux radiophoniques, émissions de débats publics, théâtre forum et autres concerts de sensibilisation drainent toujours une foule des grands jours, comme ici à Bourasso. Cette dernière activité consiste à inviter trois chansonniers dans chaque village, à composer des chansons sur le thème trafic et travail des enfants. « Quand nous nous rendons dans le village, nous organisons un concert avec ces mêmes artistes, et chacun exécute sa chanson. Après chaque chant, nous faisons un débat autour du thème en collaboration avec l’artiste » explique Sawadogo, directeur de la radio. « Toutes ces émissions sont rediffusées par Fréquence Espoir ».

Les difficultés ne manquent pas cependant. Ainsi, le matériel de reportag (appareils d’enregistrement, bandes, micros) est insuffisant. De même, la région de la boucle du Mouhoun, qui couvre six provinces, est très vaste. Les quinze agents de la radio ne peuvent pas couvrir toute la zone. En vue de mieux faire le travail, les responsables de Fréquence Espoir ont tissé des partenariats avec des radios locales ou des prestataires sur place. « Dans la province des Banwa par exemple, c’est la radio communautaire Lutamu qui exécute les activités et nous, nous jouons le rôle de superviseur « , indique Camille Sawadogo, directeur de la radio Fréquence Espoir.

Abdoulaye GANDEMA

Sidwaya

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