Aperçu historique du peuplement de Tansila : De Tissala à TansilaLEFASO.NET | David Demaison Nébié
jeudi 10 mai 2018.Le village de Tansila est divisé en deux par une rivière appelée Djodou(qui veut dire « Là où tout le monde se ravitaille en eau »). Cette rivière, qui vient du Mali,traverse plusieurs villages du Sud au Nord. En outre, la quasi-totalité des rivières se jette dans le Djodou. Bouo Douba Dioma en est le chef de terre. Il serait né vers 1928 et est le 26e de sa lignée. Son nom de famille, Dioma, signifie « la fierté » ; Bouo signifie « a vu le jour » et Douba incarne le nom d’un fétiche important qui aurait beaucoup contribué à réguler les comportements sociaux dans le village. Aujourd’hui, frôlant 90 ans, le garant des coutumes de Tansila scrute l’avenir avec une certaine inquiétude qui se lit sur son visage. Il se demande si après sa génération, les successeurs pourront garantir la quiétude des mannes. Mince, taille moyenne, visiblement fatigué par la maladie et l’âge, le vieux Bouo Doubaa fait des efforts pour répondre à nos préoccupations avec intérêt et précision. Selon lui, la chefferie de Tansila est réservée à la famille Dioma et se transmet de père en fils. Le quartier bobofing, depuis sa création, comporte des maisons en banco juxtaposées les unes sur les autres, avec des touffes d’herbes sur les toits, donnant l’impression d’un site abandonné. Mais un détour dans ces semblants de ruines fait remarquer la présence de vieilles personnes qui refusent de rejoindre les nouveaux quartiers créés par leurs enfants. Ces sexagénaires n’entendent passe séparer des traces de leurs ancêtres,d’autant plus que les maisons en banco abritant les fétiches du village y sont. Ce site ancestral est d’office exclu du projet de lotissement envisagé par la mairie.
Le responsable coutumier nous raconte l’histoire de Tansila : « Bien avant la colonisation, il y avait trois frères de la même famille qui habitaient dans le village de Sagweta (dans la commune voisine de Sami). A la suite d’une mésentente, ces trois frères à savoir Kounoun, Koutié Et Koyaquittèrent Sagweta avec leurs épouses. Après un séjour d’une année à Badinga, ils se déplacèrent à Gwara où ils passèrent neuf années. A la suite d’une autre mésentente, ils prirent de nouveau la fuite. La femme de Kounoun étant enceinte, il fut obligé de s’installer avec elle à Kira, tandis que les deux autres frères décidèrent de poursuivre la fuite. A la suite d’un long parcours,Koutié et Koya, épuisés, furent obligés de s’arrêter. Ils créèrent alors le village de Tawé qui veut dire « la fin de la course ou la fin de l’aventure ».Koutié eut un enfant du nom de Wrokalé. Ce dernier était un grand chasseur.
Le lendemain,Koutié accompagna son fils avec une poule blanche dans la forêt pour voir le petit génie qui accepta de les recevoir. Ce dernier les conduisit chez son père. Koutié s’adressa au vieux génie pour exprimer sa satisfaction puis lui demanda l’autorisation de s’installer auprès d’eux dans la forêt. Les génies répondirent : « Nous sommes favorables mais la condition c’est qu’on puisse vous trouver un site. C’est ainsi que Koutié découvrit un site à l’ouest de la forêt. Il répartit chez les génies pour leur faire part de sa découverte. Ces derniers donnèrent leur accord. Koutié et sa suite s’installèrent. On appela cette forêt « Tieyi » c’est-à-dire dire « la grande forêt ». Les génies devinrent ainsi leurs protecteurs. Koutié et Wrokalé retournèrent à Tawé. Ils passèrent l’information aux habitants du village de Copinnê. Ceux-ci décidèrent de rejoindre les autres dans la forêt. Ce fut donc la création d’un nouveau village qui porta le nom de Tissala que le colonisateur transforma en Tansila. Au milieu de cette forêt se trouvait une source d’eau. Cette source d’eau était le plus grand puits du village. Il est toujours fonctionnel et est aujourd’hui appelé « Kirecama-dourou » qui veut dire « le puits des autochtones ».
Rappelons que le village de Tansila est érigé en commune rurale depuis 2006 avec l’avènement de la décentralisation.La localité compte 26 villages administratifs.Cette commune est passée de 23 258 habitants en 1996 à 27 714 âmes en 2004 pour atteindre 30 600 habitants en 2006. Elle s’est retrouvée avec 37 981 habitants en 2013. Si cette tendance est maintenue, selon les projections, la population de la commune pourrait atteindre 44139 âmes en 2018. Les autochtones de Tansila sont constitués de l’ethnie bobofing et les noms des principales familles sont Dioma, Kiénou, Coulibaly, Cissé et Sanou. La commune a accueilli par la suite une importante population de migrants majoritairement des Mossé. Trois religions y sont pratiquées à savoir le christianisme, l’islam et la religion traditionnelle. Ces trois religions cohabitent en symbiose. Salif Ouédraogo et son frère Adama seraient les premiers Mossé musulmans à s’installer sur le sol de Tansila. C’est ainsi que la première mosquée a été construite dans le quartier Coco qui signifie « derrière le marigot » en langue dioula.
Dans un passé récent, des vieux étaient doués dans les soins des morsures de serpents et d’autres étaient des rebouteurs renommés. Mais ce que l’on déplore, c’est que ces spécialistes sont morts sans léguer leur secret à la progéniture. On note aussi la disparition de certaines plantes médicinales avec la dégradation progressive de la nature. La commune de Tansila regorge de beaucoup d’intellectuels disséminés dans l’administration. On peut citer entre autres Jean Claude Dioma, ministre de la Culture sous la Transition et Jean Bosco Kiénou, actuel directeur général de la Police nationale. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ] David Demaison NEBIE |
Vos commentaires
1. Le 11 mai 2018 à 07:15, par ouedraogo Halidou En réponse à : Aperçu historique du peuplement de Tansila : De Tissala à Tansila
bonjour,
j’ai aimé l’histoire comme toutes les histoires des peuples que je dévore à travers tous les médias. seulement pour celle de Tansila, j’ai essayé vainement de localiser le village sur la carte du Burkina Faso.
2. Le 17 mars 2022 à 20:09, par ONADJA En réponse à : Aperçu historique du peuplement de Tansila : De Tissala à Tansila
Après avoir lu l’histoire de ce village, j’ai beaucoup appris de ses peuples. Et cette histoire nous montre clairement que l’Afrique en générale et le Burkina en particulier a toujours des valeurs ancestrales à préserver et transmettre aux générations futures. Par ailleurs j’ai remarqué qu’en dépit de la modernisation les autochtones sont restés attachés aux premières constructions. Enfin la présence massive des étrangers montre l’hospitalité de ce village. Malheureusement, les détenteurs de la science ancestrale meurent avec. Il appartient donc à la jeune génération de faire leur faire des approches afin de connaitre et de sauvegarder l’histoire de cette partie du Burkina.