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Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

Opinion
mardi 10 avril 2018.

 

Dans cette lettre ouverte, Sékou Traoré, réalisateur, producteur et directeur de Production tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de francs CFA accordé, en urgence, par le président du Faso pour soutenir le cinéma burkinabè à l’occasion du cinquantenaire du FESPACO en 2019.

« Lettre ouverte à propos du milliard… »
A Monsieur le Conseiller Spécial du Président du Faso pour les Affaires Culturelles
A Monsieur le Ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme
A Monsieur le Directeur de la Cinématographie et de l’Audiovisuel
A Monsieur le Président de l’Union Nationale des Cinéastes du Burkina

J’étais assis comme des milliers de burkinabé en train de suivre les dernières minutes du palmarès du Fespaco 2019, (pas 2017, je dis bien 2019)
Aucun film burkinabé de long métrage n’était « étalonable » ni en or, ni en argent, ni même en bronze, puisqu’aucun film burkinabè ne faisait partie de la Compétition Long Métrage Cinéma.

Les séries TV et court métrage avaient subi le même fiasco, en se consolant comme d’habitude avec des 3ème et 4ème places. Une fois de plus Fespaco rimait avec fiasco.
C’est alors que le Président…du Faso se pencha à l’oreille de son Ministre de la Culture pour comprendre ce qui s’était passé.
- Le Président : vous avez fait quoi avec mon milliard ?
- Le Ministre : euh…en fait on…a donné 325 millions à 2 long métrages chacun…mais ils n’ont pas été sélectionnés.
- Le Président : et c’était les meilleurs du Burkina ? Où sont passés tous les cinéastes de ce pays ?
- …silence
- Le Président : je ne comprends pas, où est le Directeur du Cinéma ?
- Directeur du Cinéma : en fait nous avons lancé un appel à projets, mais ceux qui ont participé c’est ceux qui étaient à jour de leurs impôts et de la CNSS, les autres n’étaient pas à jour de tout ça.
- Le Président : Ah oui, pendant qu’on y est, est-ce qu’ils étaient à jour de leurs factures Sonabel, de leurs factures ONEA, de leurs loyers ? Attends, je parle au Directeur du Cinéma ou à Madame la Ministre des Finances ?
- …silence
- Le Président : vous me restituez mon milliard quand, vous et votre Ministre ?

Pour ceux qui n’ont pas compris ces échanges imaginaires entre Son Excellence le Président du Faso, et les responsables actuels de la culture, je vous fais un petit « rewind » pour que compreniez.

Il y a de cela quelques mois, un groupe de cinéastes est allé voir le Président du Faso pour lui expliquer la situation critique que traverse le cinéma burkinabé, et lui demander un appui spécial de un (1) milliard de francs cfa.
Le Président a bien voulu accorder ce milliard afin que le Burkina puisse avoir des films à la hauteur du Cinquantenaire du Fespaco qui correspond à l’édition de 2019.

En rappel depuis 1993 avec « Buudiam » de Gaston Kaboré, aucun autre film burkinabè n’a remporté le fameux étalon de Yennega, pendant que les cinéastes d’autres pays l’ont même remporté 2 fois (Souleymane Cissé, Alain Gomis) et d’autres pays l’ont embarqué 3 fois (Mali, Sénégal, Maroc).
Le cinquantenaire qui se profile risque de ressembler encore aux autres Fespaco, dans ce que nous appelons encore Pays du Cinéma, qu’il convient d’appeler maintenant Pays du Fespaco, à l’allure où vont les choses.

Par rapport à cet appui spécial du Président, un appel à propositions a été lancé, avec à la clé, deux longs métrages qui seront subventionnés à hauteur de 325 millions de fcfa chacun, les autres catégories de films, à savoir, courts métrages, séries TV, documentaires etc… se partagent les 300 millions environ restants.

Mais le but de cet article, c’est d’attirer l’attention de son Excellence le Président du Faso, et des autres autorités de l’Etat citées plus haut, et en prenant tous les cinéastes à témoin, sur une des clauses de cet appel à projets. C’est la clause sur l’obligation pour tout cinéaste ou société de production de films d’être à jour vis-à-vis des impôts et de la Caisse de Sécurité Sociale avant de pouvoir soumissionner à cet appel à projets.

Je ne suis pas en train de dire de faire une quelconque dérogation aux cinéastes, non.
Les cinéastes sont des citoyens comme les autres ils doivent payer leurs impôts, (on pourra revenir dans un autre article sur les crédits d’impôts octroyés sous d’autres cieux pour encourager la production cinématographique, mais ça c’est un autre débat).
Je dis seulement ceci, ce milliard a été débloqué pour résoudre une situation d’urgence, face à un objectif clair, avoir des films dignes de ce nom, au prochain Fespaco. Et nous sommes à sept mois de la clôture de la sélection de ce prochain Fespaco (31 octobre date limite, tous les films doivent être prêts ou au moins leurs copies de travail ).

Alors permettez au maximum de productions de soumettre leurs projets, nous avons des centaines de jeunes cinéastes de talent, des dizaines de cinéastes séniors de talent, pourquoi les empêcher de participer à cet appel par une telle clause. Cette clause est-elle efficace, opportune, utile face à l’objectif visé par le Président ?

Ma proposition est très simple, permettez au maximum de cinéastes de participer à l’appel pour avoir un maximum de bons projets. Et quand un projet est retenu, au moment du premier déblocage, si le lauréat doit recevoir 60%, il recevra d’abord 40% par exemple, il ira se mettre à jour de ses obligations fiscales et de CNSS, avant de rentrer en possession du reliquat de 20% de ce premier déblocage.
Qu’est-ce que le Ministère des Finances aura perdu ? Rien
Qu’est-ce que le Ministère de la Culture aura perdu ? Rien
Qu’est-ce que son Excellence Monsieur le Président du Faso aura gagné ? Tout, sinon la garantie que son argent a été intelligemment utilisé, que toutes les précautions ont été prises pour que le pays ne baisse pas la tête lors de ce Cinquantenaire.

Est-ce que je demande l’impossible, Monsieur le Conseiller spécial du Président pour les Affaires Culturelles ? Non, juste la souplesse face aux objectifs que nous visons tous. Et nous sommes à une semaine de la clôture de l’appel à projets en question.

Ouvrons les yeux, la compétition se passe avec toute l’Afrique et la Diaspora, et les pays comme le Maroc, la Tunisie , l’Afrique du Sud, et même le Mali sont déjà en tournage, ou en phase de postproduction. Mais on peut aussi attendre le bicentenaire du Fespaco…

Très Cordialement à vous tous.

Sékou Traoré
Réalisateur/Producteur
Directeur de Production sur les tournages
burkinabé et étrangers.



Vos commentaires

  • Le 10 avril 2018 à 17:35, par Daouda SORE En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    C’est avec intérêt que j’ai lu l’article. Je pense qu’au Burkina il faut qu’on cesse de se mettre les battons dans les roues . votre proposition est pertinente et une suite doit être donnée . Plus on aura beaucoup de projet mieux la sélection serait de qualité . l’esprit dans ce projet n’est pas de pouvoir payer des impôts c’est représenter dignement la nation et ça n’a pas de prix. merci d’avoir attirer l’attention.

  • Le 10 avril 2018 à 18:45, par Tchakoto En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Bravo mon frère... Je crois que le bicentenaire est mieux ici. A bon entendeur, salut ! Wassaramada !....

  • Le 10 avril 2018 à 18:51, par Hoyigan En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Trop de bureaucratie tue le développement ! et dans notre cas, c’est la création artistique qui va agoniser du hiatus entre notre administration publique et le secteur de la culture. Merci Sékou Traoré pour cette interpellation ! Bravo pour la pertinence et l’originalité de la proposition. Comme quoi, notre administration a besoin d’une bonne dose de créativité dans la pratique des principes de la bonne gouvernance. Il n’y a pas longtemps, nous avons assisté à un appel à projets qui visait à soutenir la production de 3 films courts métrages de jeunes cinéastes. Figurez-vous que cet appel s’est révélé infructueux Dans un village mossi, à quelques kilomètres de Ouagadougou, un jeune paysan, Bila, décide de se rendre en Côte-d’Ivoire pour chercher du travail.
    Il reçoit l’accord de ses parents et se voit confier une mission : celle d’amener la promise Pogbi à son fiancé Raogo qui réside là-bas depuis une dizaine d’années. Or la jeune fille ne connaît pas ce fiancé et est amoureuse de Rasmané. Au cours du voyage celle-ci s’enfuit à l’étape de Ouagadougou.
    Le film prend un tournant avec l’escapade de la jeune fille qui débouche sur des rendez-vous manqués avec le destin et des chamboulements dans la vie de ces personnages. Bila pourra-t-il réaliser son rêve de la Côte-d’Ivoire ? Les amoureux Pogbi et Rasmané réussiront-ils à se marier au grand dam de leurs parents et des traditions ? Qu’adviendra-t-il du « Pawego » Raogo ?
    de la trentaine de projets inscrits ne "méritait" pas d’être soutenu. Si on n’y prend garde nous risquons de vivre en direct le scénario catastrophe imaginé par Sékou. Il faut marteler qu’il faut que l’objectif premier de ce financement est la "bonne représentativité de la production cinématographique nationale au cinquantenaire du FESPACO en 2019. Même si la forte présence de films burkinabè dans la sélection officielle de ce festival compétitif ne garanti pas les lauriers de l’Etalon, il ne faut quand même pas se faire hara kiri avant le top départ quand même !

  • Le 10 avril 2018 à 20:49, par STARCK En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Koro TRAORE tes propositions sont pertinentes malheureusement entre vous cinéastes vous ne parlez pas de la même voix. Conséquence : le cinéma burkinabè est dans "l’œil du cyclone" sui mon regard. Espérons que le Président et les autres t’entendront.

  • Le 10 avril 2018 à 23:10, par Ignorance En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Malgre vos bonnes propositions ,reconnaissons que le cinema est un gouffre à sous sinon .Pourquoi. le nigérians s’en sortent et pas nous.inspirons nous de la réussite des autres au lieu de trouver les problèmes ailleurs. Je pense qu’un citoyen qui ne connait pas le poids de la charge fiscale sur le contribuable ne peut utiliser judicieusement la contribution (subvention) qui lui est donnée grâce à l’effort des autres.bonne chance tout de même à ceux qui se battent vraiment pour émerger du lot.

  • Le 11 avril 2018 à 05:56, par KIENDREBEOGO issaka tel 70189806 En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Bien dit Mr Traore ; mais le FESPACO est une affaire et une fierté nationale et ne doit pas être l’apanage des seuls cinéastes ; lancez un appel à idées pour tous les citoyens burkinabe et la diaspora er vous aurez les meilleurs films du monde. Il nous faut un orgueil et un sursaut national ; en 2019 le burkina doit remporter l’étalon de yennenga ou rien.

  • Le 11 avril 2018 à 08:16, par Mafoi En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Voilà encore un milliard qui ira en fumée comme nous avons l’habitude d’en faire.En comparaison,je prends le seul exemple de la célébration du 11 décembre des régions.C’est une vraie catastrophe.On débloque des milliards à un an des fêtes pour construire des infrastructures qui ne tiennent pas la route sans oublier les détournements qui restent un vrai national.Je ne suis pas du milieu du cinéma mais même si les choses se faisaient comme voulait monsieur Sékou Traoré,je ne suis pas certain que le produit final sera de qualité.Un bon film ne se fait pas en un an

  • Le 11 avril 2018 à 09:28, par Raso En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    bjr, je ne suis pas d’avis avec cette proposition car les 1 milliard du président vient des impôts du contribuable burkinabé. en aucun cas on ne doit permettre aux entreprises en situation irrégulière d’en profiter. ces cinéastes peuvent aussi sous traiter avec leur projets avec d’autres qui sont a jours de leur impôts. le problème au BF c’est individualisme chacun veut réussir seul. il faut que cette forme d’incivisme(non payement impots, FC, détournement, mal gouvernance, etc) cesse si nous voulons un burkina prospère.
    Merci bien

  • Le 11 avril 2018 à 12:53, par Vincent En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Quand on est un citoyen, un vrai, on s’acquitte de ses impôts et de ses obligations vis à vis de ses employés. Est ce trop demander ?? Je ne crois pas. Et puis, Monsieur Traoré, fais ton plaidoyer pro domo mais évite les comparaisons avec d’autres pays et surtout des expressions comme "même le Mali.." cela peut être blessant pour un pays frère et ami qui n’est surement pas le dernier, malgré sa situation à laquelle nous avons d’ailleurs contribué largement. Un jour viendra inchallah ou tous nos micros états seront un même pays.

  • Le 11 avril 2018 à 14:12, par Jerkilo En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Est-ce un appel d’offres pour une prestation de bien commercial ou de service ou un appel à candidature ? Est-ce que la production ou l’oeuvre cinématographique peut être classée dans les mêmes catégories que les fournitures de biens et services ou une consultation ou prestation intellectuelle ? Est-ce qu’on demande,par exemple, aux enseignants vacataires de payer des taxes et impôts avant d’assurer leurs cours ? Je me demande si ce n’est pas une forme de mesquinerie, de jalousie ou même de sabotage.

  • Le 12 avril 2018 à 10:08, par Djibgèra En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Je pense que ce qui se trame au Ministère de la Culture résulte du laxisme que nos autorités observent dans les prises de décisions capitales. L’art n’est pas un bien commercial et le cinéma est une œuvre d’esprit. Tout le monde le sait très bien comment les pauvres cinéastes se débattent pour faire leurs films qui deviennent des propriétés de toute la nation. Mais ces beaux films qui ont été fait ou qui se font, nous nous sommes demandés comment ils sont produits ? Avec quels fonds ? Non on se demande jamais ça. D’autres pays d’Europe et d’Amérique décident seulement de soutenir un projet de réalisateur Burkinabè parce que le sujet traité est un chef d’œuvre. Ils financent avec l’argent de leurs contribuables.
    Comment on peut comprendre que chez nous même, on dise que le cinéma national est imposable ?
    Les premières autorités de ce pays doivent prendre leur responsabilité et faire du cinéma un canal de valorisation de la culture Burkinabé.

  • Le 14 avril 2018 à 22:56, par Vieux Baba En réponse à : Cinéma burkinabè : Sékou Traoré tire la sonnette d’alarme sur la gestion du milliard de FCFA du président du Faso aux cinéastes

    Hey arrêtons de nous flatter ! Deja le Fespaco risque d’être un fiasco en lui-même à cause de l’organisation déplorable dont le comité est devenu spécialiste. Le vrai problème est là. Le fait d’avoir un film étalon c’est très bien. Mais peut-être faudrait-il encore pouvoir organiser la manifestation de manière satisfaisante pour que les professionnels du milieu reconnaissent de nouveau le Fespaco comme un lieu où il faut être. C’est la première étape et c’est mal barré soyons honnêtes avec nous-mêmes. Ensuite cette question d’impôts c’est vraiment se caricaturer nous mêmes que d’exiger ça. Si urgence il y a il est évident que la régularisation doit se faire dans un second temps. S’il n’y a pas l’argent pour faire un film, vous croyez vraiment qu’il y en a pour payer les impôts ? Soyons sérieux. Les impôts seront payés mais il faut qu’il y ait un décalage dans le temps sinon ça n’est pas faisable.
    Pour finir je dirai même que tout ça c’est du vent car toute personne qui connaît un peu le cinéma sait très bien qu’on ne fait pas un bon film en une année. Hors la clôture c’est dans 6 mois. Quelqu’un ici pense qu’on va récupérer l’étalon en faisant un film en 6 mois alors que les autres pays ont été moins stupides que nous et ont bossé leur sujet depuis 2 ans !
    Fespaco 2019 c’est cuit pour Un film burkinabè soyons sérieux. Maintenant il reste à travailler l’organisation du festival en lui-même pour nous évitons la honte totale et la disparition même du Fespaco en tant que festival reconnu internationalement. On est pas loin de la cata ça c’est sûr walay ! Pourquoi aimons-nous trop faire les choses façon façon à la dernière minute. Voila on a réussi à se prendre à notre propre piège. Les autres pays sont préparés depuis deux ans avec des aides internationales et des coproductions internationales. En six mois ? Ahahahah mais les gars vont rigoler correctement en nous voyant batailler sur des impôts 6 mois avant la clôture... je vous souhaite à tous bien du courage. Même en travaillant chaque jour nuit et jour ça ne fait que l’équivalent de 1 année. Ahahahah. Afrique du Sud ? Maroc ? Rdc ? Kenya ? Y’a du monde qui attend son étalon. REGardez les autres festivals (Berlinale, Cannes, etc.) ils seront là eux...