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Eau potable : Gare aux composés perfluorés de plus en plus nombreux

vendredi 5 janvier 2018.

 

L’époque moderne a été essentiellement marquée par le développement de l’industrie chimique dans le monde occidental, c’est-à-dire la pétrochimie, la sidérurgie, l’agriculture, la médecine et diverses applications industrielles des produits issus de l’industrie chimique. Le tout au service de l’homme, mais…

Bien que l’industrie chimique soit essentielle à la société post-moderne, cela ne va pas sans inconvénients : les déchets, notamment les produits chimiques, polluent l’atmosphère, les eaux douces (lacs, rivières et réservoirs), les eaux souterraines, les océans, les sols, les sédiments, la faune et la flore.

Ces dernières décennies, les problématiques liées aux composés perfluorés, classés comme polluants organiques persistants par la convention de Stockholm en 2009 et retrouvés dans l’ensemble des compartiments environnementaux (eau, air, sol/sédiment et biote), ont suscité un intérêt grandissant. Les perfluorés sont notamment utilisés dans certaines applications industrielles telles les mousses anti-incendie et les revêtements antitaches pour les emballages alimentaires et les textiles etc. Par des mécanismes complexes, les perfluorés se retrouvent dans les eaux souterraines ou de surface utilisées pour la production d’eau de boisson.

La consommation de nourriture constitue la principale source d’exposition aux perfluorés chez l’humain. L’eau de boisson pourrait être une source additionnelle d’exposition aux perfluorés qui sont fréquemment détectés dans le sang des Nords américains. Selon plusieurs études, une exposition à ces composés pourrait entraîner des effets sur la santé humaine (*) (voir l’astérisque plus en bas pour les éclaircissements sur les effets et revenir pour la suite de la lecture). Il s’agissait dans la présente, d’étudier la dissémination dans l’eau potable des composés perfluorés au Burkina Faso, au Canada, au Chili, en Chine, en Côte D’Ivoire, aux États-Unis, en France, au Japon, et au Mexique dans un contexte d’analyse de risque.

Méthodologie

Dans la présente étude, une campagne d’échantillonnage a été menée au Canada, au Burkina Faso, en Côte D’Ivoire, au Chili, en Chine, en France, au Guadeloupe (territoire français d’outre-mer), au Japon, au Mexique et aux États-Unis afin de renseigner les niveaux de 133 perfluorés dans l’eau potable (embouteillée et robinet).
- Une méthode analytique exacte et précise, l’extraction sur support solide automatisée suivie de la chromatographie liquide haute ultraperformante, le tout couplé à la spectrométrie de masse haute résolution, a été choisie, validée et appliquée pour identifier ces composés et les quantifier.
- Afin d’identifier d’éventuelles différences ou similitudes entre échantillons, des techniques de statistiques multivariées et inférentielles ont été mises en œuvre.

Résultats

D’une manière générale, les concentrations en perfluorés dans les eaux des différents pays sont comparables à une exception près.
- La contamination en perfluorés des eaux de boisson varie en fonction de plusieurs facteurs : selon la nature même des composés perfluorés (insoluble, peu soluble ou soluble dans l’eau), selon le type d’eau de boisson (eau de robinet ou eau embouteillée), selon la source d’eau de robinet (eau souterraine ou eau de surface).

- Les eaux embouteillées quels que soient leurs lieux (Burkina Faso, Canada, Côte D’Ivoire, Mexique) de prélèvement ou leur source, les concentrations en perfluorés n’excèdent généralement pas 1 nanogramme par litre (l’équivalent de la concentration d’un cube de sucre dissous dans le stade de 4 août plein d’eau) et les perfluorés y sont moins fréquents (moins de 50%) que dans les eaux de robinet.
- Les perfluorés sont plus fréquents (64-92%) dans l’eau de robinet et les concentrations en perfluorés les plus toxiques n’excèdent pas 5 nanogrammes par litres (l’équivalent de la concentration de 5 carreaux de sucre dissous dans le stade de 4 Août plein d’eau)
- Quelques échantillons du Burkina Faso ont présenté par contre des concentrations assez élevées dans la partie Est du pays.
- Certaines eaux de robinet ayant comme source souterraine (Burkina Faso (l’Est du pays), Canada, Chili, Côte D’Ivoire) sont moins contaminées que celles ayant les eaux de surface comme source
- De nouveaux composés perfluorés non ciblés ont été identifiés dans les eaux de robinet du Burkina Faso, du Canada, du Chili, de la Côte D’Ivoire, de la Chine, de l’EU, et des USA par une technique qui combine plusieurs types de balayage en spectrométrie de masse haute résolution

Conclusion : Que veulent-ils dire les résultats ?

Plusieurs agences réglementaires responsables à travers le monde ont pris des mesures pour protéger leur population de façon générale des effets néfastes des perfluorés en adoptant des critères et de contrôles stricts pour tenter de juguler la contamination des eaux en perfluorés. De plus, des chercheurs scientifiques ont suggéré d’autres critères pour protéger les populations les plus à risque ou vulnérables, c’est-à-dire les jeunes enfants. Ainsi, en tenant compte des études toxicologiques poussées, l’agence réglementaire pour la protection de l’environnement des États-Unis (US-EPA) a proposé un critère de qualité qui signifie « interdit de boire » lorsque les perfluorés sont détectés dans l’eau potable au-dessus de 70 nanogrammes de perfluorés pour un litre d’eau pour protéger les populations américaines des effets toxiques.

D’après une certaine communauté scientifique, il faudra même des concentrations en perfluorés dans l’eau en dessous de 1 nanogramme par litre c’est-à-dire l’équivalent de la concentration d’un carreau de sucre dissous dans le stade de 4 Août plein d’eau pour éviter une diminution de la réponse immunitaire aux vaccins des jeunes enfants. Au regard ce qui précède et des résultats en concentration de perfluorés obtenus dans la présente étude, nous affirmons que les concentrations auxquelles les populations y compris les burkinabè, sont exposées, nous n’avons pas mis en évidence d’effets toxiques et cancérigène des perfluorés pour les consommateurs de l’eau potable. Toutefois, à cause des incertitudes qui existent sur leurs effets potentiels à faibles concentrations, il existe un consensus parmi la communauté scientifique selon lequel il convient de demeurer prudent vis-à-vis de ces substances particulièrement pour les jeunes enfants.

Ouverture :
Cette conclusion est-elle vraie pour les substances autres que les perfluorés présentes dans l’eau potable du Burkina Faso et de la Cote D’Ivoire ? La réponse à cette question est à venir.

NB : Ce travail a été publié dans un Journal scientifique européen « Science of Total Environment (STOTEN) » et est à accès libre jusqu’au 12 février 2018. Pour plus d’information suivez ce lien : https://authors.elsevier.com/c/1WGpRB8cccos5

L’auteur de l’écrit :
KABORE Arzouma Hermann
Candidat au Ph.D au département de chimie
Université de Montréal, Canada

(*) Les effets sur la santé humaine sont fondamentalement liés à ces facteurs : Toute l’information nécessaire à la reproduction de la vie est contenue dans l’ADN (Acide DésoxyriboNucléique) présent dans le noyau de toute cellule vivante. L’ADN est fait de l’assemblage de composants chimiques au nombre de quatre qui sont des bases appelées A, T, G et C. Ces bases se lient entre elles et forment de longs brins qui s’associent deux à deux pour former une structure en double hélice. C’est la séquence dans laquelle sont ordonnées les bases le long de l’hélice qui constitue le code génétique, c’est-à-dire l’information nécessaire à la synthèse des protéines qui vont contrôler et permettre soit la catalyse chimique dans les organismes vivants (chez l’homme par exemple), soit être des agents régulateurs de la croissance et du métabolisme. Le métabolisme est l’ensemble des mécanismes chimiques qui permettent à tout être vivant de décomposer des substances complexes en composés plus simples, par une série de réactions qui vont fournir à l’organisme l’énergie dont il a besoin pour respirer, mouvoir, parler, réfléchir, croitre etc. Les perfluorés, compte tenu de leurs caractéristiques intrinsèques (qui repoussent à la fois l’eau et les graisses), peuvent interagir par contre avec ces protéines et changer le cours de l’histoire (retarder la croissance ou conduire à d’autres effets plus sévères comme les cancers) particulièrement pour les sujets les plus vulnérables. D’ailleurs, plusieurs études avec des animaux (rat, souris, singe dont la structure physiologique est proche de l’humain) exposés au laboratoire indiquent clairement une augmentation du poids du foie et des dommages des cellules hépatites, de retard de croissance chez ces animaux et dans certains cas des cancers de testicules et de reins etc. (s’il vous plait, retournez directement dans la partie « contexte et motivation » pour la suite de la lecture).



Vos commentaires

  • Le 5 janvier 2018 à 16:00, par Truth En réponse à : Eau potable : Gare aux composés perfluorés de plus en plus nombreux

    Good job brother. Merci de tirer notre attention sur les effets néfaste que joueraient les perfluorés sur la santé humaine, et plus particulièrement sur la santé des enfants. Il y a beaucoup trop de produits toxiques contenus dans l’eau qui contribuent à la dégradation de la santé des pauvres Burkinabè que nous sommes. Il appartient à tout un chacun de nous de faire beaucoup attention à l’eau que nous buvons, et surtout aux organes en charge de l’eau dans notre pays de prendre les mesures idoines pour assurer une eau de bonne qualité a tous les Burkinabè.

    Merci M. Kaboré pour votre écrit, et bonne suite dans vos futures recherches. Ou que vous vous trouviez après vos études, le pays aura surement besoin de votre expertise et de votre contributions sur certaines questions cruciales concernant la santé de ses habitants.