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4e édition du « Rendez-vous de Touba » : Braver les clivages afin de parvenir à « repenser cette Afrique dont nous sommes si nostalgiques » (Servace M. Dabou, promoteur)

LEFASO.NET | Marcus KOUAMAN
mercredi 29 novembre 2017.

 

Le « Rendez-vous de Touba », plateforme d’expression socio-culturelle et sportive se tient du mardi 28 novembre au samedi 2 décembre 2017, dans la commune rurale de Madouba, province de la Kossi, région de la Boucle du Mouhoun. Une 4e édition qui promet d’être au rendez-vous des attentes des amoureux du chant, de la danse et des contes du terroir, selon le promoteur Servace Maryse Dabou. Ce professionnel des médias, passionné de culture et de tradition, dans les lignes qui suivent décrit l’ambiance qui accompagnera ce retour aux sources.

Lefaso.net : Pour ceux qui ne le savent pas, qu’est-ce que le « Rendez-vous de Touba » ?

Servace Maryse Dabou : Le « Rendez-vous de Touba » est un festival socioculturel et sportif dédié à la promotion de l’intégration des peuples africains à travers le brassage des communautés à la base. C’est un cadre d’expression de culture plurielle qui forme l’unicité de l’Afrique. C’est un cadre de rencontre des communautés qui ont beaucoup de choses en partage, malgré les barrières artificielles à elles imposées par le colonisateur. Le « Rendez-vous de Touba » est, en clair, un cadre de dialogue des cultures et de célébration de la fraternité retrouvée.

2017 marque la 4e édition de ce rendez-vous culturel. Quel bilan pouvez-vous dresser des précédentes éditions ?

Cette 4e édition, il faut le noter, est placée sous le parrainage de Alpha Barry, ministre des Affaires étrangères, de la coopération et des burkinabè de l’extérieur et la présidence de Edgard Sié Sou, gouverneur de la Boucle du Mouhoun. Ce qu’il est important de retenir comme bilan des éditions passées, c’est que de plus en plus ce « Rendez-vous » est à prendre vraiment au sérieux. En effet, après avoir tenu la toute première édition immédiatement après l’insurrection populaire en novembre 2014, la seconde en pleine période de transition et la troisième dans un contexte de "récession budgétaire", il faut retenir que le « Rendez-vous de Touba » a la tête suffisamment dure pour survivre aux intempéries socioéconomiques et politiques, car faisant partie intégrante du vécu quotidien des femmes et hommes épris de cohésion sociale, de stabilité et de paix durable.

L’événement a semé la graine du retour aux sources, dans le but de mieux réussir l’avenir des générations à venir. Cette génération, appelée, à tort ou à raison, génération « Android », traverse une turbulence identitaire et il sied de réveiller en elle ce sentiment d’appartenance à la communauté africaine et d’actrice de la nécessaire renaissance de la société africaine.

Depuis la première édition, nous constatons un regain d’intérêt pour les bonnes pratiques ancestrales, celles qui redonnent espoir de renforcement de la cohésion sociale, un intérêt de plus en plus manifeste de la jeune génération pour stopper l’hémorragie culturelle. Par exemple de plus en plus, les enfants s’intéressent à la danse traditionnelle du « yéyé », du « tindoro », du « badinèba-don », au conte, à la lutte traditionnelle, etc. Les disciplines qui maintenaient un village égayé, éveillé et épanoui refont surface dans le quotidien moderne de nos communautés.

A quoi renvoi le thème de cette année et qu’est-ce qui peut justifier un tel choix ?

Il s’agit de rechercher et de retrouver les ressorts culturels qui favorisent plus le développement de nos communautés que le délitement de la société auquel nous sommes confrontés. Le thème de cette édition est "cohésion sociale et sécurité transfrontalière". Nous savons tous que sans cohésion sociale il n’y a pas de paix, sans paix il n’est point de développement possible et sans sécurité, aucune paix n’est durable, aucune stabilité n’est pérenne et aucun développement véritable ne peut être amorcé. Car l’on passera tout le temps à lutter pour survivre plutôt que de lutter pour mieux vivre. Ce thème est donc plus que d’actualité

Y’a-t-il des pays invités et quel sera leur apport à cette 4e édition ?

Cette année nous avons deux pays frères invités : la Côte-d’Ivoire et le Mali. La particularité de Touba Côte-d’Ivoire est qu’il améliore la dimension internationale de l’événement et apporte des éléments nouveaux tirés par exemple de la culture « Maouka » et donner l’opportunité à cette communauté sœur d’apporter sa pierre à la construction d’une Afrique plus unie grâce à nos racines revitalisées. Touba Côte-d’Ivoire viendra "ajouter de la terre à la terre" pour citer Me Pacéré (Titenga Fréderic) à qui je profite rendre un hommage mérité pour le combat qu’il continue de mener pour la véritable libération des peuples africains.

Conforment à votre thème, quelle est la place des plus jeunes à ce rendez-vous ?

La place des jeunes est si évidente, puisque ceux-ci constituent véritablement les relais de transmission des valeurs culturelles vestiges du développement socioéconomique de nos nations. Etant les décideurs de demain, il leur appartient de saisir l’opportunité de ce Rendez-vous pour asseoir une véritable base de développement axée sur nos réalités africaines et non calqués sur les modèles exotiques.

Vous insistez beaucoup sur la préservation des valeurs africaines. Pensez-vous que nous sommes en train de les perdre ?

Nous sommes évidemment en train de perdre nos valeurs essentielles, celles qui donnaient vie dans nos villages et qui créaient les véritables conditions du vivre ensemble. Nos ancêtres n’avaient peut-être pas d’immenses fortunes matérielles mais vivaient de la belle manière dans la solidarité, le communautarisme, le partage, la discipline familiale, dans le respect de nos us et coutumes. Aujourd’hui ces valeurs sont en train de nous quitter et il nous paraît urgent de les ramener en selle pour en faire les fondements d’une nouvelle société, plus sociable.

Le « Rendez-vous de Touba » se donne pour mission de fédérer les forces des filles et fils du Burkina, ainsi que ceux des Touba d’Afrique. Quel message avez-vous à l’endroit de toutes ces personnes ?

Le message essentiel à nos peuples est de revenir à de meilleurs sentiments vis-à-vis de nos traditions, car tout ce que nos ancêtres pratiquaient n’était pas mauvais. Il y a sûrement des vertus qui méritent que l’on s’en inspire. Si chacun de nous s’intéressait davantage à son origine, si chacun de nous s’intéressait davantage à son village, si chacun de nous faisait l’effort de braver les clivages de tous ordres pour mobiliser sa communauté d’origine, nous parviendrons à repenser cette Afrique dont nous sommes si nostalgiques et qui fait l’objet de tant de convoitises de la part de l’Occident.
Nous voudrions interpeler les Africains à reprendre conscience qu’il est urgent de s’affirmer et de s’assumer en n’ayant plus honte de leur passé, en valorisant leurs richesses intérieures et à produire pour leur propre consommation. En cela la Chine nous inspire assez.

Pour terminer nous souhaitons adresser nos sincères remerciements aux ministères en charge de la Culture, des Sports et des Affaires étrangères, la CEDEAO, la LONAB, le fonds d’intervention pour l’environnement, la Chine Taïwan, les ressortissants de la Boucle du Mouhoun et toutes les personnes qui n’ont pas été citées ici mais dont les actions discrètes ont permis de tenir le pari de cette 4e édition.
Une mention particulière aux médias qui nous accompagnent sans relâche et qui font grandir de jour en jour le « Rendez-vous de Touba ». Nous souhaitons une bonne fête de la culture et de l’intégration des peuples africains.

Entretien réalisé par Marcus Kouaman
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