Retour au format normal
lefaso.net

Putsch de septembre 2015 : ‘’ Il faut éviter de politiser ce procès. (...). Le pays a besoin d’autre chose que de se focaliser sur un procès ’’, exhorte Me Paul Kéré

LEFASO.NET | Oumar L. OUEDRAOGO
jeudi 26 octobre 2017.

 

C’est parti pour l’audience de « conformation des charges ou encore audience de mise en accusation » dans le procès du coup d’Etat de septembre 2015. Cette audience qui a été ouverte ce mercredi, 25 octobre 2017 au tribunal militaire verra passer, par vague de dix, les 107 inculpés dans ce dossier.

Cette phase est une audience de contrôle de ce que le juge d’instruction a fait. Ce n’est donc pas un jugement, apprend-on.
« Hier, c’était l’audience de la chambre de contrôle pour statuer sur les appels interjetés par des conseils des inculpés et par le Parquet militaire », a expliqué Me Hien Ollo Larousse de la défense, précisant que les avocats, dans leur grande majorité, se sont désistés de leurs appels (parce qu’ayant constaté par la suite que l’ordonnance du magistrat n’aggravait pas le sort de leurs clients).

« Même le Parquet militaire qui a relevé appel de toutes les dispositions de l’ordonnance s’est également désisté hier. Mais, il y avait quelques avocats qui avaient maintenu leurs appels et la Chambre de contrôle a statué là-dessus et a déclaré tous ces appels irrecevables », a confié Me Hien.

Ce mercredi, 25 octobre 2017 marque donc le premier jour de l’audience de conformation des charges ou audience de mise en accusation. « Les avocats ont demandé à ce que tous les inculpés soient présents dans la salle ; puisque, c’est le même dossier, ‘’Dossier Diendéré et 106 autres contre Parquet militaire’’ », a-t-il indiqué, en précisant que la Chambre de contrôle n’a pas accédé à cette requête ; elle a estimé qu’étant en chambre de conseil, chaque inculpé doit passer avec son conseil.

Me Hien Ollo Larousse

« Nous avons estimé que cela viole les droits de la défense ; parce que, c’est le même dossier. Même s’il est vrai que nous sommes en chambre de conseil, qui signifie que lorsque le dossier est appelé, vous qui n’êtes pas partie, vous ne pouvez pas avoir accès à la salle. Mais cela suppose qu’il y ait plusieurs dossiers. Le dossier du putsch est un seul dossier, qui concerne 107 inculpés. Etant entendu que c’est le même dossier, il n’y a pas de raison qu’on dise que les 107 ne peuvent pas avoir accès et que chacun doit passer, un à un, devant la chambre de contrôle. Il y a violation de droit de la défense. Pourquoi ? On appelle votre client, on lui notifie des charges, lui demande de faire des observations sur les charges et il peut ressortir des pièces, que c’est un autre inculpé qui avait dit des choses le concernant. Cet inculpé n’est pas dans la salle, c’est-à-dire qu’on ne peut pas faire de confrontation, il n’est pas là pour confirmer ou infirmer ce qui se trouve dans les pièces. En ce moment, en l’absence de tous ces éléments, comment la chambre de contrôle va décider ? C’est dire que le débat ne sera pas du tout équitable. Les avocats ont insisté sur la question, mais le président a décidé que c’est lui qui décide et qu’il décide que ça se passera ainsi ; les gens passeront un à un », a détaillé Me Hien Ollo Larousse.

L’avocat a également marqué son étonnement pour la présence des inculpés ayant bénéficié d’un non-lieu. « En principe, un inculpé qui a bénéficié d’un non-lieu ne devrait pas être à cette audience ; parce que, ceux qui viennent à cette audience, sont ceux-là qui ont bénéficié d’un non-lieu partiel, ceux qui ont vu leur infraction requalifiée à leur endroit ou ceux qui ont vu toutes les charges maintenues.

En ce moment, la chambre de contrôle réexamine les charges et ça, les inculpés peuvent encore bénéficier de non-lieu, de requalification ou de non-lieu partiel. Mais quelqu’un qui a déjà bénéficié d’un non-lieu, je ne sais vraiment pas ce qu’il vient chercher à cette audience, étant entendu que le commissaire du gouvernement, lui-même, s’est désisté de son appel. C’est dire que l’ordonnance (du juge d’instruction, ndlr) est devenue définitive à l’égard du commissaire du gouvernement. La chambre de contrôle ne devrait pas revenir sur les non-lieux », a défendu Me Hien, soutenu dans cet argument par Me Paul Kéré.

Me Paul Kéré

Pour l’avocat du barreau du Burkina, et subsidiairement, du barreau de Nancy (en France), Me Kéré, tous ceux qui ont bénéficié d’un non-lieu et pour lequel, le parquet miliaire a renoncé à l’appel, ce non-lieu devient définitif. « Il est impossible, juridiquement, de revenir sur les charges. La chambre de contrôle ne peut revenir sur ces charges. Pour le reste, ceux qui seront retenus, seront renvoyés évidemment devant le tribunal militaire », a-t-il expliqué avant de se féliciter du travail du juge d’instruction, qu’il qualifie de « formidable ».

Pour Me Kéré, il appartient à la Chambre de contrôle (qui a une attribution qui consiste à contrôler le travail du juge d’instruction) de jouer sa partition.

« On espère que nous irons au jugement avec des éléments qui sont jouables. Il faut éviter de politiser ce procès, c’est un procès où il y a des gens qui ont participé peut-être à un putsch militaire. Ça s’arrête-là, on détermine les responsabilités et on passe à autre chose. Le pays a besoin d’autre chose que de se focaliser sur un procès. Je ne considère pas que c’est politisé, les magistrats font correctement leur travail et il faut éviter qu’il y ait des interférences de l’exécutif dans ce dossier, qui doit rester un dossier purement judiciaire », a lancé Me Kéré.

L’ouverture de l’audience a connu la présence d’associations de parents des martyrs et des blessés de l’insurrection populaire et du coup d’Etat. Cette manifestation, qui a été silencieuse, a duré environ une heure.

« Nous avons appris qu’il y a la confirmation des charges, mais vous connaissez notre justice au Burkina Faso. Désormais je pense que le peuple est attentif, si la justice bouge une seconde, le peuple bougera deux seconde, pour la justice vraie. Actuellement, nous sommes-là juste pour suivre comment les choses vont se passer. Ce n’est pas une question de pression, c’est une question de défense », a exprimé un des responsables d’associations de parents des martyrs et des blessés de l’insurrection populaire et du coup d’Etat.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net



Vos commentaires