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Immigration : 146 migrants en provenance de la Libye de retour dans leur « Faso natal »

LEFASO.NET | Aïssata Laure G. SIDIBE
jeudi 14 septembre 2017.

 

146 Burkinabè dont 13 femmes, une fillette et un bébé ont regagné le pays pour « sauver leur peau ». Arrivés dans l’après-midi du mercredi 13 septembre 2017, à l’aéroport international de Ouagadougou, ils décrient les sévices dont ils ont été victimes dans les centres de détention libyens. Ce retour est le fruit de la collaboration entre l’Organisation internationale pour la migration (OIM) et l’Ambassade du Burkina Faso en Libye avec l’appui financier de l’Union européenne.

Ils ont entre 20 et 35 ans. Si certains étaient en Libye pour trouver du travail, d’autres étaient en transit pour rejoindre l’Europe ou encore dans le cadre de leur étude. Mais une raison a motivé leur retour volontaire au bercail. « J’ai décidé d’aller en Libye pour progresser en Italie. Malheureusement, quand je suis rentré en Libye, quatre jours après, j’ai été arrêté. Le reste de mon séjour, je l’ai passé d’une prison à une autre où on nous maltraitait tout simplement parce que nous avons la peau noire. En prison dès que tu rentres là-bas, on te fouille et on te laisse nu comme le jour ou ta mère ta mise au monde. Si tu as un téléphone ou de l’argent sur toi, on confisque tout », relate Sanson Kambiré, un jeune homme de 23 ans que nous avons accosté à sa descente du bus. Ce ressortissant de la ville de Banfora, dit être content de rentrer au bercail.

Se prononçant sur les conditions de détentions, Alain Ouédraogo, âgé de 25 ans, dit qu’elles sont pitoyables. « On nous frappait comme des animaux », a-t-il expliqué. Et à Mariam d’emboucher la même trompette : « La Libye ce n’est pas facile. C’est la souffrance totale. On a été enfermé durant un an (…). Sept personnes ont même perdu la vie par manque de soin ». De retour donc au pays, cette jeune femme, visiblement esquintée par le voyage, entend partir sur de nouvelles bases. « Je vais me reposer un peu et ensuite voir ce que je peux faire pour subvenir à mes besoins. Egalement, j’ambitionne reprendre mes études. J’ai le niveau de la classe de 6e ».
Ousmane, quant à lui, s’est rendu en Libye en 2015. Contrairement à certains de ses compatriotes, il avait un travail stable. « Je faisais le métier de peintre et ça marchait bien ». Mais le hic, dira-t-il plus loin, « pour que les arabes te payent, c’est un problème ». Las d’offrir gracieusement ses prestations à un employeur qui le respectait à peine, il a alors décidé de rentrer au Faso pour se débrouiller.

C’est pour aider ces migrants que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a développé le programme d’aide de retour volontaire et à la réintégration depuis la Libye. L’arrivée du mercredi 13 septembre 2017 des 146 personnes constitue la 3e vague des migrants retournés volontairement de la Libye. Elle portera à 533 le nombre de migrants burkinabè qui prennent l’initiative de rentrer de la Libye depuis janvier dernier.

« Ils sont tous bien portant en dehors d’une personne qui semble souffrante ». Tel est le constate fait par le conseiller technique de madame le ministre en charge de la femme, Issoufou Ouédraogo. Par ailleurs, il a saisi l’occasion de cette activité pour adresser ses vifs remerciements à l’OIM pour son appui constant au gouvernement dans ses efforts d’offrir des alternatives et des solutions durables aux migrants retournés. Pour ce dernier, cet effort traduit le partenariat « gagnant gagnant » entre cette structure et les structures gouvernementales dont le ministère de la femme, de la solidarité nationale et de la famille.

Après l’accueil par les autorités burkinabè à l’aéroport de Ouagadougou, les migrants ont été conduits sur le site d’hébergement du Centre de formation professionnelle de Ouagadougou à Somgandé où ils seront pris en charge par le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation et la Direction régionale du centre de la femme, de la solidarité nationale et de la famille. Avec l’appui de l’OIM. Ils bénéficieront, chacun, de frais de subside pour rejoindre leur localité d’origine.

« Une fois retourné, il y a un appui qui se fait en accompagnement pour des projets éventuels qu’ils auraient pour pouvoir les encourager à se réintégrer dans les communautés », précise la chargée de Projet à l’OIM/Burkina Faso, Nathalie Duveiller, qui affirme que l’OIM ne décourage pas les personnes à partir à la recherche de l’Eldorado. « L’immigration est quelque chose de positive qui résulte d’une démarche personnelle », a-t-elle laissé entendre. Cependant, Mme Duveiller a signifié qu’elle doit se faire en respectant les normes et les règles pour « pouvoir avoir un parcours correcte et régulier ».

A la question de savoir quel est le taux de réussite d’intégration des précédents retours volontaires, la chargée de Projet à l’OIM/Burkina Faso répond : « Actuellement je ne peux pas me prononcer sur ça parce qu’on fait des retours sur le terrain. Des fois, les personnes ne retournent pas toujours là où ils disent qu’ils retournent. Donc, ce n’est pas toujours évident de pouvoir retrouver les migrants. Certains peuvent aussi décider de repartir. Du coup, c’est compliqué d’avoir des données ».

Par ailleurs, les journalistes ont interpellé Mme Duveiller sur le fait que tous les migrants de retour volontaire n’ont pas bénéficié du soutien de l’Organisation pour leur réinsertion socio-professionnelle. Sur ce point, Mme Duveiller s’explique : « L’appui dépendait de certains critères. Dans le cadre de ce nouveau programme, nous allons appuyer un maximum de personnes dans cette réintégration mais clairement avec une optique de pouvoir développer des plans personnels qui auront une pérennité à long termes ».

Entre 2012 et juillet 2017, 1691 migrants burkinabè sont rentrés volontairement de plusieurs pays dont 1414 de la Libye, 49 du Maroc et 228 du Niger.

Aïssata Laure G. Sidibé
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