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Ismael Sankara, alias Ish Sankara : “Thomas Sankara, c’est mon père spirituel, l’une de mes idoles, ma grande inspiration”

LEFASO.NET | Par Tiga Cheick Sawadogo
lundi 21 août 2017.

 

Ismael Sankara, de son nom d’artiste Ish Sankara est un artiste burkinabè qui a immigré à Miami aux Etats Unis dès l’age de deux ans à la fin des année 80. Rappeur et chanteur, ce trentenaire a été à l’origine d’un emballement médiatique il y a quelques années, quand le journal Jeune Afrique l’a présenté comme le ’’fils caché’’ du président Thomas Sankara. Avec le temps, l’artiste regrette cette période et préfère qu’on s’intéresse plus à sa carrière de musicien. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il est revenu au bercail et travaille dans le label Shamar Empire de l’international burkinabè, Jonathan Pitroipa. Les deux partenaires veulent révolutionner la musique burkinabè, conquérir le marché international. Son single « Eddy Murphy, avant goût de l’album ’’African Dream’’, tourne depuis peu, sur les chaines internationales. Dans cette interview, l’artiste revient sur son ambition avec Shamar Empire. Il se contente d’esquisser un sourire, en réponse aux questions qui fâchent et qu’il n’aime pas aborder.

Lefaso.net : On vous a découvert au Burkina il y a quelques années, alors que vous étiez là pour un concert organisé par le label Boss Playa. Après, c’est silence radio, pourquoi ?

Ish Sankara : Effectivement j’ai travaillé avec Boss Playa, j’ai fait des titres qui sont passés sur les chaines internationales comme Trace, Mtv. Mais j’attendais l’opportunité de produire et faire de la musique au niveau que je rêvais. J’ai traversé des situations qui ne me permettaient pas vraiment de faire de la musique au niveau que je voulais.

Quelles situations ?

Ce n’est pas facile si tu veux être l’artiste, le manager, le réalisateur, le coordinateur, faire tout en même temps, c’est impossible. Pour faire de bonnes choses, il faut l’aide de tout le monde.

Mais on vous a vu plus présent dans certains pays comme le Gabon...

Oui au Gabon j’ai travaillé avec des artistes comme Patience Dabani. Mais aussi avec des groupes comme Mike Mef, Hokube. Le Gabon, c’était vraiment cool, c’était l’un des premiers pays africains que je voyais vraiment très urbain. Les gens appréciaient la musique urbaine. Comme je venais de sortir des Etats Unis, le changement n’était pas brusque pour moi, au niveau musical. Les gabonais aiment beaucoup le rap, le hip hop...

Mais depuis quelques temps, vous êtes présent à Ouagadougou, dans quel cadre ?

Je suis là pour la planification de différents projets avec le label Shamar Empire, on coordonne les prochaines sorties. On a sorti, il n’y a pas très longtemps, le clip Eddy Murphy, un single, plus anglophone. Nous sommes en train de travailler pour sortir des produits plus nationaux, pas seulement pour l’international. C’est pour cela que je suis là, aussi pour coordonner un clip vidéo qui arrive bientôt. Petit à petit, amener le buzz vers le Burkina. Aux Etats Unis, on nous considère comme des américains, alors que nos racines sont ici.

Est-ce que tout cela prépare un album ?

Oui l’album African Dream est en préparation. C’est un album avec beaucoup de collaborations, de grandes collaborations avec des artistes américains, africains, burkinabè, de partout. Je peux dire que c’est à travers cela que le public va vraiment me découvrir.

Des collaborations avec quels artistes...

C’est un secret pour le moment. Ça ne sera que du lourd, mais je ne peux pas dire plus pour le moment. Ce sont des collaborations pour créer des ponts avec le Burkina, le Nigeria, même avec les Etats Unis. Il faut que les gens sachent que nous sommes à un certain niveau avec la musique. Même si ma musique n’est pas en mooré ou autre langue nationale, je représente le Burkina, même en anglais. Partout où je passe et que les gens écoutent ma musique, c’est le Burkina Faso qu’ils voient.

Mais quand on écoute le single Eddy Murphy on sent une grande influence nigériane avec le style Naija, est-ce seulement un choix commercial ou pour être dans la tendance ?

C’est un choix. J’ai l’impression que beaucoup de personnes dans beaucoup de pays ont une certaine image du Burkina. Eddy Murphy a été fait pour me crédibiliser plus à l’extérieur, pour montrer qu’on est capable, qu’on peut tout faire, même pour faire du bling bling. C’était donc pour casser le feeling qu’on nous colle. C’est une sorte de compétition en fait avec les autres artistes...

Est-ce qu’il serait possible dans l’album à venir, d’entendre des rythmes burkinabè travaillés...

Justement c’est pour cela qu’on est là, exactement pour ça. Quand on a démarré, on voulait prendre les intentions de tout le monde. Il y a même des featurings avec des artistes burkinabè qui arrivent. Je ne peux pas dire de noms. Beaucoup de gens croient que c’est impossible, mais je vais le faire.

Certains groupes sont séparés, nous allons réunir les membres pour les feats. Maintenant tout le monde est super commercial, on veut chanter comme les nigérians, mais il faut rester authentique.
Je veux vraiment représenter le Burkina au niveau international. Même si je chante avec Jaz-Y, P-Square, Wizkid, qu’on me voit comme le Burkinabè qui déchire. (Rires)

Quelle sera la coloration musicale de l’album ?

Ça va faire voyager les mélomanes. On va commencer au Burkina, pour aller vers le Nigéria, la Cote d’ivoire. Ça passera en Afrique du sud pour remonter vers l’Europe, les Etats Unis, et enfin revenir ici. C’est un album ciblé en fonction des publics. C’est difficile de communiquer avec tout le monde en même temps, mais nous le ferons avec cet album.

Pourquoi avoir choisi de travailler avec un jeune label comme Shamar Empire ?

C’est pour porter loin l’image du Burkina sur le plan musical. Tous les artistes qui passent sur les chaines, Trace Tv ou Mtv, représentent leurs pays. Même si je gagne un prix, je ramène cela au Burkina avec Shamar Empire. C’est le Burkina qui gagne.

En plus, je voulais la liberté de créer, ne pas signer avec des labels dans lesquels on m’impose comment chanter

Depuis longtemps je travaille avec Jonathan Pirtoipa, même avant la mise en place de Shamar Empire. Pitroipa n’avait pas le temps, jusqu’ à ce qu’il m’appelle un jour pour me dire qu’il est prêt. On a mis en place le plan ensemble.

On n’a pas droit à l’échec avec ce projet. On n’a pas le choix, on le fait pour le Burkina Faso. C’est la plateforme pour que je puisse m’exprimer en Afrique. Maintenant on doit se battre, faire l’impossible pour que ça prenne. A partir de l’année prochaine, je suis sûr que partout en Afrique, on va nous entendre. Ce n’est que le début, à la fin de cette année, je suis sûr que le public burkinabè sera fier de nous. A tout prix, on fera briller le Burkina. On va vendre notre pays, à travers la musique.

Vous qui avez des assises au Etats unis, précisément à Miami, est-ce que ça vous dérange quand on vous présente comme artiste américain ?

Ça me dérange beaucoup. Je n’aime pas cela. C’est comme si on voulait m’arracher ce qui me rend spécial, burkinabè. Je suis certes anglophone, je chante en anglais, mais je suis burkinabè. J’ai grandi là-bas, mais je ne suis pas de Miami. Tout doit revenir à mes origines.

Quand je déchire un artiste, je ne veux pas qu’on dise que c’est un américain qui l’a fait, mais plutôt un burkinabè.

Vous êtes allé aux Etats Unis très jeune…

Oui à l’âge de deux ans. J’ai grandi comme un américain, mais ma mère me faisait écouter tout genre de musique, les classiques africains. Mais à chaque fois que j’étais avec d’autres communautés, je savais d’où je venais.

Mais vous parlez beaucoup de votre maman dans vos interviews, moins de votre géniteur…

(Rires). Ça c’est vrai, c’est parce que j’ai grandi comme ça.

Comment ?

J’ai grandi avec ma mère. C’est normal. Vraiment c’était une bonne expérience.

Après le concert de Ouagadougou avec Boss Playa, Jeune Afrique a révélé que Blaise Compaoré président d’alors, vous avait invité à diner…

Non, tu sais ? il y a eu un mélange. J’étais tellement jeune et je ne savais comment ça marche ici. Je ne savais pas qu’il y a des gens qui ont soif de certaines histoires. On peut parler à une personne, mais chacun a son intention. J’ai l’impression d’avoir été utilisé, puisque j’étais si jeune. Après ça m’a choqué, on m’a eu.

Mais est-ce que Blaise Compaoré vous a effectivement invité à manger ?

On m’a invité à manger. Mais la façon dont l’histoire a été racontée, ce n’était pas comme ça. On était en groupe, avec tous les artistes. C’était une visite totalement normale. Ce n’était même pas un diner en tant que tel. Tu sais, les journalistes mettent l’accent sur ce qu’ils veulent. Toute cette histoire m’a surpris.

Venons-en au fait, il semblerait que vous soyez ’’le fils caché’’. Qu’en est-il exactement ?

Thomas Sankara, c’est mon père spirituel, l’une de mes idoles, ma grande inspiration. Je n’aime pas parler de mon passé, d’où je viens, qui est mon père. Tu me comprends ? Ce n’est pas cela que je veux mettre en avant. Je veux que les gens se focalisent sur ma musique. Mais seulement comprenez que nous sommes du même camp, tu vois ce que je veux dire ? Je ne veux pas parler de tous les détails. C’est comme si j’étais en train d’ouvrir un coffre, l’histoire est très profonde. Je n’ai jamais eu l’occasion de dire tous les détails, parce qu’il y a de la politique dedans. Je ne suis pas politicien, je suis dans la musique.

C’est la même grande famille , c’est ce que vous voulez dire ?

Je préfère laisser les choses comme ça. Avec le temps, you know... Je suis allé aux Etats Unis très jeune, parce que nos parents étaient dans des mouvements…

Vous voulez donc qu’on vous voit en tant que Ish Sankara artiste musicien, plutôt qu’autre chose...

Yeah. Si je commence à parler, les gens vont être perdus. Je ne sais pas ce que je peux réveiller, ce que certaines personnes vont dire. Je préfère rester tranquille, faire ma musique. Petit à petit, les gens vont voir et comprendre certaines choses d’eux-mêmes.

Interview réalisée par Tiga Cheick Sawadogo
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