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Taxe sur le prélèvement d’eau : Des parlementaires dans les sites miniers pour vérifier l’applicabilité de la loi

LEFASO.NET | Moussa DIALLO
mardi 18 juillet 2017.

 

Adoptée en décembre 2009, la loi n°058-2009/AN institue une taxe parafiscale au profit des agences de l’eau du Burkina. Cette taxe dénommée Contribution financière en matière d’eau (CFE) comprend : la taxe sur le prélèvement de l’eau brute, la taxe sur la modification du régime de l’eau et la taxe sur la pollution de l’eau. Grandes consommatrices d’eau, les sociétés minières y sont assujetties. Mais, la plupart ne paient pas cette taxe. Le Réseau parlementaire eau, hygiène et assainissement a décidé de jouer son rôle de contrôle. C’est dans ce cadre qu’elle a organisé, du 10 au 12 juillet 2017, une mission parlementaire dans une dizaine de sites miniers pour s’assurer de l’applicabilité de la loi, des difficultés rencontrées et recueillir des suggestions pour une relecture de la loi si besoin en est.

Instituée en 2009, la Contribution financière en matière d’eau (CFE) vise à mobiliser des ressources financières afin d’optimiser le financement des actions de protection des ressources en eau. La CFE comprend la taxe de prélèvement de l’eau brute, la taxe de modification du régime de l’eau et la taxe de pollution. Elle s’applique aux opérations relatives à toutes les formes d’exploitation des plans et cours d’eau, aux installations, aux ouvrages, travaux et activités entrainant une modification du débit ou du mode d’écoulement des eaux.

Ainsi, les sociétés produisant de l’eau potable à une fin sociale contribuent pour 1F le mètre cube d’eau prélevée. Les sociétés commerciales produisant l’eau potable contribuent à hauteur de 50F/M3 d’eau prélevée. Quant aux sociétés minières et autres industries, elles sont assujetties à 125F/M3. Pour les travaux de génie civil, la contribution est fixée à 10F/M3 de remblai et 20F/M3 de béton mis en œuvre.

Séance de travail à Nantou mining

Mais, à la pratique, cette loi connait des difficultés dans sa mise en œuvre. La plupart des sociétés minières, bien que grandes consommatrices d’eau ne s’acquittent pas de cette taxe. Elles estiment le taux trop élevé. C’est d’ailleurs suite à leur plaidoyer que cette taxe a été ramenée à son taux actuel par le Conseil national de la transition en 2015. Auparavant, elle était de 200F/m3 pour les sociétés minières. Malgré tout, ces sociétés minières ne sont pas satisfaites et certaines refusent de s’acquitter de cette taxe.

Dans leur rôle de contrôle de la mise en œuvre de la loi, les parlementaires membres du réseau eau, hygiène et assainissement ont décidé d’aller sur le terrain pour mieux s’assurer de l’applicabilité de la loi, des difficultés rencontrées et recueillir des suggestions pour une relecture de la loi si besoin en est.

« Nous votons la loi, nous devons aussi vérifier sa mise en œuvre »

Les responsables de SEMAFO

Ainsi, ce sont trois groupes de parlementaires qui ont sillonné les sites miniers d’exploitations industrielles du 10 au 12 juillet 2017. Les sociétés concernées par cette mission d’information parlementaire : SOMITA, Essakane SA, Youga, Nantou mining SA, Roxgold, Bisa Gold, Riverstone Karma SA. Le 10 juillet 2017, nous étions avec l’équipe composée des députés Halidou Sanfo (Président du réseau) et Abdoulaye Ouédraogo, mais aussi de l’assistant parlementaire Nicolas Somé. Ils étaient dans les sites miniers de SEMAFO à Mana dans la province des Balé, et de Nantou mining dans la province du Sanguié.

A la société minière SEMAFO, à Mana, les parlementaires ont été reçus par Ghislain Arel, le Directeur général adjoint de la société, Mahamoudou Ouédraogo, responsable des questions environnementales, Jean Noêl Nikiema et Seydou Cissé, le responsable des relations avec les communautés.
« Nous votons les lois. Il est aussi de notre devoir de vérifier la mise en œuvre de ces lois sur le terrain », a rappelé Halidou Sanfo le président du réseau parlementaire, après avoir situé l’objet de leur visite.

SEMAFO ne paie pas la CFE, pourtant 300 000m3 d’eau utilisés par mois

Mahamoudou Ouédraogo, responsable des questions environnementales à SEMAFO

Présentant la société, le Directeur général adjoint a rappelé qu’elle a commencé ses opérations le 15 février 2008 et elle a été inaugurée le 30 juin de la même année. « SEMAFO a construit une quarantaine de forages, elle utilise aussi l’eau du barrage. Elle utilise en moyenne 300 000m3 d’eau par mois dont 55% provient du parc à résidus », a précisé Mahamoudou Ouédraogo, responsable des questions environnementales. Mais, aux questions des parlementaires sur le paiement de la CFE, il reconnait que sa société ne s’exécute pas. Et s’empresse d’expliquer qu’il ne s’agit pas d’un refus de respecter la loi. Il avance comme raison principale la clause de stabilité financière consacrée par la convention minière qui serait en porte-à-faux avec la CFE. Puis, il ajoute la baisse continue du cours de l’or depuis quelques années. Ses collègues, eux, égrènent les activités réalisées au profit des populations riveraines par la fondation SEMAFO.

La plupart des sociétés minières ne paient pas la CFE depuis quelques temps, quand d’autres n’ont jamais payé. Actuellement, des négociations se mènent au niveau de la primature pour trouver une solution à cette question du paiement de la CFE. SEMAFO, à l’instar d’autres sociétés minières, estime que le montant de la taxe est très élevé et mettra à mal la stabilité financière de la société. Mieux, elle estime faire beaucoup pour la population impactée en lui permettant d’avoir accès au barrage qu’elle a construit, mais aussi d’utiliser les eaux usées pour faire des activités de maraîchage. Et bien d’autres types d’accompagnement des populations riveraines.

Nantou mining a payé la CFE jusqu’en décembre 2016

Les parlementaires n’ont pas manqué de titiller les responsables de la mine

Autre site minier, autre réalité. A Nantou mining (seule société qui exploite des métaux de base à savoir le zinc) dans la province du Sanguié, la consommation d’eau est moins importante. 300 000m3 par an. Mieux, la société est presqu’à jour de son devoir. A en croire la responsable des questions environnementales, Andréa Ouédraogo, la société a payé la CFE jusqu’en décembre 2016. Elle présente les factures aux parlementaires pour attester de la réalité de ce qu’elle avance. Le payement se faisant par trimestre, elle dit s’apprêter à payer ses dus du premier trimestre 2017. Cette société figure ainsi parmi les bons élèves. Mais, se dit solidaire des négociations en cours pour réduire le montant de cette taxe.

Aussi, elle dit travailler à réduire considérablement sa consommation en eau puisqu’utilisant l’eau du barrage de Seboun actuellement. L’objectif à moyen terme est d’arriver à une utilisation de 500m3 d’eau par jour, soit moins de 185 000m3 par an. Les responsables de la société ont reçu, séance tenante, les félicitations des élus nationaux pour le respect de la loi en matière de paiement de la CFE.

En plus, les responsables de la société suggèrent d’inciter les minières à construire des barrages en leur octroyant des facilités en la matière. Aussi, ils plaident pour que les sociétés ayant construit des barrages et autres retenues d’eau, à défaut d’être exemptées de la CFE, puissent bénéficier des conditions préférentielles. Ils invitent également l’Agence de l’eau du Mouhoun à jouer pleinement son rôle de contrôle, mais aussi de sensibiliser la population sur les droits et devoirs des minières sur cette question d’eau.

Moussa Diallo
Lefaso.net



Vos commentaires

  • Le 18 juillet 2017 à 07:10, par fredo En réponse à : Taxe sur le prélèvement d’eau : Des parlementaires dans les sites miniers pour vérifier l’applicabilité de la loi

    Je crains fort que ces parlementaires ne tombent dans le piège des sociétés minières qui disent avoir réalisé des infrastructures hydrauliques et donc ne doivent plus payer la CFE. Mais ils doivent comprendre que l’infrastructure est une chose, la "ressource eau" en est une autre. Vivement que nos parlementaires aient une auteur d’esprit pour ne pas sombrer dans le sentimentalisme avec ces capitalistes. Enfin, j’oubliais que le gouvernement actuel était pro-capitaliste !! suivez mon regard PPP !

  • Le 18 juillet 2017 à 18:41, par Amadoum En réponse à : Taxe sur le prélèvement d’eau : Des parlementaires dans les sites miniers pour vérifier l’applicabilité de la loi

    Depuis quand les bonnes oeuvres d’une compagnie ont-elles constitue un substitut a sa responsabilite fiscale ? Nous vous remercions pour tout ce que vous faites dans les localites ou vous travaillez mais vous faisons savoir que vous devez tout de meme payer vos impots, car l’un a rien a voir avec l’autre. Ces bonnes oeuvres cultivent le bon voisinage et le bien vivre ensemble qui, a la longue, vous serviront bien.
    Quant aux compagnies qui ne paient meme pas, vous devez vous mettre a jour, avec des mesures retroactives de la part des services des impots.

  • Le 18 juillet 2017 à 22:32, par K. Justin En réponse à : Taxe sur le prélèvement d’eau : Des parlementaires dans les sites miniers pour vérifier l’applicabilité de la loi

    Merci aux parlementaires mais nous souhaitons que l’on revoit ce texte et ne l’appliquer qu’aux orpailleurs. Comment quelqu’un peut souffrir faire sont forage et on vient lui dire qu’il doit payer des taxes ? en tout cas on n’encourage pas les promoteurs au BF. Allez y dans les pays limitrophes, les investisseurs sont nombreux trop de taxes, des rigueurs inutiles, trop de missions (favorisant la corruption) des services techniques. TOUT CA CONTRIBUE A TUER LA CREATION D’ENTREPRISES

  • Le 28 septembre 2017 à 05:18, par elouss En réponse à : Taxe sur le prélèvement d’eau : Des parlementaires dans les sites miniers pour vérifier l’applicabilité de la loi

    Merci aux députés pour cette mission d’information. Ils se doivent de rester vigilants pour ne voir ici que l’intérêt général. S’il est vrai qu’il faut encourager les investisseurs privés il ne faudrait pas perdre de vue celui du peuple. Pour un pays sahélien comme le Burkina ou un grande partie de la population est menacée par le stress hydrique, cette question de l’eau mérite la plus grande attention surtout de la part de la représentation nationale. Cette ressource n’est pas renouvelable. Si d’aventure cette mission devait se solder par une révision à la baisse de cette taxe, on retiendra que notre représentation nationale à pris faits et causes pour ce que j’appelle l’accaparement d’eau par des multinationales au détriment de notre peuple. Cela aura sans aucun doute des conséquences désastreuses : Une seule de ces multinationales consomme 300.000 m3 eau/mois soit 3.600.000m3/an. Si la taxe est encore revue au rabais, je parie que cette consommation doublera. On compte environ 10 sociétés minières en activité actuellement au Burkina, faites vos calculs. Si vous prenez à la légère la valeur de l’eau, on en fera un usage de plus en plus abusif et bonjour l’assèchement de nos rivières, barrages et nappes d’eau souterraine. L’enquête parlementaire sur les mines avait déjà mis le doigt sur des cas d’assèchement de cours d’eau occasionnés par la réalisation d’ouvrages par certaines de ces sociétés. Les suites de cette enquête sont encore attendues. Le droit à l’eau est un droit inaliénable individuel et collectif. Si ce droit doit être bafoué parce qu’il faut choisir l’or jaune contre l’or bleu, il faut craindre que cela ne provoque des contentieux.
    Dans ce cas c’est en toute responsabilité que la représentation nationale assumera les multiples guerres de l’eau qui se pointent déjà car les populations rurales qui seront les plus impactées ne croiseront pas les bras pour se laisser mourir d’inanition.
    .....Excusez moi, je passais seulement...