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Résurgence de l’esclavagisme en Libye : « Une offense à la mémoire collective des peuples noirs » selon Ibrahim Sawadogo

lundi 20 novembre 2017.

 

La réflexion suivante est l’œuvre d’un spécialiste des relations internationales sur la révélation de vente de Noirs comme esclaves en Libye. Tout en condamnant sans concession cette pratique qui exhume le passé douloureux de l’Afrique concernant les 300 ans de traite négrière, l’auteur interpelle la responsabilité des chefs d’Etat africains incapables de répondre aux besoins de sécurité des citoyens et d’assurer la libre circulation des biens et des personnes.

C’est l’humanité entière qui est sous le choc, l’indignation et la consternation. Cela faisait maintenant des lustres qu’on en entendait plus parler que dans les livres d’histoire. La résurgence inopinée d’un cas de cette pratique barbare, inhumaine au milieu de ce XXIe siècle où la liberté et les droits humains sont les valeurs les plus en vogue sur la scène internationale apparait tout simplement comme une offense à la mémoire collective des peuples noirs.

Si certains observateurs critiques ont choisi parallèlement à leur indignation de fustiger l’obsession des jeunes africains à rejoindre l’autre monde à la recherche de meilleures conditions de vie, il convient d’abord de condamner sans détour cet affront à la dignité humaine. C’est dans un contexte international marqué par un vent nouveau de défense des libertés individuelle et collective que des individus d’une autre époque ont choisi de ramer à contre-courant de l’histoire.

Cependant passée au microscope des relations internationales, cette situation accablante de trafic d’êtres humains nous interpelle sur deux questions essentielles qui constituent des défis majeurs pour les Etats africains.

Il s’agit tout d’abord de l’épineuse problématique de la porosité des frontières, véritable handicap pour l’établissement d’une architecture sécuritaire efficiente et efficace en Afrique. La criminalité transnationale se développe à un rythme exponentiel au sein de nos Etats à la faveur de cette cruelle réalité, les frontières africaines sont des passoires. L’appareil étatique n’a pas suffisamment le contrôle sur ses limites territoriales, ce qui favorise du coup l’émergence de réseaux organisés de contrebandiers échappant malicieusement à l’autorité publique.

Pour le cas de la Libye, depuis l’intervention onusienne portée par Obama, Sarkozy et Cameron en 2011, l’Etat est inexistant. A n’en point douter, cette situation tant déplorable apparait comme une conséquence directe du désordre politico-institutionnel et social qui sévit en Libye depuis la chute de son guide historique Mouammar Kadhafi.

Vu sous l’angle de l’école transnationale des relations internationales, on comprend que cette situation puisse avoir des répercussions fâcheuses sur le continent africain, voire sur le monde entier. Une approche selon l’école idéaliste nous rappelle encore la nécessité de s’engager en faveur de la paix et la sécurité qui sont devenues aujourd’hui un bien commun.

Il est curieux de voir des chefs d’Etat africains parlé de la Libye comme un Etat responsable, capable d’assurer la sécurité des personnes et des biens. La Libye est sous le contrôle de factions opposées qui dictent leurs lois et imposent la violence. L’Etat islamique est fortement implanté dans ce pays. Les pays de l’Afrique de l’Ouest, notamment ceux du G5 Sahel vivent cette instabilité récurrente en Libye. Il ne faut pas seulement pleurer les violences esclavagistes sur ceux qui sont partis en Libye, il faut craindre l’importation de cette violence dans nos pays car ceux qui vivent ces réalités et qui reviennent, s’ils ne sont pas accompagnés psychologiquement peuvent se transformer en bombes sociales. Il faut vite dépasser l’attitude de condamnation et réfléchir sur le comment résoudre ce problème en appelant chaque acteur familial, communautaire, nationale, international à assumer sa responsabilité.

A bien des égards, l’Afrique est interpellée encore une nouvelle fois sur les défis de sécurité et de bonne gouvernance. Nos Etats sont visiblement défaillants, conjoncturellement et structurellement déséquilibrés, incapables de répondre aux besoins de sécurité des citoyens et d’assurer la libre circulation des biens et des personnes.

Du reste, il convient des souligner avec beaucoup de regrets mais avec une certaine dose de réalisme que cette situation vient mettre encore à mal un processus déjà périlleux de marche vers de l’union africaine. Une traite de noirs sur le continent noir au XXIe siècle, voilà qui suscite des interrogations quant à la capacité des Africains à tendre véritablement vers l’union.

Ibrahim Sawadogo
Maitre en relations internationales,
Spécialistes des questions de paix, de sécurité,
de démocratie et de bonne gouvernance.



Vos commentaires

  • Le 20 novembre 2017 à 10:00, par Gnessi A K En réponse à : Résurgence de l’esclavagisme en Libye : « Une offense à la mémoire collective des peuples noirs » selon Ibrahim Sawadogo

    Félicitations mon frère pour cette grande réflexion et cet apport dans la crise qui se vit en Lybie.bon courage pour des prochains sujets dans les relations internationales

  • Le 20 novembre 2017 à 12:09, par Guirma, Joseph Léonard-Jerry En réponse à : Résurgence de l’esclavagisme en Libye : « Une offense à la mémoire collective des peuples noirs » selon Ibrahim Sawadogo

    « À la suite de la diffusion d’un reportage de CNN sur un réseau de vente de migrants comme esclave en Libye, ...... le ministère des Affaires étrangères de Côte d’Ivoire prendra les dispositions nécessaires afin que le sujet soit débattu au cours du sommet UA-UE qui se tiendra à Abidjan. Du coté de Tripoli, une enquête sera ouverte. »

    Cher Collègue Sawadogo : vous avez certainement pu prendre connaissance de l’ article ci-dessus dans Net Afrique

    Nous avons mêmement pris connaissance de votre exposée dans son contexte des Relations Internationales. Nous vous avions appréciée. Néanmoins, nous soumettons en commentaire mais en dehors du contexte académique, pour plutôt nous adresser à une logique interrogative.

    Dans la situation qui nous préoccupe, nous opinons que nous ne devrions pas nous laisser séduire par l’option de l’ignorance, et de ce que les Américains ici, dénotent comme un " Wishful Thinking" (une pensée souhaitée ou de souhait). Cela serait signer forfait devant le "Mal". C’est la seule critique que nous vous portons sur votre croyance que nous citons :

    ". .Cela faisait maintenant des lustres qu’on en entendait plus parler que dans les livres d’histoire.."

    Nous vous accusons fraternellement de "Wishfull Thinking", et dans vos poursuites du sujet des Relations Internationales un "Whishful Thinker" est "anathéma".

    Après 72 ans, le spectre du Nazisme persévère pour sa résurrection, aux USA, et en Europe. Le Racisme ailleurs et particulièrement aux USA, après les "Martyr" d’ augustes figure telles, Martin, Kennedy, Malcolm X.... et bien d’autres à l’Autel de l’Unité, de l’Égalité et de la Fraternité, nous rappelle que, pro, ou prou, en addition à vos arguments bien sondés, nous ne devrions en aucun cas cesser de dénoncer. Cela serait la pire des culpabilités et une abdication morale face à nos responsabilités humaines.

    Primo : Vraiment ? Le Gouvernement de la Lybie, réputé pour sa dextérité professionnelle à traquer ses dissidents, et pour la finesse de son Département d’Espionnage, malgré le départ de Kadafi, pourrait- il prétendre n’être pas au courant d’une telle monstruosité qui se déroule, et depuis tant de temps dans son Territoire ? Si cet argument de l’ignorance est avancé, il nous prêterait à sourire : Car, si le "Trafic” criminel de nos Frères Africains du Continent se passe si inaperçu par la Lybie du Millénium, malgré son chaos, combien aisé et rêvé serait l’infiltration des "Mercenaires, des Terroristes et des Recruteurs de Terroristes," Et si ces "Marchands ou Acheteurs" de nos Frères -esclaves devaient ou voulaient les revendre aux recruteurs Terroristes- Islamistes contre le Gouvernement Lybien. ce dernier n’ en saurait rien..vraiment...?

    Remarquons que ce problème se pose tout autant à nous au Burkina Faso avec des accents differents, et tout autant, nous feignons la complaisance de l’ignorance : si, chez nous il ne s’agit pas d’esclaves Africains, vendus aux enchères dans les nuits sombres de notre Nation, notre "Sécurité" , surtout avec les réalités de Boko Haram et ses recrutements d’ adeptes féminins, bien effectifs d’ailleurs, devrait par anticipation se pencher sur ce phénomène de Prostituées, qui arrivent de parts et d’autres, de partout et de nulle- part, de gré ou de force, s’ installent, s’ institutionnalisent, s’opèrent, et fonctionnent, prospèrent sans inquiétudes, pendant des temps, avant d’être découvertes et dénoncées. Est- ce autrement que l’Esclavage, "non nova, sed nove" (pas différemment mais d’une manière différente). Que bientôt ces infiltrations contraintes à la servitude de l’’Esclavage Sexuel, deviennent soudainement des filières et des canaux pour des sordides entités comme Boko Haram au Nigeria, et nous aurions à payer très cher le le prix de l’ignorance.

    Secundo : Convenez avec nous, que tout Consulat et toute Ambassade partout dans le monde est un "berceau agrégé d’espionnage" internationalement accepté.

    Alors, que font nos Ambassades et nos Consulats, partout ailleurs ?, A quoi servent- ils ?

    Aurait- il fallut, qu’ un Organe étranger (CNN) nous sonne l’hallali pour pour nos pauvres Frères, et dans le contexte précisément des Relations Internationales, pour nous rappeler que la Souveraineté d’un État, qui se veut crédible et légitime, impose des pré- conditions essentielles, qui incluent, entre autres, la responsabilité Nationale à assurer le bien-être de ses citoyens, par tous les les critères disponibles et imaginables, tant à l’ intérieur qu’à l’extérieur ?

    Tercio : Face à de telles exactions inconcevables, et face aux ignorances, insultantes et injurieuses, contre tout le Continent, nous nous posons sincèrement la question :
    Combien de libyens, dans nos Territoires ? Combien sont-ils, qui prospèrent dans nos économies et dans nos vies politiques, et même avec des "Privilèges", que nos propres Nationaux ne peuvent obtenir ? Ainsi, afin de passer un "Message Clair" à la Lybie, devrions- nous attendre que les choses se poursuivent au détriment de nos Fils et Filles Africains, sous prétexte de.”. débats au cours des sommets, et que du côté de Tripoli, une enquête se propose de s’ouvrir, pour s’activer, afin de se poursuivre pour découvrir les résultats afférents et se prononcer, etc.., etc..," ?

    Malgré les irréfutables preuves de CNN, devrions- nous dans la passivité, attendre que ces Programmes, non- encore implémentés, se matérialisent, sachant combien ces genres de Programmes le plus souvent s’embourbent dans des interruptions maladives au profit de considérations et’ intérêts de tous genres, dont les complexités diplomatiques, administratives et politiques, les relaient aux "Calandres Grecques".

    D’ailleurs, et toujours toujours dans le contexte des Relations Internationales et de la Souveraineté des État, combien d’États dans l’Histoire, mème moderne ont reconnu de prime-abord une responsabilité engagée dans la confirmation des faits d’ actions Nationales Criminelles qu’ils ignoraient ? De prime- abord, quel État a endossé sa responsabilité ou sa connaissance dans l’assassinat de Lumumba, une part de responsabilité, de prime-abord dans le Génocide du Rwanda, toute immixtion dans la Guerre Civile du Libéria et de Côte d’Ivoire, ou toute ingérence dans le coup d’État avorté de la post-Transition au Faso ?

    Que nos États réagissent !. (Mandela ne fut jamais libéré par tous ces procédés, pas plus que les Afro-Américains). Que nos Gouvernements imposent à nos Frères de la Lybie, vivant et coexistant fraternellement avec nous et chez nous, un rappel à leurs obligations de courtoisie sociale, et qu’ une certaine rigueur politique, économique et sociale, tout au moins un certain minimum de réciprocité en rétribution ou d’avertissement (comme qui voudrait l’interpréter,) soit imposée ou confirmée comme avertissement.

    Définitivement une réaction unanime de nos États, qui soulignerait sans ambiguïté notre outrage, et tout autant servirait de signes affectifs contre les lenteurs des "débats débattant", et des enquêtes fréquemment constipées. Si non, combien d’Esclaves, avant tout aboutissement réconfortant, auront subi des sorts ?

    Quarto : Que nos Frères de la Lybies vivant chez nous, et coexistant avec nous, de leur côté , d’abord nous conçoivent cette légitime réaction avec discernement.Que surtout ils s’abstiennent tout autant d’ignorance complaisante ou de mauvaise foi, et témoignent plutôt de l’ appréciation et de la gratitude pour leurs Hôtes Africains qui leur prodiguent l’’hospitalité, exaltée dans le Coran et la Bible et élevée aux "apex" des vertus.

    Cinquo : Que nos Frères libyens, partout ailleurs en Afrique, résidant chez nous, et coexistant avec nous, se démarquent éloquemment de toute apathie, "Tare socio- ethnique, raciale et Historique" qui par excellence, fertilise les chancres du racisme, des discriminations et des fratricides. Qu’ils manifestent publiquement leur indignation à leurs Ambassades et Consulats. Qu’ils, envoient des Pétitions à travers nos Gouvernements. Qu’ils se prononcent en communauté solidaire dans nos Antennes et dans nos Écrans Nationaux., et qu’ils condamnent une ignominie qui ne les honore pas.

    Nos Musulmans chez nous et partout ailleurs, ne s’encombrent pas de scrupules à dénoncer et condamner leur Frères de Foi Musulmane, qui se servent du Terrorisme pour défigurer et travestir l’ Islam. Qu’il fassent mêmement.

    Joseph Léonard-Jerry, Guirma
    M.A International Relations (Texas)
    Chief Technical Adviser in Development of the UN Secretary General
    UN -Expert in Humanitarian Assistance and Electoral Process.

  • Le 20 novembre 2017 à 14:44, par ZALLE En réponse à : Résurgence de l’esclavagisme en Libye : « Une offense à la mémoire collective des peuples noirs » selon Ibrahim Sawadogo

    Réflexion pertinente ! Je pense que vous avez bien analysé le problème de l’esclavage des noirs en Libye. C’est une contribution pertinente. Courage et bon vent à toi mon frère.

  • Le 20 novembre 2017 à 19:15, par Internaute En réponse à : Résurgence de l’esclavagisme en Libye : « Une offense à la mémoire collective des peuples noirs » selon Ibrahim Sawadogo

    Rien ne justifie l’esclavage actuellement. Mais où étiez vous quand vous avez laisser les gens tuer Khadafi sans agir ? Ne serait ce que des appels à manifester devant les représentations diplomatiques des pays qui bombardaient la Lybie, à l’époque, auraient peut être permis d’éviter ce qui arrive aujourd’hui en Lybie. Voilà, en gros, nous avons cherché, nous avons trouvé. C’est trop tard, plusieurs états gouvernent la Lybie, il ya des tribus indépendantes, intouchables. Des zones de non-loi y existent.