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Police nationale : Quelle perception les policiers et les Ouagavillois ont-ils chacun de l’institution ?

LEFASO.NET | Par Herman Frédéric Bassolé
vendredi 16 juin 2017.

 

Au troisième jour des soutenances publiques à l’Académie de police, ce jeudi 15 juin 2017, l’élève commissaire Ouattara Koulodja Ahmed a défendu son mémoire sur le thème « La perception de la police par les policiers » face à un jury présidé par le directeur de ladite Académie, le Commissaire divisionnaire de Police, Hamadou Guigma. La veille, l’élève Ouédraogo Cheick Ahmed Farouk, lui, présentait les résultats de ses recherches sur la perception de la police par la population de Ouagadougou.

Comment les trois corps de la police nationale que sont les Commissaires, les Officiers et les Assistants perçoivent-ils l’institution qu’ils ont choisie afin de défendre avec honneur la Nation ? La question avait été abordée en 2001 par un élève Commissaire. Mais depuis lors, seize longues années se sont écoulées et les choses ont évolué au regard des défis actuels. L’élève commissaire Ouattara Koulodja Ahmed, lui, a choisi de cuisiner en famille en revenant sur le sujet, lequel sujet a été défendu, ce jeudi matin, face à un jury présidé par le Commissaire divisionnaire de Police, Hamadou Guigma.

Mauvaise perception de la police mais fierté d’appartenir à l’institution
« Quand vous avez une bonne perception de votre activité, vous faites bien ce que vous devez faire. Mais si vous avez le sentiment de faire partie d’une institution où vous êtes malmené, allez-vous vous donner à fond ? », s’interroge l’impétrant. A travers les enquêtes menées auprès de 200 personnes qui ont un âge compris entre 21 et 60 ans et 1 à 34 ans de services, Ouattara K. Ahmed note que les policiers, bien qu’ils soient fiers d’appartenir à l’institution, en ont une mauvaise perception du fait des contradictions internes, des conditions de travail, de l’inadéquation de la politique d’administration, de l’opacité de la gestion, du manque de reconnaissance, du désengagement de l’Etat et de la confusion des rôles.

Cultiver la fibre patriotique

Pour pallier ces problèmes, l’impétrant a fait quelques recommandations à l’endroit des autorités et des policiers eux-mêmes. Aux premiers, il demande de valoriser les compétences des policiers, d’assurer la formation continue des agents, de développer un management participatif, de déployer une stratégie de communication plus efficace et d’utiliser le syndicat des policiers (UNAPOL) comme un outil de repositionnement de la police nationale. Aux seconds, il demande de cultiver la fibre patriotique, la conscience professionnelle et d’avoir un sens aigu du devoir bien accompli.

Choisir la police malgré tout

Titulaire d’une Maitrise en Sciences économiques et de gestion obtenue à l’Université de Koudougou, Ouédraogo Cheick Ahmed Farouk a côtoyé des hommes de tenue pendant et après ses études. Son diplôme en poche, il avait la possibilité de passer les concours de la fonction publique les plus convoités par les étudiants diplômés. Mais, il préféra le terrain et l’action. Entre l’Académie militaire Georges Namoano qui forme les Officiers de l’Armée burkinabè et l’Académie de Police qui forme les Officiers et Commissaires, il préféra le second. Mais ce choix laissa perplexe quelques proches. « Dès qu’il a appris que j’ai été admis au concours et que je devais aller à la formation, un oncle que je nommerai ici Tanga a d’abord fait une minute de silence avant de me dire : Bon, comme c’est ton choix, il n’y a pas de problème. C’est une réponse qui en dit long sur la manière de percevoir le métier et j’ai pu lire sur son visage une sorte de déception », raconte le plus jeune élève Commissaire (25 ans) de cette 1re promotion de l’Académie de Police.

Stratagème lors des enquêtes

Selon, Ouédraogo Farouk, si l’institution policière veut être efficace et servir convenablement sa population, il va de soi qu’elle sache ce que cette population pense et attend d’elle. C’est ainsi qu’il a choisi de mener la réflexion sur la perception que les Ouagavillois ont de la police nationale. 200 individus ont été enquêtés par l’impétrant qui, face à la réticence de certains, a dû par moments se faire passer pour un étudiant. « La plupart ont évité de répondre honnêtement au questionnaire ou n’ont pas voulu répondre. Ils ont pensé que les données pourraient être utilisées demain contre eux », a confié l’impétrant.

La confiance est de retour

Globalement, il ressort de son mémoire que les Ouagavillois ont tendance à oublier cette image du policier agressif, violent et corrompu. La police nationale inspire confiance au regard des rapports qu’elle entretient avec la population même si elle rencontre des problèmes d’efficacité dans ses interventions.« Le facteur déterminant qui influence cette perception de la population, c’est le comportement que les policiers ont envers les usagers. Il y a également la communication, le niveau d’études et l’activité des autres services tels que la gendarmerie souvent comparée à la police et jugée beaucoup plus efficace », note l’impétrant.

Ces deux mémoires sur la perception de la police par les policiers et la population de Ouagadougou, ont été appréciés par les membres des jurys qui ont attribué chacun la note de 15/20. Une sanction bien accueillie par les deux élèves Commissaires qui s’apprêteront, bientôt, à faire le grand saut dans la chaine de commandement de la police nationale, une institution vieille de 67 ans.

Herman Frédéric Bassolé
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