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Prévention de la malnutrition par les transferts monétaires inconditionnels : Dans la Tapoa, les mentalités des populations pointées du doigt

LEFASO.NET | Par Herman Frédéric Bassolé
samedi 15 avril 2017.

 

Après la ville de Fada-N’Gourma, lundi dernier, c’était au tour de la province de la Tapoa d’abriter, ce jeudi 13 avril 2017, l’atelier de restitution des résultats du projet MAM’Out mis en œuvre par l’ONG Action Contre la Faim (ACF). Les populations ne se sont pas fait prier pour sortir s’imprégner des résultats de ce projet qui ambitionnait d’évaluer l’efficacité et le coût-efficacité des transferts monétaires inconditionnels, saisonniers et pluriannuels dans la prévention de la malnutrition dans la Tapoa.

Le marathon ne fait que commencer pour Action Contre la Faim dans la restitution des résultats du projet MAM’ Out, un exercice qui répond aux principes d’éthique et de redevabilité aux bénéficiaires. Après l’étape de Fada N’Gourma qui a mobilisé peu de monde dans les locaux du Conseil régional de l’Est, Freddy Houngbé et son équipe ont déposé leurs valises, ce jeudi 13 avril dans la commune de Kantchari, pour le deuxième atelier de dissémination qui marque le point de départ d’une série de disséminations en cascade vers les participants du projet.

« Un enfant malnutri est issu de père et de mère malnutris »

Cet atelier de restitution, les responsables d’ACF l’ont voulu participatif. Eh bien, il l’a été. Questions, commentaires et contributions empreints souvent d’humour ont émaillé la rencontre. En témoigne ce commentaire d’un participant qui a provoqué un fou rire dans la salle : « Un enfant malnutri est issu de père et de mère malnutris ». Pour Freddy Houngbé, le responsable du projet MAM’Out, ce commentaire bien qu’il fasse rire est interpellateur et plein de sens. Il dit avoir pris bonne note car cela voudrait dire « qu’en définissant les montants à l’avenir, il faudrait prendre en compte les parents des jeunes enfants dans les interventions pour plus d’efficacité ».

Les vérités de Yerbanga Daniel aux populations

Les mentalités ont la peau dure dans la région de l’Est en général et dans la Tapoa en particulier. C’est du moins le sentiment qui se dégage de l’expérience du Médecin-chef du district sanitaire de Diapaga, Yerbanga Daniel, qui a craché ses vérités aux populations notamment les hommes. Pour lui, la lutte contre la malnutrition est un problème de mentalité plutôt qu’une question de moyens financiers. « Il y a des gens qui gardent leurs enfants dans la malnutrition pour continuer à recevoir les vivres. Avec une telle mentalité, quel que soit la multitude d’interventions, le résultat sera toujours mitigé », a-t-il présagé. Afin de pallier ce problème, M. Yerbanga a préconisé un face-à-face avec les communautés afin de connaitre leur perception de la malnutrition pour une plus grande adhésion aux activités de prévention du fléau.

Quelques pistes de prévention de la malnutrition

« Il y a du pain sur la planche », a estimé le secrétaire général de la province. L’agent de santé à base communautaire (ASBC), Ouali Potaga, en est consciente, elle qui s’est démenée pour enseigner aux femmes les bonnes pratiques en matière d’hygiène et de nutrition. Même si les bénéficiaires du projet MAM’Out ont été réceptives à son message, elle se souvient que cela n’a pas été facile au départ. C’est pourquoi elle a plaidé auprès des responsables d’ACF pour que les maris soient davantage impliqués dans les activités pour bouter la malnutrition hors de la province. Et parmi les approches dégagées par les participants pour prévenir la malnutrition, l’on peut citer entre autres la sensibilisation des femmes à la diversification alimentaire des enfants, la poursuite des transferts monétaires, les espacements des naissances et la promotion du planning familial, la promotion des jardins de la santé, etc.

Bientôt la dissémination de proximité

Il est prévu à partir du 18 avril prochain une dissémination en cascade au niveau des villages bénéficiaires du projet. Ce travail méticuleux qui sera assuré par les agents de santé à base communautaire et les conseils villageois de développement en collaboration avec des agents d’ACF, sera l’occasion pour les populations de se prononcer sur les résultats du projet MAM’Out et de proposer des schémas complémentaires à même de prévenir la malnutrition aiguë dans la Tapoa.

En rappel, le projet MAM’Out a été mis en œuvre de mai 2013 à Octobre 2015. Il consistait à distribué pendant la période de soudure (juillet-novembre), un montant de 10 000 F CFA aux mères des jeunes enfants via des téléphones portables. 1278 enfants ont été suivis soit 644 enfants dans les 16 villages bénéficiaires des transferts monétaires contre 634 dans les 16 autres villages dits « témoins ». Selon le coordonnateur terrain de ACF Diapaga, Traoré Abdalah Djâbir, même si l’analyse des données quantitatives et qualitatives a permis de démontrer l’effet positif du projet sur la qualité de l’alimentation des jeunes enfants, les dépenses sanitaires et alimentaires et la place de la femme au foyer, l’équipe n’a pas pu mettre en évidence l’effet protecteur de ces transferts monétaires sur le statut nutritionnels des enfants. Et à l’en croire, d’autres données sur le WASH, le rôle de la femme, la sécurité alimentaire, le développement infantile (…) sont en cours d’analyse.

Herman Frédéric Bassolé
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