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Chute de Blaise Compaoré : Un projet conçu par les Américains, sous-traité aux Français, exécuté par Salifou Diallo, selon le PITJ

LEFASO.NET | Oumar L. OUEDRAOGO
vendredi 31 mars 2017.

 

Le Parti de l’indépendance, du travail et de la justice (PITJ) a effectué sa rentrée politique de l’année, ce jeudi, 30 mars 2017 à son siège national à Ouagadougou. Comme à l’accoutumée, l’occasion a été mise saisie par les responsables du parti, pour passer au scanner, la situation socio-politique du pays, sous fond de « révélations », d’excursions dans le passé, notamment la transition et de déception vis-à-vis des dirigeants actuels du pays, qu’ils qualifient de « bande d’aventuriers ».

C’est par une pensée pieuse et un hommage soutenu au fondateur du parti, Amirou A. Thiombiano, aux militants et sympathisants, que les membres de l’organe dirigeant du PITJ ont entamé ce rendez-vous annuel majeur. Le secrétaire général, Soumane Touré, a ensuite rappelé que le parti, crée en 1963, s’est assigné comme tâches prioritaires d’informer, de former, d’éduquer et d’élever la prise de conscience du peuple, et surtout de l’aider à s’organiser et à lutter pour l’instauration d’une démocratie véritable au Burkina et d’une gouvernance vertueuse.

Pour cette sortie, les responsables du PITJ ont focalisé leur intervention sur l’historique de la « lutte déterminée » du peuple pour la construction d’un Etat de droit véritable pour la bonne gouvernance et la moralisation de la gestion de la chose publique. Cette instance a également consisté en l’analyse de ce qu’ils ont appelé « blocage et impasse dans laquelle se trouvent les usurpateurs du MPP et tous ceux qui les soutiennent face aux exigences du peuple », au diagnostic de la question relative à la réconciliation nationale. Les responsables du PITJ ont en outre proposé les voies pour le peuple de renouer avec une vie constitutionnelle normale.

Les responsables du parti ont réaffirmé leur regard mitigé de la transition ; une parenthèse qui, selon eux, fait suite à un coup d’Etat (non-respect de l’article 43 suite à la démission de Blaise Compaoré). Pour Soumane Touré et ses camarades, en faisant fi de l’article 43, les acteurs se sont rendus coupables d’un fait de coup d’Etat. Dès lors, estiment-ils, la transition ne s’est reposée sur aucune base légale, emportant du même coup, le pouvoir qui lui a succédé (c’est-à-dire le régime actuel). C’est pourquoi le parti demande-t-il la remise à plat des institutions, recouvrer une vie constitutionnelle normale afin d’éviter ainsi un enlisement.

‘’D’octobre 2014 à ce jour, le pays dans une vie constitutionnelle anormale’’

S’appuyant sur les termes de l’article 43 de la Constitution, les dirigeants du PITJ persistent et signent que le pays fonctionne depuis la chute du président Blaise Compaoré, en violation de la loi fondamentale ; donc, dans une situation anormale. « Blaise Compaoré a démissionné, en demandant de faire application de l’article 43 (qui n’appartient pas à Blaise Compaoré, c’est écrit dans la Constitution, notre Constitution). Même s’il ne l’avait pas dit, on devait regarder la Constitution pour savoir, en cas de démission du président, ce qu’on devrait faire. Sur l’application de l’article 43, le président de l’Assemblée nationale, à défaut de lui, il y avait cinq vice-présidents. Zéphirin Diabré même avait une vice-présidence à l’Assemblée nationale.

Au lieu de cela, on décide, pour des considérations régionalistes, ethnicistes, qu’ils ne sont pas des Mossés du centre, on refuse de faire application de l’article 43. C’est ce que vous, vous avez peur de regarder en face et c’est ce que nous, nous avons le courage de dire. Ce sont les forces rétrogrades…, c’est pourquoi on est parti au palais du Mogho Naaba, se faire adouber là-bas. C’est pourquoi on est parti sortir de son poulailler, M’Ba Michel (Kafando) pour venir l’installer comme président. Et vous avez vu le résultat ? Donc, ce sont les FDS (Forces de défense et de sécurité) qui sont à la base et responsables de cette situation ; ce sont elles qui ont permis au MPP d’usurper le pouvoir », mate le secrétaire général du parti, Soumane Touré. Les dirigeants du PITJ déclarent n’être « aucunement gênés d’inviter les gens à réparer leurs fautes, bien au contraire ! ».

Ils rappellent au président Roch Kaboré, son mea culpa, synonyme d’engagement vis-à-vis du peuple, qui le tient à l’œil. Pour sortir de cette situation, qu’ils ont qualifiée d’anormale, le PITJ recommande au président du Faso, Roch Kaboré, de se faire un coup d’Etat, à lui-même, chasser Salifou Diallo de l’Assemblée nationale, dissoudre le gouvernement et les conseillers municipaux, puis demander, cette fois-ci, « sincèrement pardon » et remettre le pouvoir. Ce, d’autant puisque, de son avis, Roch Kaboré n’est pas à mesure de gérer le pouvoir. « Ce n’est pas la peine de continuer mouta mouta comme cela », lancent les responsables du parti, qui soutiennent que même les économistes ont prouvé que 2016 a été un échec et 2017 ne se présente pas non plus sous de bons auspices avec le front social qui bout, les attaques terroristes, etc. « Regardez, il prend un ministre, Jean-Claude Bouda, petit fêtard…, comme ministre de la défense. Un type comme Simon (Compaoré), ministre de la sécurité, irresponsable et agité. Vraiment, le pays est dans une situation grave, dans de mauvaises mains … », mate M. Touré, qui en veut pour preuve à cette incapacité, la nomination comme haut-représentant du Chef de l’Etat, à l’intérieur comme à l’extérieur, de l’ex-président du Conseil national de la transition (CNT). A son avis, une vice-présidence, en violation de la Constitution.

‘’De la chute du régime Compaoré … à la ‘’milicisation’’ de l’armée’’

C’est avec gros sur le cœur donc, que les responsables du PITJ disent constater la violation de la Constitution. « Et nous avons expliqué, pour renverser Blaise Compaoré, depuis qu’il est parti parler aux Etats-Unis, les Américains avaient décidé de le ‘’balayer’’. Ils ont sous-traité le contrat avec la France. Et c’est Salifou Diallo qui est allé prendre le contrat », affirme Soumane Touré. Il poursuit en révélant que, les porteurs du projet, ayant su que Salifou Diallo, « par ses méthodes de gangster et autres », pouvait renverser Blaise Compaoré mais pas s’installer, lui-même, au pouvoir, il fallait chercher celui-là à même d’être accepté (par le peuple). D’où le choix de Roch Kaboré. ‘’La deuxième étape serait de ‘’virer’’ Roch Kaboré et mettre Salifou Diallo. Si on ne peut pas mettre Salifou (Diallo) directement, ils vont lui transférer tous les pouvoirs du président (du Faso) ’’, retient-on. Pour lui, le régime semi-parlementaire proposé dans la Constitution en gestation, en stipulant que tout ce que Roch Kaboré va faire doit être soumis à l’Assemblée nationale, qui doit approuver, permet à Salifou Diallo de dépouiller le président du Faso de ses prérogatives constitutionnelles en sa faveur.

Les dirigeants du PITJ pointent les Forces de défense et de sécurité (FDS) pour avoir non seulement opéré un coup d’Etat, suite à la démission de Blaise Compaoré, mais également d’œuvrer (de connivence avec Isaac Yacouba Zida) pour l’avènement du MPP au pouvoir. Ils pensent qu’il faut une opération de prévention de crises graves dans ce pays.
« Si on va à cette allure, il va avoir des conflits, des situations très graves vont se créer dans le pays. Les FDS, elles-mêmes, sont allées en missions de maintien de la paix à l’extérieur, dans des pays où il y avait des crises ; elles savent donc qu’est-ce qui a provoqué ces crises-là et dans quel état lamentable étaient ces pays. Elles savent aussi que la paix ne revient dans ces pays, que quand on arrive à installer une vie constitutionnelle normale », scrute l’organe dirigeant du parti. « Nous, nous sommes retraités, on marche avec cheveux blancs. Ce qu’on fait, ce n’est pas pour nous, c’est pour vous. Et puis, nous on veut rester tranquille sous nos hangars. Et certains d’entre nous qui vont mourir voudraient être enterrés décemment. Vous avez vu que dans les pays où il y a les conflits, la paix est terminée pour tout le monde ; tout le monde fui. Chacun se cherche, il y a des morts qui jonchent-là, qui restent-là, les cadavres et autres restent au soleil et il faut des gens spécialement pour aller ramasser ces cadres pour les enterrer. La responsabilité qu’on doit avoir pour son peuple et pour son pays est celle-là : se mobiliser pour empêcher tout ce qui peut permettre de crises graves dans votre pays », s’adresse-t-il aux jeunes avant d’appeler Roch Kaboré à consentir au sacrifice pour épargner le pays d’une catastrophe. S’il aime le pays, supplie-t-il, Roch Kaboré doit se faire un coup d’Etat, comme ce fut le cas avec Sangoulé Lamizana le 8 février 1974.

Soumane Touré va plus loin en déballant que « les Salifou Diallo avec leur ardeur et autres, sont en train de corrompre tout dans l’armée. On a écrit, noir sur blanc : l’armée est en voie de privatisation, donc elle va se transformer en milice privée » avec toutes les conséquences que cela implique. A l’en croire, la situation est sérieuse. « A Blaise Compaoré, on disait la même chose, mais il n’a pas écouté et il a vu ce qui lui est arrivé. Mais, ce qui va arriver-là, ce n’est pas seulement à Roch seul, c’est à tout le pays, à tout le peuple. (…). Vous avez vu comment les choses sont arrivées dans d’autres pays, et jusqu’à présent, ces pays ne se sont pas relevés. Et vous voulez qu’on arrive à cette situation-là avant… Nous, nous sommes une organisation d’avant-garde et notre rôle, c’est d’informer, d’éduquer, d’attirer l’attention des gens sur les dérives et les dangers que nous courons… », explique le secrétaire général du PITJ.

Quitter la ‘’lâcheté collective’’ pour sauver le pays !

Le PITJ invite les Burkinabè à s’assumer, en ne fermant pas les yeux sur les dangers qui guettent le pays. « Notre parti est créé depuis 1963, on n’est pas venu avec le dernier hivernage. On connaît, on sait et on suit. On est informé », signe le secrétaire général, pour qui le PITJ ne se lassera d’attirer l’attention du peuple sur les dérives, comme il l’a toujours fait à chaque fois que la situation l’a requis. « Tous ceux qui ont mené des coups d’Etat (de Lamizana à Lieutenant-Colonel Isaac Yacouba Zida) nous ont pourchassés, enfermés, maltraités, torturés … dans des camps militaires.

Nous ne fermerons jamais notre bouche, nous ne manquerons jamais de dire ce qui ne va pas. Généralement, les gens qui font les coups d’Etat croient que, parce qu’ils ont les armes, tout le monde doit la boucler quoi ! Nous, on ne veut pas la boucler. (…). C’est notre pays, nous sommes nés des hommes libres et nous attendons que dans le pays, on respecte les libertés individuelles et collectives, et qu’on permette à tous les hommes de vivre libres, égaux et de s’exprimer. (…). Nous disons que les Forces de défense et de sécurité, et nous l’avons démontré longuement, sont à la base de tous les crimes de sang. Est-ce que vous avez vu un parti (politique) prendre les armes, est-ce que vous avez vu une organisation de la société civile prendre les armes, est-ce que vous avez vu des affrontements armés provoqués par les populations ? Ce sont les militaires qui ont le monopole de la détention et de l’usage des armes, reconnus par la République. Si des gens meurent par balles, ce sont forcément des éléments des FDS qui les ont commis. Si on arrête des gens, qu’on va torturer jusqu’à mort, c’est le fait des FDS. Ils ont fait assez de tort au pays ».

Le parti appelle surtout le peuple à refuser « la lâcheté collective » derrière laquelle il se réfugie, et qui risque de se retourner contre tout le monde. Il rappelle que depuis l’avènement de la transition, le PITJ ne cesse d’attirer l’attention du peuple sur le fait qu’il vit dans une situation (constitutionnelle) anormale. « Il est temps, vraiment grand temps, que chacun de nous prenne conscience que ce pays-là ne sera pas construit par un autre et qu’on ne le construira pas dans le mensonge. Jamais de la vie. Ces gens-là (dirigeants, ndlr) disent qu’eux, ils n’étaient pas avec Blaise, qu’ils étaient loin avec de longues fourchettes … Mais, c’est le même plat, le même repas que vous mangez ! Que la fourchette soit courte ou qu’elle soit longue, c’est le même repas ! », répliquent les dirigeants du PITJ avant d’indiquer être prêts à répondre devant les tribunaux, avec preuves à l’appui, si ceux en cause dans leurs propos venaient à estimer qu’ils sont victimes de diffamatoires. « S’ils disent non, alors, ils n’ont qu’à nous attraire devant les tribunaux pour diffamation et vous allez voir ; chacun va venir avec ses papiers (en espérant que le procureur va regarder les papiers, non pas en l’envers mais à l’endroit et faire droit à la revendication du peuple, pour le retour de ses biens d’abord). Ils n’ont qu’à nous rendre ce qu’ils ont volé. Ensuite, nous-mêmes, nous allons repenser notre démocratie dans la paix et dans la tranquillité de chacun d’entre nous ».

Oumar L.OUEDRAOGO
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