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Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

lundi 23 janvier 2017.

 

L’institut Free Afrik vient de rendre public son rapport 2016-2017 sur l’économie burkinabè. Pour présenter ledit document, ses premiers responsables ont organisé une conférence de presse le 19 janvier 2017, à Ouagadougou. Entre un climat sécuritaire dégradé, un front social en ébullition et des réformes précipitées, le Burkina n’a pas su tirer profit d’un contexte international favorable marqué par le retour réussi à la démocratie et donc de la sympathie des partenaires au développement. C’est pourquoi, selon Free Afrik, 2016 est une année perdue pour le Burkina sur le plan économique.

Depuis quatre ans, Free Afrik publie, au mois de janvier, une étude sur le bilan de l’année écoulée et des perspectives de l’année en cours. L’étude 2016-2017 est intitulée « économie burkinabè 2016/2017 : s’éloigner du précipice, engager le renouveau ».

La ministre burkinabè de l’économie, des finances et du développement, au cours d’un point de presse animé le 12 janvier dernier, annonçait un taux de croissance de 5.4% en 2016. Mais, l’Institut Free Afrik, lui, donne un chiffre de 5.2%. Quel que soit le taux retenu, il est inférieur à celui de la zone UEMOA qui est de 7% au cours des deux dernières années.

Un contexte favorable mal exploité

Pourtant, le Burkina pouvait mieux faire s’il avait su tirer profit de la confiance des partenaires au développement. Car, « en raison de son retour réussi à la démocratie, le pays bénéficie d’une bonne disposition des partenaires au développement comme une sorte de prime au rétablissement démocratique, en témoigne le volume des intentions de financement exprimées par les PTF du PNDES à Paris. Cette bonne disposition reste davantage un potentiel à convertir en facteur effectif de soutien à la relance économique et au développement du pays. Dans un contexte de durcissement des conditions de financement du développement, elle constitue un atout que des pays comparables n’ont pas », a expliqué Dr Ra-Sablga Ouédraogo, le directeur exécutif de Free Afrik.

A cela, il ajoute la remontée du cours de l’or et du coton, principaux produits d’exportation du pays, après des chutes importantes en 2014 et 2015. Mais, la cagnotte engrangée du fait de la chute du cours du pétrole a servi à compenser essentiellement la baisse du carburant.

11 300 emplois détruits en octobre 2014

Certes, malgré les chocs adverses, l’économie nationale a montré une résilience importante. Mais, les effets négatifs demeurent encore. Dr Ouédraogo et son équipe rappellent que 114 entreprises ont été cassées et 11 300 emplois perdus suite à l’insurrection de 2014. Mais, jusque-là, regrettent-ils, « aucune action publique spécifique n’a visé le traitement des conséquences sociales » de ces dégâts économiques.

Free Afrik, dans la présente étude, ne manque pas de rappeler le climat sécuritaire fortement dégradé au fil des ans. Ainsi, entre avril 2015 et janvier 2017, le Burkina a subi 13 attaques terroristes dont neuf en 2016, occasionnant 57 morts, 82 blessés et trois prises d’otages. Cette situation a des conséquences énormes sur le plan économique. Elle conduit à un resserrement de la demande, mais aussi à une explosion des charges pour les besoins de sécurité. Les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et des loisirs sont particulièrement affectés car obligés de recourir aux services de la police et de la gendarmerie. A titre d’exemple, Dr Ra-Sablga Ouédraogo précise que les hôtels dépensent en moyenne 900 000F CFA par mois pour deux agents de sécurité.

A cette situation sécuritaire préjudiciable pour l’économie, il faudra ajouter le climat social en ébullition tout au long de l’année, avec des grèves tous azimuts dans l’administration publique.

Le PNDES attend toujours ses organes techniques

Selon Free Afrik, le Plan national de développement économique et social (PNDES) est toujours sur papier. Les organes techniques ne sont pas encore fonctionnels malgré la grande publicité autour de ce référentiel de développement du Burkina. Si Free Afrik reconnait la réussite de la table-ronde de Paris en décembre 2016, il estime toutefois que « ce succès relatif ne doit pas faire perdre de vue les contraintes concrètes qui pèsent sur la capacité d’absorption ainsi que la priorité donnée à la mobilisation des ressources internes ». Pendant ce temps, la population a augmenté d’au moins un demi-million de personnes en 2016. Et les défis restent entiers.

2017 : précipice ou renouveau ?

Free Afrik souligne l’inertie, l’improvisation, les réformes précipitées et les idées vendangées par les autorités politiques. Il en veut pour preuve la gratuité des soins qui a été improvisée, sans une communication appropriée en direction des bénéficiaires, ni concertation suffisante avec les parties prenantes. Aussi, la disponibilité des stocks et la soutenabilité financière et économique de la réforme et des formations sanitaires n’auraient pas été étudiées et les précautions requises ont alors manqué. Cette réforme de grande portée sociale du président Kaboré connait donc d’importantes difficultés qu’il faudra corriger au plus vite pour renforcer les impacts attendus.

L’étude confirme également le pouvoir triangulaire du parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Un triangle d’incompatibilité qui a pour conséquence une lourdeur dans les prises de décision, la faible réactivité et l’attentisme dans certains cas. Pour sortir de cette inertie préjudiciable à l’économie burkinabè, un repositionnement des acteurs est indispensable. Faute de quoi, le pays se dirige vers le précipice. C’est donc dire que 2017 s’annonce critique. Il appartiendra aux Burkinabè de prendre leurs responsabilités, chacun en ce qui le concerne. Car, l’analyse stratégique menée par Free Afrik indique que 2017 est une année critique, conduisant au précipice, ou une perspective plus heureuse de renouveau économique si tous les acteurs jouent pleinement leurs rôles.

Les pays de l’UEMOA se portent bien

Cette étude fait d’abord le point sur l’économie mondiale dont la croissance est en régression. Le taux de croissance mondiale est de 3.1% en 2016 contre 3.8% sur la période 2010-2015. Cette décélération de l’économie mondiale est liée au ralentissement de l’investissement des USA, les incertitudes politiques suscitées par le Brexit et la montée de l’extrémisme politique, mais aussi la menace terroriste.
Les économies émergentes, quant à elles, poursuivent leur croissance. Mais, l’économie chinoise, le moteur de cette croissance, connait un ralentissement en 2016. C’est plutôt l’économie indienne qui enregistre la meilleure performance des pays émergents avec une croissance économique de 7.6%.

La croissance africaine est en train de s’essouffler. En 2016, l’économie de l’Afrique subsaharienne enregistre une croissance inférieure à la moyenne mondiale, soit 1,4% contre 3.1% au niveau mondial. En 2015, la croissance économique de cette partie du monde était de 3.4%. Mais, la bonne nouvelle vient de la zone UEMOA qui affiche une croissance de 7% en 2015 et 2016. Le Burkina est classé 6e de l’UEMOA en terme de taux de croissance.

Free Afrik est un organisme indépendant de recherche. Il est porté par un collège de jeunes intellectuels africains engagés à mettre la science, en particulier l’économie au service de la liberté en Afrique.

Moussa Diallo
Lefaso.net



Vos commentaires

  • Le 23 janvier 2017 à 19:24, par Ali Diallo En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

    On vu a vu Dr Rasablega de free afrique faire un meeting anti-RSP a la place de la nation en 2015. DONC NE VENEZ PAS NOUS DIRE ICI QUE VOTRE BUT EST DE METTRE L’ECONOMIE AU SERVICE DE LA LIBERTE EN AFRIQUE. Cette institut a meme sa part de responsabilte donc dans les 57 morts du terrorisme dont il fait cas.

    • Le 25 janvier 2017 à 09:02, par cool En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

      tu as raison, c’est eux les osc qui ont livré le pays aux attaques terroristes. je veux les demander ce qu’ils pensent des victimes qui ont péri dans ces attaques grace à leur demantellement du rsp. s’ils ont le courage de regarder les proches des disparus dans ces attaques. ils savaient à quoi s’attendre dans le demantellement, mais ils l’ont voulu car ils savaient que ce ne sera pas eux qui allaient périr au front. pauvre faso, c’est quoi ces derives politiciennes associées aux osc

      • Le 3 juillet 2017 à 21:35, par Sagesse En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

        Je crois que nous devrions saluer ces genres d’initiatives qui nous donnent au moins une base sur laquelle nous allons débattre et faire des projections. Ne dit on pas une proposition vaut mieux que pas de proposition dit tout. Au lieu de fustiger la proposition du Dr, et si vous qui n’êtes pas d’accord avec nous proposaient ce que vous avez cela rendrait les échanges plus pertinents vous ne trouvez pas.
        Avançons

  • Le 24 janvier 2017 à 11:33, par Zongo Isidore En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

    Merci pour cette contribution. C’est ce que nous attendons de nos intellectuels. Apporter leur contribution au développement du Burkina Faso. Car il ne faut pas que critiquer, il faut surtout apporter des contributions pour aider le gouvernement à aller de l’avant, et c’est ce que fait majestueusement freeafrik pour ceux qui suivent les activités de l’institut. Même si le tableau peint semble noir, l’institut montre tout de même qu’il a y’a de l’espoir pour peu que chacun y mette du sien. Merci Dr, merci freeafrik.
    Chacun est libre de faire sa lecture des résultats de votre étude. Mais ne vous laissez pas distraire par certaines critiques non constructives. Puisse Dieu vous accompagner toujours.

  • Le 24 janvier 2017 à 14:37, par bof ! En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

    Pour ma part, 2016 n’a pas été perdu dans le contexte d’où venait le Burkina. Osez dire le contraire, c’est faire en partie un diagnostic erroné. Plus de 5% de croissance, dans un tel contexte, est plutôt bon. Vous évoquez la remontée du cours de l’or et du coton mais vous n’évoquez pas les pertes astronomiques occasionnés par le coton OGM. Par la faute de l’insécurité et du terrorisme croissant, il ne faut pas s’attendre à des miracles dans notre pays et autres pays sahéliens. C’est une donne à intégrer ! En lisant cet article, je m’aperçois que n’importe qui aurait pu l’écrire car rien de nouveau sous le soleil. Décevant.

  • Le 24 janvier 2017 à 16:16, par L’Oeil du Peuple En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

    Merci Dr pour cette brillante démonstration économique.Vos analyses économiques ont toujours convaincu votre auditoire car ce sont des analyses pertinentes qui peignent toujours dans leurs réalités les économies auxquelles vos études et recherches ont porté.Je vous suis toujours dans vos analyses économiques depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.Vos études qui étalent toute la problématique économique de certaines parties du monde et particulièrement notre pays se laissent lire à volonté contribuent à donner des solutions de sorties de crises économiques et de la bonne gouvernance si toutefois nos autorités actuelles vous écoutent et vous lisent.C’est pertinent.
    Nous avons besoins de ces genres d’intellectuels dans nos pays pour faire bouger l’économie.Courage à vous et à votre équipe Dr.On sent que vous êtes ouvert et franc pour ceux qui veulent vous comprendre.

  • Le 24 janvier 2017 à 16:59, par Yiriba En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

    L’analyse dans cet article est vraisemblable au regard de ce qu’on peut constater comme changement économique. La liste des actions du gouvernement en 2016 qui ont abouti à des résultats tangibles et mesurables sont limitées quand on sort de quelques projets de béton et de l’asphalte (bitume). Accordons encore une autre année au gouvernement surtout à cause des attaques terroristes que personne n’avait anticipé et dont les conséquences sont vraiment néfastes sur la mise en œuvre des plans. Le reste est prévisible et doit faire partie des plans d’urgence et de continuité des services ou des opérations. Pour la création des emplois intéressants dans la population au Burkina, il faut le voir surtout dans la RÉNOVATION des infrastructures publiques dans un premier temps : hôpitaux, dispensaires, écoles, édifices publiques existants (police, gendarmerie, postes, prisons, canalisation urbaine, assainissement, etc...). Je dis bien Rénovation et non Construction de nouvelles infrastructures. Si l’administration, la réalisation et le contrôle de ces projets pouvaient se faire dans la transparence et l’efficacité, avec des partenaires privés compétents et justes,nous verrons un véritable début de décollage économique qui bénéficie à une bonne couche de la population avec des résultats mesurables et visibles par tous. Est-ce que tels objectifs sont des priorités dans le PNDES ? Si oui, que le gouvernement le démontre.

  • Le 24 janvier 2017 à 21:54, par vinéga En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

    Si c’est seulement 2016, on peut garder espoir ; mais à voir les choses très sérieusement c’est au moins deux décennies que nous avons perdu.
    On n’a que des poltrons qui nous gouvernent.

  • Le 25 janvier 2017 à 07:42, par SARKO En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

    Nous ne vendons que du coton , de l’ or et un peu de bétail ;Ces produits d’exportation ne sont pas suffisants pour nous octroyer un bon taux de croissance . Au lieu de théoriser , propose nous quelques pistes . Je te propose un thème d’ études : Mes solutions à KABA pour améliorer le taux de croissance . Grande considération .

  • Le 25 janvier 2017 à 11:22, par Le citoyen Boss En réponse à : Economie burkinabè : 2016, une année perdue selon l’institut Free Afrik

    Merci bien Dr pour ce travail scientifique et je pense qu’il vos continuer dans ce sens mais je voudrais quand même que nos autorités vous écoutent et prennent vos études en compte dans la prise de décision des affaires économiques et financières de ce pays.Du courage